vendredi 26 avril 2024
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Anti-blanchiment : Monaco sous le contrôle de Moneyval

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Moneyval, le comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme du Conseil de l’Europe, vient de publier un rapport au terme duquel il a décidé de placer Monaco en procédure de « suivi renforcé ». Le gouvernement monégasque a réagi, en rappelant que depuis, une série de mesures ont été lancées.

Le 23 janvier 2023, Moneyval, le comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, a placé Monaco en procédure de « suivi renforcé ». Si Moneyval reconnaît dans un communiqué de presse le travail « considérable » entrepris par Monaco dans l’identification des risques pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il est demandé à la principauté d’en faire plus, et donc d’« intensifier ses efforts ». Dans le détail, le groupe d’experts évoque un « niveau d’efficacité modéré » concernant « la compréhension des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, la coopération internationale, l’application de mesures préventives de blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par le secteur privé, l’utilisation du renseignement financier et la mise en œuvre des sanctions financières ciblées des Nations Unies contre le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive ».

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Le rapport de Moneyval réclame donc des « améliorations majeures » à propos de la transparence des personnes morales, mais aussi pour les enquêtes et les poursuites en ce qui concerne le financement du terrorisme. Il demande également des « améliorations fondamentales », afin de renforcer « l’efficacité de la supervision, des enquêtes et des poursuites en matière de blanchiment de capitaux et de la confiscation des produits du crime ». Autre reproche fait à Monaco : un nombre d’enquêtes jugé « modeste » concernant le blanchiment de capitaux, et un « très faible nombre de condamnations obtenues, ainsi qu’un nombre encore plus réduit de mesures de confiscation ordonnées ».

Les condamnations pour du blanchiment commis par des tiers ne sont pas probantes, estime Moneyval, « ce qui constitue une lacune importante au vu du statut de place financière qu’occupe Monaco »

Les condamnations pour du blanchiment commis par des tiers ne sont pas probantes, estime Moneyval, « ce qui constitue une lacune importante au vu du statut de place financière qu’occupe Monaco ». Avant d’ajouter : « Au cours de la période de référence, quatre condamnations définitives pour blanchiment de capitaux ont été prononcées. Cela demeure faible au vu du nombre de poursuites, mais également au vu du taux de condamnation qui est également préoccupant, avec environ un tiers de poursuites seulement ayant abouti à une condamnation. » Quant aux sanctions, elles sont « proportionnées », mais ne sont pas « efficaces ou dissuasives, et n’ont jamais été exécutées, à une exception près », ajoute le comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La coopération entre les autorités monégasques et les douanes françaises n’est pas encore « optimale » ajoute Moneyval, et cela « malgré des rapprochements récents ». Un problème de « manque de personnel » est aussi pointé dans ce rapport, dans « certaines autorités compétentes, notamment le Service d’information et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN), la Section des enquêtes financières (SEF), ainsi que le procureur et le parquet général ».

Pas de liste grise

En réaction, le gouvernement monégasque a publié un communiqué de presse dans la matinée du 23 janvier 2023. Il indique « sa pleine adhésion aux recommandations formulées dans ce document, et affirme que l’Etat de Monaco est déterminé à les mettre en œuvre rapidement ». Le ministre d’Etat, Pierre Dartout, estime que cette « exemplarité dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est essentielle pour Monaco en termes de raison d’être et d’attractivité. Nous allons donc poursuivre et amplifier notre action. La principauté a les capacités et les ressources pour atteindre le meilleur niveau dans les délais prescrits ». Ce rapport datant de mars 2022, le gouvernement rappelle qu’il a agi depuis. On se souvient que le Conseil national a voté cinq textes de loi en décembre 2022, ce qui a d’ailleurs provoqué le mécontentement des élus qui ont estimé avoir dû travailler dans des délais beaucoup trop courts. Ces textes portent notamment sur la « saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime », « la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, et la corruption », et « la modification du code de procédure pénale concernant l’entraide judiciaire internationale ».

« Les prochains mois vont nous permettre de renforcer nos mesures, et nous serons prêts pour l’échéance de mars 2024 »

Jean Castellini. Conseiller-ministre pour l’économie et les finances

En parallèle, un registre des bénéficiaires effectifs a été déployé, et un registre sur les trusts devrait voir le jour en 2023. La nomination de Sylvie Petit-Leclair à la direction des services judiciaires de la principauté le 1er juin 2022 par le prince Albert II est un autre signal envoyé par Monaco vers l’extérieur. « Les prochains mois vont nous permettre de renforcer nos mesures, et nous serons prêts pour l’échéance de mars 2024, promet le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini. Le gouvernement a mis en place un comité de suivi chargé de l’adoption des recommandations du rapport, et il sera par ailleurs accompagné par des experts réputés et expérimentés tout au long du processus ». Suite à la guerre en Ukraine et aux sanctions décidées par l’Union européenne (UE) contre la Russie, notamment pour bloquer les avoirs des oligarques russes, la principauté a agi. Selon Les Echos, à Monaco, le montant de gel des avoirs aurait atteint plus de 2 milliards d’euros. Une chose semble sûre : pas question pour Monaco de risquer de glisser à nouveau dans une liste grise. Le 24 septembre 2009, la principauté était parvenue à sortir de la liste grise dressée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette liste concernait les pays dits « non coopératifs ». Le G20 avait placé Monaco sur la liste grise des paradis fiscaux en avril 2009. Moneyval étudiera à nouveau le cas de Monaco en décembre 2024.