samedi 20 avril 2024
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Expédition bipolaire

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L’aventurier de l’extrême Mike Horn a pris le large depuis Monaco pour sa nouvelle expédition Pole2Pole : un tour du monde en deux ans en passant par les pôles Nord et Sud, sans aucun moyen de transport aérien.

 

Les amarres sont larguées, la grand-voile et le foc bordés. Doucement, le Pangaea vogue hors de la Principauté. À bord de ce magnifique voilier brise-glace de 35 mètres, l’aventurier à la double nationalité suisse et sud-africaine Mike Horn. Dimanche 8 mai, il a levé l’ancre du Yacht-Club de Monaco et a pris le large pour une expédition inédite nommée Pole2Pole. Un tour du monde en passant par les deux pôles — Nord et Sud — qu’il doit réaliser en seulement deux ans. Et qu’avec des moyens de transports terrestres, en excluant le Pangaea qui lui sert à relier les continents. Cet aventurier n’en est pas à son coup d’essai : « Vingt-cinq ans d’exploration professionnelle » à son actif, dont le projet Latitude zéro, un tour de la Terre en suivant l’équateur, sans moyen de transport motorisé, qu’il a entrepris entre 1999 et 2000. Ou encore des expéditions en Himalaya et en Amazonie. À l’aube de ces 50 ans qu’il fêtera en juillet, l’explorateur peut compter sur sa solide expérience, même s’il reconnaît volontiers que « cette expédition est un peu ambitieuse… » Sans doute la plus ambitieuse de sa carrière. « Je ne suis qu’un humain. Rien n’est sûr. Ne pas être sûr fait peur. J’aime ne pas être sûr, j’aime avoir peur. Ce que je fais me fait me sentir vivant. »

 

Crocodile

Cet explorateur va parcourir 27 000 kilomètres lors de ce périple extrême, dont 16 000 kilomètres rien que sur les pôles. Un défi aussi « fou » qu’inédit pour Mike Horn, même s’il est habitué à être « en dehors de sa zone de confort ». Il arpentera différents environnements — jungle, désert, marais, toundra ou montagnes — avec différents moyens de transports — à pied, en kayak, en 4×4 tout-terrain… Sauf ceux aériens. « Je ne quitte jamais le sol. Je vais conduire à travers certaines distances plutôt que de prendre l’avion », explique Mike Horn. Pour l’instant, c’est sur le Pangaea qu’il navigue plein cap sur la Namibie, sur la côte ouest de l’Afrique. Là-bas, pour traverser le désert, il va « suivre les traces migratoires des éléphants ». Puis direction les marais de l’Okavango, au Botswana, le second plus grand delta intérieur du monde. « Ce sont les antilopes que je vais suivre, car elles connaissent le chemin pour éviter les crocodiles. Et je n’ai aucune envie de me faire manger par un crocodile… », s’amuse Mike Horn. L’aventurier sait faire face aux prédateurs ou trouver de la nourriture en chemin ; il est coutumier des milieux hostiles et de sa faune qui ne l’est pas moins. Il prodigue même ses conseils aux survivants en herbe de l’émission The Island, sur M6.

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« Équilibre »

Mike Horn fera ensuite halte à Cape Town, dans son Afrique du Sud natale. Non loin de là, l’athlète helvético-sud-africain va passer par l’Allée des requins. « Combien de requins sont tués chaque année pour faire de la soupe avec leurs ailerons ? », déplore-t-il. Les estimations les plus réalistes parlent de 100 millions, alors que le requin n’est responsable que de moins de 10 morts d’êtres humains par an… « Nous pouvons apprendre aux jeunes à faire les choses différemment, pour préserver la planète », estime Mike Horn, en mettant notamment l’accent sur « l’importance de l’équilibre des océans ». Après cette étape, cet aventurier s’attaquera au pôle Sud. Il traversera l’Antarctique sur toute sa distance : 5 800 kilomètres où, en tirant un traîneau de 220 kg de matériel, il devra franchir des montagnes allant jusqu’à 4 900 mètres d’altitude. Pour « tricher un peu », comme il s’en amuse, Mike Horn va avoir recours à un moyen de transport insolite : en ski… tiré par un kite, une sorte de cerf-volant. Puis direction l’Océanie. En Nouvelle-Zélande d’abord, « un des endroits les plus fantastiques au monde » où Mike Horn veut « jouer un grand rôle en contribuant à l’environnement », comme avec la réintroduction d’oiseaux, puis sur « les îles inoubliables » de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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K2

Lors de son étape en Himalaya, Horn s’adonnera à l’escalade. « J’ai déjà essayé sept fois de grimper le K2. J’ai plusieurs fois dû faire demi-tour à presque 8 000 mètres d’altitude. Trois fois, j’étais très proche du sommet. » Après le Japon, l’explorateur arpentera la toundra de la péninsule volcanique de Kamtchatka, à l’extrême orient de la Russie, « une terre de feu et de glace ». Avant de poser le pied au sommet du monde : le pôle Nord. « L’Arctique change très vite », explique Mike Horn. L’été est très court, il n’a que très peu de temps pour traverser le continent. C’est près de 80 kilomètres par jour qu’il devra parcourir, afin de rejoindre le Pangaea avant que l’hiver ne tombe. « C’est une question de survie. Sinon je serai coincé et je devrai manger des pingouins. À moins que ça ne soit eux qui me mangent », plaisante l’aventurier. Ce qui ne devrait pas se produire : lors de l’expédition Arkos, l’aventurier avait déjà écumé le cercle polaire. Un voyage de 808 jours qui a donné lieu à un documentaire ainsi qu’un record, celui de la traversée du Groenland en seulement quinze jours. Le Groenland, Mike Horn s’y arrêtera aussi, comme dernier étape sauvage de Pole2Pole, avant de regagner l’Europe et de terminer cette expédition où elle a démarré : en baie de Monaco.

 

 « Une audience mondiale »

Des fois, Mike Horn aurait aimé être le premier à parcourir le monde, comme le capitaine James Cook (1728-1779), premier navigateur à faire le tour de l’Antarctique et à cartographier la Nouvelle-Zélande. Il ne regrette pas pour autant son siècle. « Aujourd’hui, on peut communiquer et partager. » À chacun de ces « points chauds de l’aventure à travers le monde », l’explorateur de l’extrême compte médiatiser ses exploits. Comme documents d’un périple à travers des régions quasiment inexplorées, avec des notamment des données à visée scientifique ou humanitaire. Hormis l’exploit humain, ses objectifs sont de découvrir de nouvelles choses, d’admirer la beauté de la nature et de comprendre la vie, la culture et les besoin des gens qui y habitent. « Je veux partager et vivre avec les gens. L’aventure, c’est la façon dont on aime les gens », explique l’explorateur au grand cœur. Et de tels instants ne doivent pas être gardés pour soi. « Il est important de capturer ces moments, et moi seul peut le faire », s’enthousiasme-t-il. Grâce aux nouvelles technologies, il partagera son périple « avec une audience mondiale de millions de personnes ». En insistant sur la dimension de sensibilisation à l’environnement qu’il essaye de marquer à chacune de ses étapes : « Conserver la planète pour les générations futures. » Et en incitant, comme lui, à ne pas avoir peur de ses rêves : « Il y a des gens qui écrivent l’histoire, d’autres qui la lisent. Tenez en main le stylo de la vie. »

 

De mère en filles

« C’était ma structure, celle qui organise, qui planifie, qui élève mes filles. La vie me la prise », souffle Mike Horn à propos de son épouse Cathy, emportée l’année dernière par un cancer du sein après plusieurs années de lutte. Ce sont donc ses deux filles, Annika (23 ans) et Jessica (22 ans), qui ont pris la relève pour préparer cette expédition. « C’est un jour très important pour notre père. Il n’arrête pas d’en parler tout le temps. Il va achever un rêve, accomplir ce qu’il a toujours voulu, ont-elles expliquées. On veut le ralentir, mais il a cette passion sauvage pour l’aventure. C’est une source d’inspiration. »