jeudi 25 avril 2024
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« Une pseudo-polémique sans fondement »

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Pour garantir son indépendance, le nouveau président du Conseil national, Christophe Steiner doit-il mettre son métier entre parenthèses, comme le réclame Laurent Nouvion et l’un de ses proches ? Jean-Charles Allavena, Jean-Michel Cucchi et Thierry Poyet, trois élus de la nouvelle majorité, répondent.

C’est l’un des soutiens de Laurent Nouvion qui a posé la question. Le 28 avril, devant des journalistes, lors d’une conférence de presse musclée, Alain Ficini a lancé : « Le nouveau président du Conseil national, Christophe Steiner, est un fonctionnaire de l’administration qui, de par son statut, est sous l’autorité du ministre d’Etat. Je pense qu’on affaiblit le Conseil national, car il est en confrontation avec le gouvernement. Est-ce que Christophe Steiner ne devrait pas se mettre en disponibilité de l’administration ? » Volontiers alarmiste, Ficini a ajouté : « On va avoir un président du Conseil national fonctionnaire qui va attaquer son propre employeur. » Un scénario quelque peu catastrophe battu en brèche par les trois élus de la nouvelle majorité Jean-Charles Allavena, Jean-Michel Cucchi et Thierry Poyet. Pour répondre à Alain Ficini, ils ont à leur tour organisé une conférence de presse le 4 mai.

 

   « Solution »

Détendus sur la forme mais fermes sur le fond, ces trois élus se sont dit « surpris » par les positions prises par Alain Ficini. Qualifiant ces propos de « pseudo-polémique sans fondement », Jean-Michel Cucchi a d’abord rappelé que des « conseillers nationaux qui sont aussi fonctionnaires, cela fait des années qu’il y en a. » Expliquant que son groupe d’élus respecte parfaitement la constitution et la loi et que, du coup, rien n’oblige Christophe Steiner à quitter son poste de chargé de mission à la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF), Cucchi s’est étonné que la profession de Christophe Steiner pose subitement un problème aujourd’hui, alors qu’elle n’en posait pas il y a six mois : « Pourtant, lorsque Laurent Nouvion, alors président du Conseil national, était indisponible, mécaniquement c’était son vice-président, Christophe Steiner qui assurait ses fonctions par délégation… » Ironiques, ces trois élus ont toutefois admis que le sujet était sérieux et qu’il méritait d’être traité. « Que cette question sorte maintenant et que cela soit fait de bonne ou de mauvaise foi, peu importe finalement. On peut tout de même s’y intéresser, a estimé Jean-Charles Allavena. Des contacts sont établis entre Christophe Steiner et le gouvernement. On peut donc penser qu’une solution va être assez vite trouvée. » Une solution qui règlera le questionnement soulevé par Alain Ficini à l’égard du nouveau président du Conseil national.

 

Indépendance

Mais ne faudrait-il pas régler ce problème une bonne fois pour toutes ? « Qu’ils viennent nous faire des propositions, plutôt que d’allumer des incendies ! », lance Thierry Poyet en s’adressant à Alain Ficini et aux proches de Laurent Nouvion. Il faut dire que les solutions ne seront pas simples à trouver. Car en poussant la logique d’indépendance des élus à son maximum, on pourrait estimer qu’en étant salarié dans des entreprises où l’Etat monégasque est majoritaire une hypothèse de mise sous influence peut exister. Ou de se retrouver juge et partie. A bien y réfléchir, les exemples ne manquent pas. Au centre hospitalier Princesse Grace (CHPG), il y a Christophe Robino, Jean-Michel Cucchi, Jacques Rit et Jean-François Robillon, à la Société des Bains de Mer (SBM), on trouve Thierry Poyet, Eric Elena et Christian Barilaro, à l’opéra il y a Jean-Louis Grinda… « Depuis longtemps, il m’est arrivé de prendre des positions lointaines de celles du gouvernement, notamment sur la question des Tamaris. Mais lorsque je suis au Conseil national, je ne suis plus docteur. Je suis l’un des 24 conseillers nationaux et c’est tout », souligne Jean-Michel Cucchi. D’autres prennent des positions plus radicales encore. « En tant que président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (CISAD), je n’ai jamais reçu les syndicats de la SBM car j’estime être en situation de conflit d’intérêt, raconte Thierry Poyet. J’ai par contre demandé à mes collègues de la commission de les recevoir à ma place. » Bref, chacun adopte la posture qui lui convient le mieux, afin de rester le plus libre et indépendant possible.

 

Réflexion

« Mais c’est vrai que ce sujet est délicat, reconnait Thierry Poyet. Lorsque Jean-Michel Cucchi réclame un budget supplémentaire pour construire une tour de plus au CHPG, est-ce que cela signifie qu’il est contre le directeur de cet hôpital, Patrick Bini ? Ou contre le conseiller pour les affaires sociales et la santé ? » Dans les faits assurent ces trois élus, il n’existe aucune pression de qui que ce soit. « C’est donc plus un principe de précaution qu’autre chose, ajoute Jean-Charles Allavena. Depuis toutes ces années, le métier de conseiller national a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on voit les coutures et on ressent des craquements. Il faut être toujours plus compétents et disponibles. » Mais pas question de professionnaliser la fonction de conseiller national pour autant, histoire de garder un pied dans la vie quotidienne des Monégasques. « Un élu n’est pas rémunéré. Il touche une indemnité qui est une forme de défraiement. Mais il n’y a pas que des problèmes de salaires. Il y a aussi le fait qu’un statut d’élu ne permet pas de cotiser pour la retraite, par exemple. Il y a donc des solutions très concrètes à trouver. Mais attention à ce que l’on mettra en place… », prévient Jean-Charles Allavena. Car si un texte de loi trop restrictif voyait le jour, Jean-Michel Cucchi craint que la fonction d’élu ne devienne beaucoup moins accessible : « Pourquoi priverait-on les 1 700 salariés monégasques de la fonction publique de devenir conseiller national s’ils le souhaitent ? » En attendant, il faudra se tourner vers le ministre d’Etat, Serge Telle, et vers le nouveau président du Conseil national, Christophe Steiner, afin de voir quel type de solution a pu être trouvé. « Tant qu’un texte de loi n’est pas voté, les décisions qui seront prises serviront un peu de jurisprudence, met en garde Cucchi. Ne faisons pas n’importe quoi… » Rien ne presse, ont répété ces trois élus. « Il n’y a aujourd’hui pas plus d’urgence à encadrer plus précisément le poste de conseiller national qu’il y a deux mois », conclut Jean-Michel Cucchi. Mais ça n’empêche pas de lancer une réflexion.