vendredi 26 avril 2024
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« Redonner aux Monégasques
les clés de leur destin »

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Les porte-paroles de Renaissance le reconnaissent volontiers : ils ont avancé à couvert, pour éviter « des pressions directes et indirectes ». Ce qui explique leur mode de communication : une interview de liste sans mettre en avant de leader. Après avoir affirmé en début de campagne ne s’intéresser qu’à la Société des bains de mer, ils ont élargi leur champ d’action. Balançant même un ou deux pavés dans la mare : la dépénalisation de l’avortement et la légalisation de la procréation médicalement assistée à Monaco.

Monaco Hebdo : Réunir 24 candidats monégasques au sein de la même société, voire dans un même secteur (les jeux), ça n’a pas dû être facile ?
Liste Renaissance : Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord très tôt sur les idées que nous souhaitions porter et nous avons très rapidement dépassé nos intérêts corporatifs. Nous partageons tous les mêmes valeurs : la sincérité, l’humilité et la probité. Ces valeurs nous ont permis de nous transcender et nous ont donné le sentiment de participer à quelque chose de plus grand que nous-mêmes, d’appartenir à une communauté de destin. Cela nous a donné la force de nous investir à court terme pour un plus grand bien futur. Renaissance fait aujourd’hui le même pari en direction des Monégasques et sur l’avenir.

M.H. : C’est une première au sein de la SBM ?
L.R. : C’est en tout cas une première en principauté (sic)…

M.H. : Vous avez reçu des pressions directes ou indirectes ?
L.R. : C’est une évidence. Du reste, poser la question, c’est déjà y répondre…

M.H. : Votre candidature intervient au moment où l’organigramme de la SBM change avec Jean-Luc Biamonti nommé président délégué. Etes vous satisfait de ces changements et vous ont-ils fait hésiter à vous présenter ?
L.R. : La nomination de M. Jean-Luc Biamonti n’a eu aucune incidence sur notre candidature et n’appelle aucun commentaire de la part des candidats de notre liste. La SBM est un outil de travail exceptionnel dont le potentiel permet d’envisager de nouveaux territoires, soit autant de vecteurs de développement et de redistribution. Or, quelles qu’en soient les raisons, et elles sont parfois obscures, des erreurs stratégiques manifestes ont été commises.
Il est fondamental que cette grande maison renoue avec une croissance durable, qui passe de toute évidence par le rétablissement du dialogue entre direction générale, syndicats et salariés dans tous les secteurs d’activité de notre entreprise. Mais dans l’immédiat, il s’agit surtout d’y promouvoir des leaders incarnant une réelle vision d’avenir. C’est un impératif.

M.H. : Vous avez dit vous présenter pour obtenir un siège afin de défendre les intérêts des employés de la SBM. C’est toujours votre objectif ? Pourquoi ne vous sentez-vous pas assez représenté par les autres listes ?
L.R. : Nos compatriotes le comprendront, nous avons été contraints d’avancer à couvert et de ne pas révéler l’objectif que porte la liste Renaissance depuis son origine : refonder notre pacte social et redonner aux Monégasques les clés de leur destin. Nos priorités ont toujours eu pour point focal la défense de nos compatriotes et les perspectives d’emploi et de rémunération des générations futures. Mais elles s’étendent aussi au-delà : avec les Monégasques, nous entendons gagner la bataille de l’intelligence collective, celle de notre identité, celle des femmes… celle de l’avenir en somme. Nous le devons à nos enfants, à nos jeunes.
Nous faisons le constat que les Monégasques ne se retrouvent pas ou partiellement pas dans les listes d’HM et d’UM. Ils nous diront le 10 février si ce constat était le bon, si nous avons eu raison d’engager le combat des valeurs et des idées plutôt que d’assister passivement à celui des personnes et des mesurettes.

M.H. : Quelles mesures concrètes demandez-vous pour la SBM ? La fin des investissements dans les jeux en ligne ? Un changement dans la direction des jeux bicéphale ?
L.R. : Nous ne pouvons que regretter que d’apparentes économies immédiates aient entraîné des pertes de recettes à long terme significatives. La logique comptable des hôteliers a pris le pas sur la logique globale des casinotiers, et une attention excessive a été portée à l’organisation et au contrôle, au détriment du développement de l’activité.
Aujourd’hui, des décisions stratégiques et opérationnelles doivent être prises rapidement. Renaissance reste dans la limite de ses compétences mais dresse quelques pistes qui pourraient être utilement explorées :
– la nomination d’administrateurs aux compétences de premier plan dans les secteurs d’activités de la société (jeux & hôtellerie), ainsi que par celle de 2 administrateurs salariés ;
– de nouvelles prérogatives confiées à la Direction Jeux, en particulier le marketing Jeux.
– une concentration sur le cœur historique de notre activité, soit la clientèle très haut de gamme des jeux de tables, et une focalisation sur nos clients-clés.
Il s’agit en outre de renouveler notre action en direction des agents recruteurs, mais surtout de se pénétrer de la psychologie des clientèles afin d’anticiper et de répondre à leurs demandes et attentes.

M.H. : Etes-vous favorable à une privatisation partielle ou totale de la SBM afin qu’elle soit gérée de manière plus rationnelle ?
L.R. : Votre question sous-entend que l’Etat actionnaire gèrerait l’entreprise de manière moins rationnelle que les intérêts privés. Nous ne sommes pas de cet avis. Disons simplement que la gestion de l’Etat actionnaire procède d’une rationalité autre, qui se doit d’articuler la rentabilité financière et la dimension sociale. Le débat n’est donc pas tant celui de la rationalité que celui de l’efficacité, et c’est tout l’enjeu d’une bonne gouvernance.

M.H. : Les employés de jeu ont toujours demandé une dépolitisation de la SBM. Y est-on arrivé ?
L.R. : De toute évidence pas. Les fonctionnaires souffrent du reste des mêmes maux : de nombreuses ingérences s’y produisent, des nominations incongrues y interviennent, des erreurs y sont commises.
Nous nous engageons, une bonne fois pour toutes, à défendre et préserver l’indépendance de la SBM et de l’administration vis-à-vis d’enjeux politiciens. Cela passe notamment par l’instauration de la méritocratie, c’est-à-dire l’aptitude à contribuer.

M.H. : Votre candidature ne remet-elle pas en cause cette dépolitisation ?
L.R. : C’est tout le contraire.

M.H. : Les employés de jeux n’ont jamais fait de bons scores aux élections. Pourquoi selon vous cela changerait-il aujourd’hui ?
L.R. : Justement parce que nous ne sommes pas que des employés de jeux. Nous sommes avant tout des Monégasques qui avons décidé de ne plus attendre pendant que d’autres feignent de nous représenter.
A cette fin nous utilisons notre liberté de parole et souhaitons que nos compatriotes s’y reconnaissent car aucune autre profession que la notre ne se confond en effet à ce point avec la population, hormis les fonctionnaires mais qui sont eux contraints par leur devoir de réserve.
Au risque de lasser, nous nous ne portons pas de revendications catégorielles.

M.H. : Votre combat de maintenir les rémunérations élevées des employés de jeux (en 2011, la SBM avait déclaré avoir refusé un minimum garanti mensuel des employés de jeux européens à 10 000 euros) est-il audible par la population, en pleine période de crise ? Et n’est-ce pas une revendication syndicale plutôt que politique ?
L.R. : Renaissance comprend l’inquiétude des salariés de la SBM. Comment pourrait-il en aller autrement… Mais au-delà, nous avons le sentiment que cette inquiétude a gagné la majorité de la population et elle a raison. Il suffit d’ouvrir son journal pour découvrir la liste des licenciements du jour dans les pays voisins. C’est pour cela que nous faisons de la bataille de l’emploi le cœur de notre programme.

M.H. : Quelle liste, Union monégasque ou Horizon Monaco, votre candidature pénalise-t-elle le plus à votre avis ?
L.R. : Sans doute l’une plus que l’autre puisque ses représentants nous ont suggéré avec insistance de nous désister… Mais, très franchement, c’est une question que nous ne nous sommes jamais posée.

M.H. : Vous avez décidé de communiquer autrement, d’une seule voix sans être incarnée par des candidats. Pourquoi ?
L.R. : Notre cohésion nous a fondé et c’est elle qui permettra aux Monégasques de peser demain dans les choix délicats qui s’annoncent.
Renaissance n’affiche donc aucune tête de liste et ne met personne en avant. Mais Renaissance n’est pas pour autant une voix de l’ombre. Les Monégasques vont le découvrir.

M.H. : Votre discours semble aussi démagogique que celui de vos adversaires, notamment quand vous exigez qu’aucun monégasque ne soit jamais inscrit au chômage ?
L.R. : Parce que vous trouvez sincèrement que demander le simple respect de la loi est démagogique dans un Etat de droit ? Sur le plan de l’emploi, nous nous démarquons ainsi radicalement des deux autres listes sur le plan de la méthode. HM et UM souhaitent la création de commissions qui ne pourront qu’assister, impuissantes et a posteriori, que la priorité d’emploi n’est pas respectée. Et pour cause, la jurisprudence précise qu’« il n’appartient pas à l’administration […] de substituer son appréciation à celle de l’employeur ». Mais l’ont-ils jamais lu ? Plutôt que de continuer à faire croire aux Monégasques qu’un pot de terre peut briser le pot de fer, qu’un simple coup de fil ou des pressions suffisent, nous avons décider très tôt de prendre le problème à bras le corps et notre analyse nous a conduit à retracer le fil juridique de la problématique d’emploi des Monégasques en principauté.

M.H. : A savoir ?
L.R. : Des dispositions réellement structurantes existent dans notre droit, que la prospérité nous a progressivement fait oublier. C’est notamment le cas de la loi 189 du 18 juillet 1934 sur les emplois privés qui dispose notamment que les sociétés à monopole et les services publics concédés devraient a minima employer les Monégasques à hauteur de 30 % de leur effectif.
1934. Nous sommes alors 5 ans après la crise de 1929. Cela vous rappelle quelque chose ? 2008… 2013. Avec une réelle volonté politique on peut parvenir à faire bouger les lignes. C’était celle de Louis Aureglia à l’époque, nous la reprenons à notre compte. Renaissance s’engage donc à ouvrir une grande Conférence sur l’emploi et rénover ces dispositifs. Ils n’avaient pas été si mal pensés en fin de compte.

M.H. : Quelles sont vos autres priorités programmatiques, notamment sur le plan économique (relance, modernisation, finances publiques) ?
L.R. : Sur ces différents points, nous vous renvoyons à notre programme.
Disons juste que les élus Renaissance ne voteront pas de loi de budget faisant apparaître un déficit, sauf impératif national manifeste, et qu’il serait sans doute judicieux que l’Etat développe enfin une vision patrimoniale de ses intérêts et de ses engagements. L’accroissement des arrérages retraite des fonctionnaires et agents de l’Etat s’accélère et pourrait à terme constituer un réel problème de finances publiques.

M.H. : Vous défendez la procréation médicalement assistée pour la femme ou pour l’homme bannie par l’Eglise catholique. Expliquez votre démarche.
L.R. : Etonnant non, qu’une liste majoritairement masculine souhaite que ce débat soit ouvert. Renaissance souhaite en effet que soit accompagné le combat d’un couple à fonder une famille quand la nature l’en empêche, car bien au-delà il nous semble que c’est celui d’une nation toute entière qui souhaite transmettre son patrimoine. Maintenant, c’est certain, vingt minutes de trajet suffisent pour se faire aider ailleurs…

M.H. : Etes-vous alors favorable au mariage pour tous ?
L.R. : C’est un sujet qui fait actuellement débat en France…

M.H. : Vous vous prononcez contre le projet de nouveau Sporting d’hiver au nom de la protection et de la conservation du patrimoine monégasque. Pourquoi ne vous a-t-on pas entendu sur ces questions avant et n’est-ce pas trop tard ?
L.R. : Si vous ne nous avez pas entendu, c’est sans doute parce que vous ne nous avez pas écouté et nous ne vous avons pas facilité la tâche. Un mal pour un bien en somme, car cela nous a vraisemblablement évité quelques balles perdues…

M.H. : Comment avez-vous financé votre campagne et combien va-t-elle coûter ?
L.R. : Notre campagne devrait coûter assez peu au final, soit déjà beaucoup trop à notre sens. Souhaitons qu’elle soit la manifestation que le combat des valeurs et des idées peut être mené sans devoir se lancer dans une campagne marketing digne d’un lessivier.