mardi 23 avril 2024
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De possibles coupures d’électricité à Monaco, en janvier ?

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Compte tenu de la crise énergétique que traverse l’Europe, pour contrer le risque de paralysie du réseau électrique pendant cet hiver 2022-2023, la direction électricité et gaz de la Société monégasque de l’électricité et du gaz (SMEG) a élaboré un plan de délestage ciblé pour la principauté, à appliquer selon le niveau de tension.

En raison de la crise énergétique, conséquence directe de la guerre en Ukraine, le scénario du pire est-il envisageable en principauté ? En France, le président Emmanuel Macron a peut-être jugé les coupures de courant comme « des scénarios absurdes », lors d’un déplacement à Tirana, en Albanie, mardi 6 décembre 2022 mais, à Monaco, l’éventualité d’une interruption généralisée est tout de même prise au sérieux. Un plan de délestage est déjà dans les cartons de la Société monégasque de l’électricité et du gaz (SMEG). Ce plan, validé par le gouvernement la semaine du 4 au 10 décembre, concernerait « environ 10 % du pays », dans l’hypothèse où Monaco déciderait de recourir à ce scénario, a détaillé à la presse Sylvain Didierjean, le directeur électricité et gaz de la SMEG, début décembre 2022. Les secteurs, les quartiers, ou encore le nombre de personnes concernées par cette mesure demeurent cependant encore confidentiels, et le gouvernement princier ne s’est pas officiellement exprimé sur le sujet alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le mardi 13 décembre 2022. Tout juste sait-on, par l’intermédiaire de la SMEG, que certains secteurs prioritaires seront épargnés, comme le secteur médical et les services dits « essentiels » au fonctionnement de l’État, dont les écoles. Le centre hospitalier princesse Grace (CHPG) serait, par exemple, totalement épargné par ces mesures. Reste à connaître la situation réservée aux personnes vulnérables, placées en assistance respiratoire à domicile, ou encore, des établissements de la Société des bains de mer, des banques, et des chantiers. Une chose est sûre : en cas de scénario critique, la principauté devra suivre les décisions du gouvernement français, dont elle dépend énergétiquement. C’est ce qu’a rappelé Céline Caron-Dagioni, conseillère-ministre de l’équipement, de l’environnement et de l’urbanisme, lors des débats suivant la séance budgétaire du 12 décembre : « Nous avons travaillé avec tous les départements pour identifier les lignes que nous pourrons délester et quelles mesures compensatoires appliquer, pour gérer et accompagner les personnes concernées. Les mesures ont été prises en interne avec département de l’intérieur et, quand nous aurons l’information des réseaux français [d’un scénario critique — NDLR], nous passerons l’alerte trois jours avant pour anticiper. »

Ce plan concernerait « environ 10 % du pays », dans l’hypothèse où Monaco déciderait de recourir à ce scénario

Réduire la consommation

Les plans de délestage n’ont rien de nouveau. En effet, ils ne dépendent pas uniquement du contexte actuel et sont élaborés conjointement au développement des réseaux électriques. Ils sont actualisés tous les ans, ainsi que les prévisions de consommation et de production. « Cette mesure d’urgence, qui existe à Monaco depuis plus de 20 ans, permet de protéger le système électrique européen contre le risque de “black-out”, si les moyens de production d’électricité ne suffisent plus à assurer les besoins énergétiques de la population », rappelle la SMEG. Ainsi, des plans de délestage ont déjà été évoqués localement lors de certains hivers particulièrement froids, ou lors de périodes où certaines centrales électriques n’étaient pas pleinement disponibles. Mais les moyens énergétiques restaient encore suffisants pour couvrir la consommation des foyers et, le risque de “black-out” étant faible, les acteurs publics communiquaient jusqu’alors assez peu sur le sujet. Mais, cet hiver, la donne a changé. Premièrement, le réseau électrique européen, notamment français, est en maintenance, et près de la moitié des réacteurs sont à l’arrêt. Si une remise en service est espérée pendant cet hiver 2022-2023, tout dépendra du bon déroulé des programmes de maintenance. Deuxièmement, le gaz naturel manque du fait de la guerre en Ukraine, mais aussi du fait des épisodes de sécheresse qui se sont étalés pendant l’été 2022. Or, le gaz naturel est nécessaire pour produire de l’électricité. Et, comme l’avait expliqué Patrick Pouyanné, président directeur général du groupe TotalEnergies lors de son passage à Monaco le 20 octobre 2022, le problème est tel que l’inquiétude demeure également pour l’hiver 2023-2024 : « L’hiver 2022-2023, on va le passer. Mais l’hiver 2023-2024 va être compliqué, car on n’aura sans doute pas l’approvisionnement russe que l’on a eu pendant les six premiers mois de l’année 2022, sauf si le conflit trouve une issue favorable rapidement. On va donc devoir se serrer la ceinture. Et c’est la bonne expression, car le principal conseil à donner, maintenant, c’est d’économiser ».

Les plans de délestage n’ont rien de nouveau. En effet, ils ne dépendent pas uniquement du contexte actuel et sont élaborés conjointement au développement des réseaux électriques. Ils sont actualisés tous les ans, ainsi que les prévisions de consommation et de production

Des coupures de deux heures

Le niveau de consommation des foyers a donc toute son importance sur le système électrique : « En cas de tension sur le système électrique, et de difficultés pour ajuster la production à la demande, le dernier levier reste celui de la maîtrise et de la baisse de la consommation », explique ainsi la SMEG. Selon ses prévisions à court terme, les heures pendant lesquelles le niveau de consommation est le plus fort se situe de 8 heures à 13 heures, puis entre 18 heures et 20 heures en hiver et en semaine. Ce sont donc dans ces créneaux que le risque de tension peut survenir l’espace de plusieurs jours en période hivernale. Ainsi, dans l’hypothèse où la réduction volontaire de la consommation ponctuelle des foyers ne suffirait pas, la SMEG pourrait procéder à une baisse de tension d’au minimum 5 % de tout le réseau électrique, en coordination avec le gouvernement, afin de maintenir l’alimentation générale. Toutefois, la SMEG garantit que cette baisse de tension, qui générera automatiquement une diminution de la consommation, ne présentera « aucun risque » pour les équipements des consommateurs. En dernier recours enfin, des coupures « ciblées, maîtrisées, locales, d’au maximum 2 heures » pourraient être effectuées, toujours en coordination avec le gouvernement princier, auprès des consommateurs dits « non-sensibles ». Reste à savoir comment seront répertoriés ces consommateurs-là, quand, et par quel intermédiaire.

En dernier recours, des coupures « ciblées, maîtrisées, locales, d’au maximum 2 heures » pourraient être effectuées, toujours en coordination avec le gouvernement princier, auprès des consommateurs dits « non-sensibles »

Une météo de l’électricité

La SMEG rappelle également que la principauté consomme chaque année « environ 500 gigawatt-heure (GWh) » et que seuls « quelques gigawatt-heure » sont produits chaque année à Monaco, notamment grâce à des panneaux photovoltaïques montés sur les toitures et à la revalorisation des déchets. Depuis le début du mois d’octobre 2022, la SMEG actualise ainsi une « météo de l’électricité » toutes les quinze minutes qu’elle publie sur son site Internet, www.smeg.mc. Trois couleurs, à savoir vert, orange ou rouge indiquent l’état de tension énergétique de Monaco, chaque jour. En cas de météo rouge, la SMEG devra en informer les foyers : « À J-3, une communication sera envoyée aux consommateurs monégasques par mail, SMS, ou via une application pour inciter à baisser la consommation. À J-1, nouvelle communication. S’il doit y avoir un délestage, c’est le matin même qu’on prendra la décision », détaillait Sylvain Didierjean à nos confrères de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Ce directeur électricité et gaz de la SMEG estime également que les prévisions sont « plutôt optimistes » pour cet hiver, et que les coupures ponctuelles pourraient être évitées, à condition toutefois que les foyers maîtrisent leur consommation d’électricité, a-t-il souligné. Cela dépendrait ainsi de quelques gestes citoyens, comme éteindre les lumières inutiles ou modérer l’utilisation de ses appareils de cuisson en période critique.

Energie electricité
© 2020 BELL KA PANG/Shutterstock.

Plusieurs scénarios en France

Ce système de météo de l’électricité existe également en France, par l’intermédiaire du réseau de transport d’électricité (RTE). Dans la même logique de code couleurs, cette météo émettra trois jours à l’avance un signal rouge, critique, pour alerter du risque de coupures ciblées et temporaires en cas de surchauffe du système électrique cet hiver 2022-2023. L’idée étant d’inciter les ménages à réduire leur consommation personnelle. Si celle-ci ne diminue pas malgré tout, après l’émission de ce signal rouge, des coupures tournantes de deux heures pourraient être organisées sur des portions de départements, selon RTE. Ce gestionnaire du réseau de transport d’électricité a également établi trois scénarios hivernaux auxquels correspondraient des prévisions de nombres d’alertes rouge, synonymes de potentiels délestages. Le premier scénario mise sur un succès du plan de sobriété énergétique auprès des particuliers, mais aussi des entreprises et des collectivités territoriales, en plus d’une remise en service rapide des réacteurs nucléaires français. Si les températures ne diminuent pas trop en-dessous de zéro cet hiver, aucun signal rouge ne serait alors émis de la saison. Mais ce scénario est jugé peu probable par RTE, du fait des retards d’EDF dans son calendrier de relance du parc nucléaire, malgré la baisse de consommation d’électricité déjà observée auprès des entreprises. Dans le second scénario, le plus prudent, la disponibilité du parc nucléaire français remonterait progressivement d’ici janvier 2023, avec un meilleur accès à l’électricité. Mais, en cas d’hiver froid, des signaux rouges seraient émis, accompagnés de mesures de délestage dans les situations les plus critiques. Quatre à sept signaux rouges seraient diffusés en cas d’hiver doux, mais ce nombre pourrait varier entre 12 et 20 activations si l’hiver s’avère froid, et même entre 20 et 28 s’il est très froid. Le recours aux délestages serait alors très fréquent, selon RTE, dans l’hypothèse où la consommation électrique ne diminuerait que d’à peine 2 % par rapport au niveau pré-pandémique, et où s’ajouteraient de fortes tensions sur le gaz, en plus du retard éventuel de remise en service des réacteurs nucléaires. Reste à savoir si ce type de scénarios seront envisagés en principauté, alors que le pays dépend énergiquement du voisin français. Contacté à ce sujet, le gouvernement princier n’a pas été en mesure de répondre à nos questions avant le bouclage de ce numéro.