jeudi 25 avril 2024
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Statut des fonctionnaires : les syndicats envisagent de saisir la justice européenne

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Déboutés par le tribunal suprême qui a rejeté en bloc leur recours contre la loi du 7 juillet 2022 sur le statut des fonctionnaires, l’Union des syndicats de Monaco et le Syndicat des agents de l’État et de la Commune ne comptent pas en rester là. Ils envisagent désormais de porter l’affaire devant la Cour européenne.

« Nous ne comptons pas en rester là. Ce n’est pas dans notre ADN de lâcher sur des mesures que nous jugeons discriminatoires. Nous allons donc aller jusqu’au bout, quitte à perdre ». Trois semaines après le verdict du tribunal suprême, la colère n’est toujours pas redescendue. « Surpris » et « déçus » par la décision rendue par la plus haute juridiction du pays de rejeter leur recours contre la loi portant sur le statut des fonctionnaires, dont ils réclamaient l’annulation pure et simple, l’Union des syndicats de Monaco (USM) et le syndicat des agents de l’État et de la commune (SAEC) réfléchissent désormais aux suites à donner à cette affaire. Mais leur détermination pourrait bien les amener à saisir la justice européenne.

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Une loi « discriminante » pour les syndicats

Objet de leur courroux, la loi n° 1527 du 7 juillet 2022 modifiant la loi n° 975 du 12 juillet 1975 sur le statut des fonctionnaires. Ce texte, adopté à l’unanimité par les élus du Conseil national l’été dernier, prévoit désormais que seuls les Monégasques occupant des emplois permanents de l’État pourront avoir la qualité de fonctionnaire. Les ressortissants étrangers seront donc recrutés en qualité d’agents contractuels de l’État. Selon le tribunal suprême, cette loi entérine une pratique déjà ancienne, mais qui n’est pas vraiment au goût des syndicats. « Nous avons fait ce recours parce que nous estimons que cette nouvelle loi met le doigt sur de la discrimination qui existe dans la fonction publique, comme l’ont rappelé mes camarades du syndicat des agents de l’Etat et de la commune (SAEC). Malgré les beaux discours d’égalité homme-femme, de combat contre les discriminations en tout genre… Monaco est aujourd’hui un Etat discriminatoire, puisque cette nouvelle loi fait clairement une discrimination entre ceux qui ont la « chance » d’avoir la nationalité monégasque et les autres », explique Olivier Cardot, secrétaire général de l’USM.

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Face à une loi qu’ils jugent « discriminante », les syndicats ont donc décidé de déposer un recours auprès du tribunal suprême, afin que « les travailleuses et travailleurs du service public soient mis sur un pied d’égalité, en ce qui concerne leur droit d’accéder à l’emploi et leurs droits au sein de la fonction publique de Monaco ».

« Il faut quand même se rendre compte qu’aujourd’hui la fonction publique ne peut pas tourner sans des non-Monégasques qui viennent tous les jours travailler dans le secteur public. C’est un problème, mais, par ricochet, ça crée des inégalités au sein d’un même service, au sein d’un service de l’État, car aujourd’hui, tous les travailleurs et travailleuses des services publics ne sont pas égalitaires en qualité de droits »

Olivier Cardot. Secrétaire général de l’USM

« Tout a été balayé d’un revers de la main »

Un recours finalement vain, puisque le 10 mars 2023, cette juridiction déboutera les syndicats estimant qu’il « n’est en aucun point fondé à demander d’annuler la loi ». Dans un communiqué, la justice monégasque indique que cette dernière n’a ni « pour objet, ni pour effet, compte tenu des caractéristiques démographiques de la principauté, d’interdire l’accès aux emplois publics de personnes n’ayant pas la nationalité monégasque », et que « aucune disposition de la Constitution n’interdit au législateur de réserver aux nationaux la qualité de fonctionnaire ». Des explications qui ne convainquent pas l’USM, « surpris » que le tribunal suprême n’ait pas pris en compte ses remarques et observations. « Tout a été balayé d’un revers de la main, alors que des choses nous paraissaient surprenantes dans ce projet de loi, s’étonne le secrétaire général de l’organisation syndicale. Comme l’a dit notre conseil, il faut quand même se rendre compte qu’aujourd’hui la fonction publique ne peut pas tourner sans des non-Monégasques qui viennent tous les jours travailler dans le secteur public. C’est un problème, mais, par ricochet, ça crée des inégalités au sein d’un même service, au sein d’un service de l’État, car aujourd’hui, tous les travailleurs et travailleuses des services publics ne sont pas égalitaires en qualité de droits. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot », prévient Olivier Cardot.

La décision de porter l’affaire devant les juridictions européennes devrait intervenir « très prochainement », promet Olivier Cardot. « C’est un débat qui va être porté à la direction collective de l’Union des syndicats de Monaco lors de nos comités fédéraux. De toute façon, ce sera une décision que nous prendrons collectivement »

« Nous allons encore y réfléchir, mais il n’est pas exclu que nous allions en justice européenne, en Cour européenne des droits de l’Homme. Ça va être une bataille à mener, mais je pense que ce sera la suite logique de notre action future concernant cette loi discriminante. » Olivier Cardot. Secrétaire général de l’USM. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

La justice européenne bientôt saisie ?

Car si les syndicats ont perdu une première bataille, ils n’entendent pas rendre les armes si facilement. « Nous allons encore y réfléchir, mais il n’est pas exclu que nous allions en justice européenne, en Cour européenne des droits de l’Homme. Ça va être une bataille à mener, mais je pense que ce sera la suite logique de notre action future concernant cette loi discriminante ». La décision de porter l’affaire devant les juridictions européennes devrait intervenir « très prochainement », promet Olivier Cardot. « C’est un débat qui va être porté à la direction collective de l’Union des syndicats de Monaco lors de nos comités fédéraux. De toute façon, ce sera une décision que nous prendrons collectivement ». Si ce pourvoi venait à se confirmer, il s’agirait d’un nouveau caillou dans la chaussure de la principauté, toujours engagée dans d’âpres négociations avec l’Union européenne (UE), en vue d’un accord d’association.

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« Des discussions ont lieu à l’heure actuelle entre le gouvernement monégasque et l’UE. Apparemment, il y a quelques points qui coincent. Car il ne faut pas oublier qu’il existe une charte sociale européenne en vigueur. Monaco l’a signée, mais ne l’a pas ratifiée, souligne le secrétaire général de l’USM. Et celle-ci prévoit dans ses statuts l’égalité de tous les travailleurs sur tous les plans, en termes de nationalité, de droits, de devoirs… Le Conseil national s’est positionné sur une ligne rouge à ne pas dépasser. Est-ce que cela va convenir aux négociateurs mandatés par l’UE pour négocier avec Monaco ? Nous n’en savons rien, à l’heure actuelle. Mais il doit y avoir des débats à ce sujet, c’est sûr ». Contactée par la rédaction de Monaco Hebdo, la Haute assemblée n’avait pas répondu à nos sollicitations, à l’heure où nous bouclions ces lignes, mardi 4 avril 2023.