vendredi 19 avril 2024
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Statut des fonctionnaires – Béatrice Dobo : « Cette mesure va à l’encontre de la Constitution »

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Secrétaire générale du syndicat des agents de l’État et de la commune (SAEC), Béatrice Dobo reconnaît ne pas comprendre la décision rendue par le tribunal suprême de rejeter le recours de son syndicat contre la loi sur le statut des fonctionnaires. Selon cette représentante syndicale, ce texte constitue en effet une « grave attaque au salariat » et elle redoute que « cette exclusivité, et non plus priorité » ne s’étende à l’avenir au secteur privé.

Pourquoi votre syndicat a-t-il déposé un recours auprès du tribunal suprême concernant la loi portant sur le statut des fonctionnaires ?

Outre certains articles que notre avocat Me Lyon Caen a mis en avant par rapport à leur contenu, l’article 1 faisant état de l’obligation de détenir la nationalité pour accéder au statut de fonctionnaire constitue une discrimination grave qui est intolérable. Même si cela se « pratiquait » jusqu’alors, rien n’interdisait au gouvernement de titulariser un non-Monégasque, même en dehors de la sûreté publique. Maintenant c’est chose faite, puisque, et malgré ce que prétend le tribunal suprême, cette mesure va à l’encontre de la Constitution qui réserve la priorité d’embauche aux ressortissants monégasques, à qualification égale, alors qu’en l’espèce il s’agit dorénavant d’exclusivité.

Lire aussi : Statut des fonctionnaires, les syndicats envisagent de saisir la justice européenne

Pourquoi réclamez-vous l’annulation de cette loi ?

Parce que les articles attaqués sont indissociables les uns des autres, et la loi, en l’état, ne peut être maintenue. Par ailleurs, elle représente une grave attaque envers le salariat de la fonction publique, dès lors qu’il y a d’un côté les salariés qui ont la sécurité de l’emploi, à savoir les fonctionnaires, et les « sous salariés » de l’autre qui sont contractuels. D’autant que depuis le 1er janvier 2023, tout poste en renouvellement fait l’objet d’une circulaire interne, afin de favoriser la mobilité des fonctionnaires, mettant encore plus en danger les contractuels. La fonction publique a évoqué une possibilité d’accéder à un CDI… Mais sans aucune précision sur le cadre légal de ce type de contrat, qui n’a pas sa place dans le secteur public.

« Cette loi représente une grave attaque envers le salariat de la fonction publique, dès lors qu’il y a d’un côté les salariés qui ont la sécurité de l’emploi, à savoir les fonctionnaires, et les « sous salariés » de l’autre qui sont contractuels »

Béatrice Dobo. Secrétaire générale du syndicat des agents de l’État et de la commune (SAEC)

D’autres explications ?

L’administration monégasque fonctionne à deux vitesses : deux personnes travaillant dans le même service, ayant le même indice, faisant les mêmes fonctions n’ont pas le même salaire. Le fonctionnaire cotise 6 % au titre de sa pension de retraite, alors que le « non-fonctionnaire » cotise comme les salariés du privé à la caisse autonome de retraite (CAR), et a donc une cotisation de 6,85 %. Son salaire net est donc, de fait, inférieur. À la retraite, le fonctionnaire conserve son 13ème mois, les primes extra-légales, dont Carlo, alors que le non-fonctionnaire perd le droit à tout cela. Enfin, et ce n’est pas le moindre, sur plus de 5 000 salariés dans la fonction publique monégasque, une personne sur quatre seulement est de nationalité monégasque. Il est donc impossible à l’État de faire fonctionner sa fonction publique avec ses seuls ressortissants.

Le tribunal suprême a finalement rejeté votre recours : quelle est votre réaction ?

Forcément, une grande déception. Ce que nous notons tout particulièrement, c’est que depuis plusieurs années maintenant, le tribunal suprême déboute systématiquement les syndicats du moment qu’il s’agit d’une question de fond.

« Sur plus de 5 000 salariés dans la fonction publique monégasque, une personne sur quatre seulement est de nationalité monégasque. Il est donc impossible à l’État de faire fonctionner sa fonction publique avec ses seuls ressortissants »

Béatrice Dobo. Secrétaire générale du syndicat des agents de l’État et de la commune (SAEC)

Quelle suite allez-vous donner à cette décision de justice ?

Nous allons nous réunir et consulter notre avocat pour prendre notre décision, en collaboration avec l’Union des syndicats de Monaco (USM) qui nous soutient dans cette action, car notre fédération défend tous les salariés, qu’ils soient du public ou du privé. Cette loi est une grave attaque au salariat, et rien ne garantit que l’exclusivité — et non plus la priorité — ne sera pas étendue au secteur privé. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Envisagez-vous de porter l’affaire devant la justice européenne ?

Aucune décision n’ayant été prise, je ne peux répondre à cette question.

Les conseillers nationaux ont rappelé certaines lignes rouges aux négociations en cours avec l’Union européenne : pensez-vous qu’un possible recours pourrait avoir un impact sur celles-ci ?

Une fois encore, rien n’est décidé. Et de toute façon, la délégation USM suit ce dossier à travers ses représentants au Conseil économique, social et environnemental (CESE), parmi lesquels il y a des membres du conseil syndical du SAEC.