jeudi 25 avril 2024
AccueilPolitique« Je souhaite un vote unanime »

« Je souhaite un vote unanime »

Publié le

Stéphane Valeri
« 95 % de la population salariée travaillant de façon continue et au moins à mi-temps, a vu son salaire progresser, au moins de 1 point de plus que l'inflation. Si cette tendance se vérifie sur les 20 prochaines années, 95 % de la population salariée continuera donc à acquérir des droits comparables ou supérieurs à ceux déjà acquis. » © Photo Charly Gallo / Centre de Presse.

Hausse progressive des cotisations patronales et salariales, modifications dans l’allocation du point de retraite, instauration d’une retraite minimale… le conseiller pour les affaires sociales Stéphane Valeri explique les fondamentaux du projet de loi qui sera voté le 26 septembre. Interview relue et amendée.

Monaco Hebdo?: A la veille du vote de la réforme des retraites, avez-vous réussi à trouver un consensus avec la majorité parlementaire??
Stéphane Valeri?: A l’instant où je vous parle, nous n’avons pas reçu les propositions d’amendement du conseil national. Pour autant, je suis convaincu que sur un texte aussi important qui nous permet de préserver le système de retraite des salariés, nous trouverons ensemble un consensus et je ne peux que souhaiter une unanimité dépassant les clivages politiques, dans l’intérêt supérieur du pays.

M.H.?: Le débat sur l’instauration d’un taux fixe est clos??
S.V.?: Je pense que les arguments que nous avons pu exposer ont permis aux élus d’avoir une vision plus complète de la problématique. Il est indispensable pour l’efficacité du projet de conserver un taux variable et partant de ne pas mettre en œuvre un taux additionnel fixe de cotisation. Un taux de cotisation variable est la mesure la plus pragmatique et la plus efficace pour piloter le régime à moyen et long terme, en permettant au Comité de contrôle de la Caisse autonome des retraites (CAR) où siègent des représentants des employeurs et des salariés de décider, chaque année, du taux de cotisation, en fonction des résultats enregistrés et des besoins en trésorerie.
Pour autant, je vous rappelle que la fourchette des taux proposée par le gouvernement est très encadrée par le projet de loi (+0.4 % à +0.7 pour les salariés et +0.8 à +1.3 % pour les employeurs) et donne donc la garantie aux élus que toute évolution supplémentaire imposerait le dépôt d’un nouveau projet.

M.H.?: Les élus ont obtenu la clause de revoyure du texte??
S.V.?: Le gouvernement s’est, dans un premier temps, engagé à faire un point annuel avec le conseil national, lors de chaque clôture du bilan de l’année des caisses, afin d’étudier ensemble l’évolution du régime. Par ailleurs, nous avons toujours été favorables à fixer une clause de rendez-vous dans la loi même, mais nous l’envisageons à l’horizon d’une dizaine d’années, alors que certains élus la souhaiteraient dans cinq ans. Pourquoi si le taux variable tel que prévu dans le projet de loi est suffisant, anticiper un rendez-vous en séance publique, sur un thème dont on sait qu’il est diviseur et qu’il suscite des tensions?? Néanmoins, dans un état d’esprit constructif et si les conseillers nationaux le demandent, nous sommes prêts à accepter un rendez-vous avant dix ans, dans huit ans par exemple.

M.H.?: La majorité comptait faire passer dans le texte l’instauration d’une retraite minimale. C’est acté??
S.V.?: Le gouvernement accepte le principe de l’introduction d’une retraite minimale dans la loi, bien que nous considérons que, dans la mesure où le pouvoir d’achat des retraités est garanti par notre projet, il n’y a pas d’urgence à prévoir cette disposition.
Je vous rappelle également que deux mécanismes de pensions minimales existent d’ores et déjà en principauté (l’Allocation nationale de vieillesse, servie par la Mairie de Monaco, pour les nationaux âgés de plus de 60 ans et l’Allocation mensuelle de retraite, pour les résidents âgés de plus de 65 ans et justifiant de plus de cinq ans d’antériorité avant 65 ans en ce qui concerne cette résidence) et que de ce fait, pour les Monégasques et les résidents, l’instauration d’une retraite minimale n’est pas d’un réel apport.
Cependant, comme je vous l’indiquais, le gouvernement est prêt à étudier favorablement, sous certaines conditions, un amendement instaurant une retraite minimale, si le conseil national en prend la responsabilité.

M.H.?: Depuis le dépôt du texte sur le bureau du conseil national, vous avez d’abord lancé l’idée de cette retraite minimale avant de faire machine arrière sur son utilité, au titre qu’elle concernerait très peu de monde. Pourquoi??
S.V.?: C’est le président de la Fédération patronale monégasque (FPM) qui a lancé l’idée de l’instauration d’une retraite minimale, mais il envisageait celle-ci comme une mesure accompagnant la diminution du pouvoir d’achat des retraités actuels qu’il sollicitait également. Dans la mesure où il n’y a pas de diminution du pouvoir d’achat des retraités, ceux-ci n’étant pas impactés par les dispositions du projet de loi, il était, selon nous, moins pertinent de prévoir un dispositif de retraite minimale. En fait, cette mesure est plus de l’ordre du symbole, puisque moins de 100 personnes sont susceptibles d’être concernées sur environ 27?000 retraités. Toutefois, le gouvernement a toujours dit qu’il n’y était pas hostile, bien qu’il eu été possible d’envisager ce dispositif autrement que par la loi, au travers des aides versées par le Fonds d’action sociale de la CAR notamment. Au vu des sommes en jeu (de l’ordre de 200?000 euros par an), nous sommes, comme je vous l’ai dit, disposés à faire un pas vers les élus si tel est leur souhait.

M.H.?: Vous affirmez que les pensions futures ne vont pas baisser par rapport à celles de 2012, en euros constants tandis que l’USM affirme qu’elles vont baisser mathématiquement de 20 % pour un jeune qui démarre sa carrière aujourd’hui. Qui croire??
S.V.?: L’Union des syndicats de Monaco (USM) fonde son raisonnement sur des retraites futures virtuelles que le régime ne pourrait pas payer à l’horizon 2030 si rien n’est fait aujourd’hui pour le préserver?: à cette date, faute d’agir, après épuisement des réserves, les pensions devraient être amputées d’environ un tiers. Le projet de loi stoppe la progression incessante du nombre de points distribués et notre proposition est fondée sur le constat qu’en Principauté, sur les 20 dernières années?: 95 % de la population salariée travaillant de façon continue et au moins à mi-temps, a vu son salaire progresser, au moins de 1 point de plus que l’inflation?; 2,95 %, ont vu leur salaire progresser de plus d’un demi point de plus que l’indice?; et 2,91 %, ont eu en moyenne des salaires qui augmentaient moins d’un demi point de plus que l’indice.

M.H.?: Et alors??
S.V.?: Si cette tendance se vérifie sur les 20 prochaines années, 95 % de la population salariée continuera donc à acquérir des droits comparables ou supérieurs à ceux déjà acquis.
Ainsi, l’affichage fait par l’USM d’un recul du montant mensuel des pensions doit en fait s’analyser comme la perte d’une perspective d’amélioration future des pensions, perspective au demeurant irréaliste, puisque le régime ne serait plus en mesure d’honorer ses engagements, à législation inchangée. Les futurs retraités bénéficieront donc globalement d’une retraite équivalente à celle de leur aînés et le pouvoir d’achat des retraités actuels sera préservé?: voilà la réalité. Voilà la vérité.

M.H.?: Techniquement, la réforme prévoit de faire évoluer le salaire de base de 1,1 point supplémentaire par rapport à la progression actuelle. Ce décrochage implique, selon l’USM, une augmentation de la valeur de l’achat du point qui impactera à terme le futur retraité. En clair, le point acheté coûtera plus cher au salarié et le futur retraité devra travailler plus longtemps pour en acquérir suffisamment afin d’avoir la même retraite qu’avant. Surtout si les salaires plafonnent et ne dépassent pas le niveau de l’inflation. Ce qui, selon l’USM, est le cas aujourd’hui notamment dans le secteur de l’industrie. Un phénomène qui pourrait se généraliser en l’absence de grilles de salaires… Que répondez-vous à cela??
S.V.?: L’objectif poursuivi par ce que l’on appelle la dissociation, est de stopper la délivrance d’un nombre toujours plus élevé de points retraite, en stabilisant celui-ci à son plus haut niveau actuel. Le taux de 1,1 permet d’atteindre cet objectif et d’ailleurs, si le gouvernement n’a pas souhaité appliquer un taux de dissociation supérieur à 1,1 point, c’est justement pour éviter ce que lui reproche aujourd’hui, à tort, l’u.s.m.?: la diminution du pouvoir d’achat des retraités futurs. Il est exceptionnel que le salaire d’une personne n’augmente jamais tout au long d’une carrière… Comme je l’ai déjà indiqué, les chiffres des caisses sociales le confirment. Rappelons aussi que le SMIC a progressé plus vite que le salaire moyen au cours des 20 dernières années et que donc, avec le projet de loi, si cette tendance se confirme comme cela est plus que vraisemblable, la retraite de cette catégorie de salariés continuera également à progresser. Or, il y a, notamment dans le secteur de l’industrie, de nombreux employés rémunérés à ce niveau.

M.H.?: Selon l’URM et l’USM, les mauvais comptes de la CAR sont conjoncturels et non structurels. D’ailleurs, le budget rectificatif de la caisse de retraite pour l’exercice 2011-2012 prévoit une embellie par rapport au budget primitif tout comme le budget primitif 2012/2013. Le résultat total serait en effet de 8,297 millions d’euros au lieu de 2,350 millions. Comment expliquez-vous ces meilleurs résultats??
S.V.?: Certes, le résultat du régime général s’améliore par rapport au budget prévisionnel pour l’exercice 2011-2012, notamment grâce à une amélioration de la gestion du Fonds de réserve laquelle reste fortement soumise aux aléas des marchés financiers. Ce que ne dit pas l’USM, c’est que le déficit continue de se creuser, pour la 4ème année consécutive, avec une perte de 13?531?000 euros, ce qui représente une nouvelle dégradation de 1?255?000 euros par rapport à l’exercice précédent?! Le déficit de l’activité principale mobilise 55,79 % des produits du fonds de réserve, bien au-dessus du seuil d’alerte de 40 % qui avait été défini par les comités. Et une pension entière ne sera plus financée que par 1,36 salarié temps plein contre 1,38 en 2010-2011 et 1,67 en 2000-2001.
Malgré une croissance soutenue du nombre d’heures travaillées et du salaire moyen, supérieure aux prévisions, qui permet un moins mauvais résultat qu’attendu, ces chiffres incontestables confirment bien la tendance lourde d’un déficit structurel, prévue par tous les actuaires.

M.H.?: Pourquoi refusez-vous un moratoire de 5 ans pour voir comment les choses évoluent??
S.V.?: En 2009, des règles ont été posées puisque, à l’unanimité des membres du Comité de contrôle de la CAR, représentants de l’USM compris, des seuils d’alerte ont été approuvés, qui, si un seul d’entre eux était franchi, devraient entraîner l’adoption de mesures de protection. Un de ces seuils est dépassé depuis presque 2 ans, puisque le déficit du régime principal est supérieur à 40 % du résultat de la gestion du Fonds de Réserve de la C.A.R. et, depuis octobre 2011, un deuxième seuil est atteint, celui de trois années successives de déficit de l’activité principale.
Pour quelle raison aujourd’hui, face à cette situation d’urgence, modifier les règles du jeu?? Il importe plutôt de décider rapidement des mesures à prendre pour protéger le régime, car plus tôt celles-ci seront prises, moins elles seront brutales et difficiles à supporter pour les employeurs et les salariés. Dans 5 ans, ces mesures seraient beaucoup plus radicales et nous pourrions être amenés par exemple à diminuer le pouvoir d’achat des retraités.
Et pourquoi pas attendre 10 ou 20 ans?! Soyons sérieux et surtout responsables. Et quelle personne responsable pourrait accepter le terrible recul social programmé, faute de décision, à l’horizon 2030??

M.H.?: Vous pensez que le message est passé??
S.V.?: Avec le projet de loi du gouvernement, notre régime de retraite demeurera l’un des plus favorables en Europe, tant pour l’âge de départ à la retraite dès 60 ans, que pour le montant des pensions versées, qui demeurera supérieur de 25 à 75 % à celui du régime français, à carrière et salaire équivalents. Rappelons que pour un salaire brut de 2?000 euros par mois, l’effort demandé aux salariés est de 8 euros et de 16 euros pour les employeurs.
C’est un projet nécessaire, équilibré et efficace pour sauver les retraites. Je sais que la grande majorité des salariés et des employeurs l’ont bien compris.

M.H.?: Le dialogue social a définitivement échoué sur ce texte, avec de grosses « réserves » des partenaires sociaux. L’USM appelle encore à la mobilisation des salariés le 19 septembre en demandant un retrait du projet de loi. Un regret??
S.V.?: Je regrette bien évidemment de ne pas avoir eu l’occasion de discuter avec des partenaires sociaux capables d’engager un dialogue consensuel amenant à des concessions réciproques, dans le seul intérêt général de la Principauté. Le gouvernement a donc dû prendre ses responsabilités, ce qu’il a fait avec détermination.
Je constate néanmoins que la Fédération patronale monégasque a su évoluer vers une position plus modérée en renonçant à demander aux retraités de participer à l’effort nécessaire et que la plupart des représentants patronaux que je suis amené à rencontrer, m’assurent soutenir le projet de loi du gouvernement, tout comme d’ailleurs de nombreux salariés, qui en ont compris les enjeux. Enfin, je rappelle que le Conseil économique et social, qui a également été consulté par le gouvernement, s’est prononcé par un vote favorable à notre projet de loi.

M.H.?: D’autres réformes dont on parle depuis dix ans sont aujourd’hui dans les cartons du gouvernement. Loi sur les salaires, sur le contrat de travail… Tout est au point mort?? Jusqu’à quand??
S.V.?: Le prochain rendez-vous important pour ce qui concerne le Département dont j’ai la charge, c’est l’examen du système de retraite des agents hospitaliers et l’instauration éventuelle d’une retraite complémentaire, en leur faveur. Je m’y suis engagé et nous travaillons depuis de nombreux mois en étroite collaboration avec le vice-président du conseil d’administration du CHPG, Maurice Pilot, un cabinet d’actuaires et l’ensemble des représentants syndicaux de l’hôpital. Des mesures seront proposées sur ce dossier, par le gouvernement, d’ici à la fin de l’année et si vous me le permettez?: à chaque jour suffit sa peine?!
C’est donc début 2013 que le gouvernement lancera une nouvelle et large concertation avec l’ensemble des partenaire sociaux sur les dossiers du contrat de travail et des salaires. Comme cela a été le cas pour la préservation du régime de retraite des salariés, ce n’est qu’à l’issue de ces échanges et après avoir entendu chaque partie, que le gouvernement se prononcera sur ce qu’il entend mettre en œuvre.