Dans la soirée du 5 décembre 2022, les conseillers nationaux ont exprimé une série de requêtes auprès du gouvernement monégasque, à l’occasion de la présentation du budget primitif 2023. Monaco Hebdo fait le point.

Écarts de salaire hommes et femmes : le gouvernement veut « poursuivre le travail »
Après la présentation du budget primitif 2023, Nathalie Amoratti-Blanc, élue Priorité Monaco (Primo !) et présidente de la commission des droits de la femme et de la famille, a interpellé le ministre d’État, Pierre Dartout, au sujet des écarts de salaire entre hommes et femmes : « L’étude réalisée par l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (IMSEE) arrive à un constat très net sur des écarts de salaires importants dans le secteur privé. Vous nous annoncez une campagne d’auto-évaluation. Dont acte. Mais permettez-moi, comme beaucoup de mes compatriotes, résidentes et salariées, de vous dire que le seul recours à la responsabilité des employeurs ne sera évidemment pas suffisant. » Cette conseillère nationales Primo !, plaide ainsi en faveur d’une méthode plus directe et contraignante : « Je suis pour un État fort qui, non seulement, montre la voie à suivre, mais oblige aussi à rentrer dans le rang lorsque, par persistances archaïques, on ne voudrait pas se diriger vers l’égalité pure et simple entre les femmes et les hommes sur le plan salarial et sur le plan des droits de la personne. Beaucoup de chemin reste à parcourir, avec notamment la possibilité pour une femme salariée du secteur privé, de devenir cheffe de foyer. Nous sommes en 2022, et je viens de prononcer cette phrase. […] Je vous propose, à toutes et tous, d’avancer ensemble. » Sur ce sujet, le ministre d’État a assuré que « l’égalité homme-femme est et restera une priorité pour le gouvernement qui, avec le soutien actif de la déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes, [qui] continuera son action dans ce domaine. » Concernant les écarts de salaires, l’étude de l’IMSEE prouve, selon Pierre Dartout, la volonté du gouvernement de prendre le sujet à bras-le-corps, et sans tabous : « Maintenant que nous avons des chiffres, nous allons pouvoir poursuivre le travail initié. Concrètement, nous allons sensibiliser les employeurs à l’importance de disposer d’informations complémentaires pour mieux comprendre les causes des écarts de salaires dans le secteur privé. Nous envisageons également de leur proposer une campagne d’auto-évaluation. L’objectif n’est pas de pointer du doigt, mais bien de permettre de réduire au maximum les discriminations salariales. »

Projet de loi sur le sport : dépôt du texte au premier trimestre 2023
Marine Grisoul, présidente de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports, demande un effort du gouvernement en matière de subventions aux associations sportives : « L’enveloppe des aides aux frais de fonctionnement et événements exceptionnels n’a pas été revalorisée. Les associations avec des salariés doivent faire face à l’augmentation de la masse salariale. ll faut comprendre le budget alloué aux associations, non pas comme une dépense, mais comme un investissement pour l’avenir de la principauté. » Cette élue de la majorité (Primo !) a aussi rappelé que le Conseil national est toujours en attente du dépôt d’un projet de loi sur le sport, « que notre Assemblée appelle de ses vœux depuis de nombreuses années. » De son côté, le ministre d’État, Pierre Dartout, a assuré que « le sport occupe une place importante dans l’épanouissement de notre jeunesse comme de l’ensemble de la population, mais c’est aussi un facteur important d’attractivité. » Le ministre d’État a également indiqué que le projet de loi sur le sport est « en cours de finalisation par le groupe de travail constitué à cet effet », et qu’elle sera suivie d’une phase de consultation avec la mairie, le comité olympique monégasque, le comité monégasque antidopage, la commission de contrôle des informations nominatives, le haut-commissaire à la protection des droits, des libertés et à la médiation, ainsi que les fédérations sportives. Le dépôt de ce texte auprès du Conseil national serait ainsi envisagé au premier trimestre 2023. Concernant l’attribution des subventions de fonctionnement pour l’année sportive 2022-2023, Pierre Dartout a expliqué que « la commission nationale des sports est en phase avec les principes adoptés par l’État lors de l’élaboration de son propre budget. » Enfin, en ce qui concerne les subventions extraordinaires, « les besoins formulés par les associations ont été pris en compte, avec une augmentation globale de 7,9 %. Cela n’exclut pas, bien évidemment, l’étude au cas par cas des demandes d’associations qui viendraient à rencontrer des difficultés ou des besoins nouveaux lors de l’exécution budgétaire. »
Accord d’association avec l’Union européenne : aboutissement des discussions fin 2023
Thomas Brezzo a rappelé la vigilance des élus de la majorité Priorité Monaco (Primo !) vis-à-vis des négociations avec l’Union européenne (UE). Les travaux seraient sur le point d’aboutir et la fin des négociations est annoncée pour la fin 2023. « Cela ne veut pas dire que l’accord sera signé, et encore moins qu’il entrera en vigueur à cette date. Sur ce sujet, les élus du Conseil national se sont toujours montrés vigilants quant aux avancées relatives à cet accord, et qui ont pu être évoquées au sein du groupe de travail restreint qui a suivi les travaux conduits par Gilles Tonelli. Nous avons affirmé et réaffirmé sans cesse les réserves des élus de l’Assemblée. Et nous avons toujours soutenu que nous ne voterons pas de loi de ratification si le traité dépassait les lignes rouges qui ont été fixées, notamment en matière de logement, de professions réglementées, de priorité à l’embauche, et, de manière plus globale, de priorité nationale. Les travaux se poursuivent et nul doute que le Conseil national futur, sera tout aussi vigilant sur ce sujet. »

Formation professionnelle : Marc Mourou réclame des évolutions
Le président Priorité Monaco (Primo !) de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses, Marc Mourou, qui ne rempilera pas pour un prochain mandat, a demandé un coup de neuf sur la question de la formation professionnelle : « Alors que le pays voisin propose un véritable dispositif pour chaque salarié, appelé compte personnel de formation, l’État monégasque propose quant à lui, via un partenariat avec la fédération des entreprises monégasques (FEDEM), un dispositif spécifique plafonné à 4 500 euros par an et par entreprise. » Pour cet élu de la majorité Primo !, la principauté peut mieux faire, alors que le rapport au travail a fort évolué depuis la crise sanitaire : « La possibilité d’effectuer un bilan de compétences apparaît également opportun. Ces derniers ne font d’ailleurs qu’augmenter en France, avec plus de 100 000 demandes en 2021, contre 33 000 en 2019. Les raisons de cette explosion sont nombreuses. Notamment une prise de conscience post-Covid, mais aussi la réelle envie des salariés de donner un nouveau souffle à leur carrière professionnelle. Le conseil économique, social et environnemental français considère d’ailleurs les reconversions professionnelles comme un véritable enjeu de ces prochaines années. Monaco se doit donc de proposer plus de dispositifs pour nos travailleurs, et de les adapter en fonction du profil et des compétences de chacun. »

Pouvoir d’achat : selon Daniel Boeri, « on accentue les déséquilibres »
Daniel Boeri, élu dissident de la majorité du Conseil national, désormais président de l’association Nouvelles idées pour Monaco (NIM), s’est exprimé au sujet du pouvoir d’achat, notamment de la fonction publique : « Le point d’indice suit l’évolution des prix. Bravo. En revanche, cela pose une question fondamentale : tout le monde n’a pas le même nombre de points. Or, seul le point d’indice est augmenté. Sans le vouloir, on accentue les déséquilibres, eu égard au maintien du pouvoir d’achat entre les petits, moyens et hauts revenus. Pour certains même, l’inégalité. Il serait important de connaître, tout simplement, la rémunération des différents déciles [chacune des 9 valeurs qui divisent une distribution statistique en dix groupes d’effectifs égaux — NDLR] de la fonction publique, en oubliant les grades et catégories. La rémunération moyenne n’est pas adaptée à la situation présente. La hausse des prix n’est pas égalitaire. » En ce qui concerne le bouclier tarifaire ensuite, pour protéger les résidents et les entreprises de la hausse des tarifs de l’énergie, Daniel Boeri appelle également à la responsabilisation : « On oublie d’inciter les mêmes à réduire leur consommation. Il y a certes des recommandations, mais elles sont peu visibles… C’est dommage. D’autant que le pouvoir d’achat est, pour beaucoup, attaqué par la hausse du coût de l’énergie, même si elle est limitée. Plus que par l’inflation. La sobriété énergétique s’impose à tous et on a besoin de tous, en dépit de modes de vie différents des uns des autres. »

Béatrice Fresko-Rolfo plaide pour la création d’un poste de délégué interministériel pour le handicap
Béatrice Fresko-Rolfo, élue Horizon Monaco (HM), a tenu à mettre l’accent sur le handicap : « Cette inclusion est consacrée dans la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées que Monaco a ratifiée en 2017. En revanche, ce que l’on sait moins, c’est que certaines personnes souffrant de handicap voient leur vulnérabilité entièrement créée par nos a priori sociétaux. Nos sociétés créent, en quelques sortes, leurs dépendances, avec la mise en place d’obstacles, souvent insurmontables, comme l’accès à des logements ou à un emploi. » L’objectif sur lequel l’État doit donc se concentrer, selon cette élue, est l’autonomie des personnes en situation de handicap, notamment financière : « L’emploi ou la création d’entreprise semble moins poser de difficultés pour une personne souffrant de handicap physique, même si les obstacles sont malheureusement encore bien présents […]. Je souhaiterais que plus d’entreprises puissent fournir des débouchés professionnels. C’est certes un effort, mais qui peut produire des effets positifs sur l’entreprise et ses salariés. » À l’État, selon Béatrice Fresko-Rolfo, de se montrer alors exemplaire en matière d’intégration : « Pour ce qui est des logements, je me réjouis, une fois de plus, de la création de logements inclusifs au sein d’Ida, qui permettra d’offrir neuf chambres à des personnes en situation de handicap. Mais ce que le temps peut paraître long, parfois. Lors de ma déclaration de politique générale pour le budget prévisionnel 2021, soit en décembre 2020, je souhaitais que des appartements adaptables supplémentaires soient prévus dans les prochaines constructions domaniales. » Pour conclure sur ce thème, cette élue a plaidé pour la nomination d’un délégué interministériel pour le handicap : « Il serait en charge de toutes les différences pour améliorer la vie de chacun. Ce délégué participerait ainsi à la transformation de notre société, car lorsque la société considère et traite une personne comme une personne de moindre valeur ou de manière illégale, c’est que nous avons tous, ici, échoué. »