samedi 20 avril 2024
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Les ambitions de Stéphane Valeri pour la SBM

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Première conférence de presse pour le président-délégué de la Société des bains de mer, Stéphane Valeri. L’occasion pour lui de présenter son projet pour la SBM, que ce soit en principauté ou à l’extérieur de Monaco.

Après avoir officiellement remplacé Jean-Luc Biamonti à la tête de la Société des bains de mer (SBM) le 24 février 2023 [à ce sujet, lire notre article Stéphane Valeri nommé président-délégué de la SBM dans un contexte apaisé], Stéphane Valeri s’est présenté pour la première fois devant la presse le 12 mai 2023. En un peu moins de trois mois, il a déjà pris un certain nombre de décisions, décidant notamment une série de nominations. Parmi elles, le Monégasque Albert Manzone a été nommé directeur général de la SBM le 12 avril 2023, et Vincent Bouvet a ensuite remplacé Yves de Toytot au poste de directeur administratif et financier. « J’ai souhaité sans délai pourvoir le poste de directeur général, laissé vacant depuis près de douze ans, a expliqué Stéphane Valeri. Il s’agit de me seconder dans la supervision de la plupart des directions opérationnelles de l’entreprise. Albert Manzone se consacre donc principalement à leur gestion quotidienne. Il assure la mise en œuvre des activités de l’entreprise. » La nouvelle secrétaire générale, Virginie Cotta, bénéficie d’un périmètre élargi, puisqu’elle assume non seulement la direction juridique, mais aussi la gestion des actifs immobiliers, de la culture et du patrimoine. Autre mouvement notable : Pascal Camia s’est installé dans le fauteuil de la direction du développement international. Le président-délégué de la SBM veut faire de cet axe l’une de ses priorités : « La SBM bénéficie d’une grande notoriété et d’une expertise reconnue mondialement dans le domaine de l’hôtellerie de luxe et des jeux. Pour autant, ce potentiel levier de croissance n’a jamais été développé jusqu’à ce jour, en dehors de certaines participations financières dans des sociétés à l’international. Il s’agit désormais de doter la SBM d’une équipe chargée de préparer son développement à l’étranger, de façon ciblée et dans le cadre d’une stratégie très précise. » Avant d’ajouter : « En plus du développement de sources de profits futurs, cette évolution permettra d’assurer une formation de certains membres du personnel dans plusieurs pays et de proposer des carrières internationales aux salariés de l’entreprise. L’attractivité professionnelle de la SBM en sera renforcée. » Pascal Camia a été chargé de s’intéresser à des possibilités de « créations, de rachats ou de partenariats commerciaux (hôtels, restaurants, casinos) » afin de développer la clientèle internationale de la SBM, mais aussi d’« exporter à l’international des marques créées par nous en principauté ». Un premier dossier prend déjà de l’épaisseur : le rachat d’un établissement hôtelier dans les Alpes. « Stratégiquement, nous devons être là où nos clients se déplacent, avec une offre complémentaire à celle que nous avons aujourd’hui à Monaco. Ce serait également l’opportunité de fidéliser nos saisonniers, été comme hiver. Ce serait donc un atout pour notre attractivité professionnelle », a justifié Stéphane Valeri.

Stéphane Valeri Monte-Carlo SBM
© Photo Monte-Carlo Société des Bains de Mer

« J’ai souhaité sans délai pourvoir le poste de directeur général, laissé vacant depuis près de douze ans, a expliqué Stéphane Valeri. Il s’agit de me seconder dans la supervision de la plupart des directions opérationnelles de l’entreprise. Albert Manzone se consacre donc principalement à leur gestion quotidienne. Il assure la mise en œuvre des activités de l’entreprise »

Un Café de Paris à 55 millions d’euros

Le président-délégué de la SBM a aussi évoqué le chantier du Café de Paris. L’ouverture est prévue pour la fin octobre 2023. Depuis son ouverture en 1863, c’est la quatrième vague de grands travaux qui concerne cet établissement historique. Alors que Jean-Luc Biamonti espérait pouvoir boucler ce dossier en seize mois, de façon à pouvoir profiter du Café de Paris « nouvelle version » pour juillet 2023, de mauvaises surprises sont venues complexifier la donne. Des fondations qui ne figuraient sur aucun plan ont été découvertes alors que les travaux étaient lancés. Y toucher pouvait générer un impact pour le bâtiment du casino, a souligné Stéphane Valeri. Du coup, au début de l’année 2023, le chantier a été stoppé quatre semaines, afin de pouvoir estimer ce qu’il convenait de faire. L’impact a été immédiat : un retard de trois mois pour finalement un total de 19 mois de chantier, et une facture qui a grimpé, pour atteindre 55 millions d’euros, contre 40 millions estimés au départ [à ce sujet, lire notre article Rénovation du Café de Paris : la SBM investit 40 millions]. Tout sauf un problème pour Stéphane Valeri, qui a expliqué que l’argent provenant des fonds de commerce des sept boutiques « de prestige » du nouveau complexe du Café de Paris permettront de « payer la totalité des travaux ». Ces boutiques seront installées du côté sud, et Stéphane Valeri assure avoir dû refuser du monde, tellement ce lieu est unique et recherché par les grandes marques du luxe mondial.

Café de Paris Monte-Carlo SBM
Alors que Jean-Luc Biamonti espérait pouvoir boucler ce dossier en seize mois, de façon à pouvoir profiter du Café de Paris « nouvelle version » pour juillet 2023, de mauvaises surprises sont venues complexifier la donne. Des fondations qui ne figuraient sur aucun plan ont été découvertes, alors que les travaux étaient lancés. Y toucher pouvait générer un impact pour le bâtiment du casino, a souligné Stéphane Valeri. © Photo Monte-Carlo Société des Bains de Mer

Un premier dossier prend déjà de l’épaisseur : le rachat d’un établissement hôtelier dans les Alpes

Amazónico : ouverture en avril 2024

Le groupe LVMH, qui est actionnaire de la SBM, a placé deux de ses marques le long de l’allée François Blanc : le joaillier Tiffany et l’horloger Tag Heuer. L’horloger et joaillier Arije sera aussi de la partie. Déjà présents, Zegg & Cerlati s’étendent et continueront donc à présenter leurs bijoux et montres de luxe. D’autres noms vont venir s’ajouter à ceux-là, sans que Stéphane Valeri ne donne leur identité, se contentant d’évoquer le secteur des chaussures et du prêt-à-porter. Les locataires pourront obtenir les clés de leurs locaux en juillet 2023, afin de pouvoir à leur tour réaliser les travaux qu’ils estimeront nécessaires. Cela devrait permettre aux premières boutiques d’ouvrir leurs portes en novembre 2023. De son côté, le nouveau Café de Paris se déploiera sur deux étages. Un bistrot et une grande terrasse seront installés au rez-de-chaussée. A l’étage, on trouvera un deuxième espace, avec une terrasse qui donnera directement sur la place du casino. Enfin, le toit du Café de Paris sera, comme prévu, réservé à l’enseigne Amazónico, une marque du groupe Dream International, qui a déjà des adresses à Londres, à Madrid, ou à Dubaï. Bénéficiant d’une grande terrasse de 1 000 m2 qui devrait pouvoir être utilisée six mois par an, les espoirs et les attentes sont grands pour cet outil de travail. « Je ne vous dis pas les week-ends de Grand Prix, ce que ça va être… À mon avis, on se paye les travaux en deux week-ends de Grand Prix », avait jugé Jean-Luc Biamonti en mars 2022. Amazónico devrait ouvrir ses portes en avril 2024, et tous les regards seront alors braqués vers cette enseigne que Jean-Luc Biamonti avait présenté ainsi : « Ils font un carton partout. C’est un concept brésilien, davantage tourné vers la viande que Coya, qui est plutôt poisson. Le concept d’Amazónico, c’est qu’il y a plusieurs ambiances dans le même restaurant, grâce à de petits coins. En plus du bar, il y aura aussi un jazz bar. C’est très festif. » La restructuration du Café de Paris permet aussi de relancer le Moods, un club de musique qui a laissé de bons souvenirs en principauté, de 2009 à 2011. Le Moods devrait faire son retour fin 2023 ou début 2024. Le concept restera le même, avec de la musique “live”. Mais sa nouvelle version sera étendue à d’autres genres, avec des spectacles d’humour et du stand up, une sorte de « comedy club » a indiqué Stéphane Valeri.

Stéphane Valeri, a expliqué que l’argent provenant des fonds de commerce des sept boutiques « de prestige » du nouveau complexe du Café de Paris permettront de « payer la totalité des travaux », soit 55 millions d’euros

Plusieurs scénarios pour le Sporting d’été

Mais ce n’est pas tout. Sur le plan de l’organisation de l’entreprise, les deux tiers du comité exécutif de la SBM ont été renouvelés, pendant que le nombre de membres a été revu à la hausse, pour passer de six à neuf membres. « Six membres sur neuf sont nouveaux […], a souligné Stéphane Valeri devant les journalistes. Cette nouvelle impulsion, avec cette nouvelle équipe, doit nous permettre de développer notre activité pour une réussite toujours plus importante de la SBM. Pour résumer, nous sommes là pour nous projeter vers l’avenir, en nous appuyant sur tout le travail qui a été accompli jusque-là, sous la présidence de Jean-Luc Biamonti. Mais qui dit nouvelle présidence, dit forcément nouvelle ambition. » Et les ambitions de Stéphane Valeri pour la SBM passeront par des projets de grande envergure. Notamment par une candidature pour continuer à gérer le Méridien, suivie d’une éventuelle restructuration de cet hôtel, ainsi que par des synergies avec les actionnaires minoritaires que sont LVMH et le casinotier de Macao, Galaxy Entertainment Group (GEG) [à ce sujet, lire nos encadrés, par ailleurs — NDLR]. Un autre grand projet est dans les cartons. Il concerne le Sporting d’été. « La SBM est propriétaire de la presqu’île du Larvotto depuis l’avenue princesse Grace jusqu’à la mer, jusqu’au parking qui se trouve après le Jimmy’z, a souligné le président-délégué de la SBM. Nous en sommes aux ébauches de réflexion. » Cependant deux hypothèses semblent se dégager. « Soit on repense complètement l’“entertainment” et on reconstruit, là où il se trouve aujourd’hui, un nouveau complexe d’“entertainment”, avec une salle de spectacle plus grande. Ou alors, on repense complètement l’urbanisation de la presqu’île », a détaillé Stéphane Valeri, avant de préciser sa pensée : « On pourrait peut-être enterrer cette route, entre l’avenue princesse Grace et le Sporting actuel, qui n’est pas très utile en surface. On peut aussi repenser les parkings, repenser la localisation des salles de spectacle, tout en préservant beaucoup d’espaces verts. Le débat est devant nous, et il sera tranché avec l’actionnaire de référence pour la SBM, qui est l’Etat. »

« Le cours de bourse monte »

Sur le plan comptable, après des années de pertes, l’embellie semble se confirmer pour la SBM [à ce sujet, lire notre article La SBM sort la tête de l’eau]. « L’exercice qui se termine est à mettre à l’actif de mon prédécesseur, car Jean-Luc Biamonti aura fait presque dix mois sur douze de présidence. Les résultats sont excellents. Il y a un « revenge travel » [« voyage de vengeance » — NDLR] incontestable. Les hôtels et les restaurants ont très bien marché. Nous avons de très bons résultats au niveau des machines à sous et des jeux de table. Les 70 biens de grand prestige que nous louons dans la résidence hôtelière du Bay, du Balmoral, les villas du Sporting, ou le One Monte-Carlo, nos commerces, nos bureaux, et nos appartements de grand standing, sont une valeur sûre du bilan de la SBM. Le grand défi pour moi, c’est d’arriver après une grande année comme celle-là. Le « revenge travel » n’est pas acquis. Il faut se battre pour faire au moins aussi bien pour l’exercice 2023-2024 », a souligné Stéphane Valeri. A commencer déjà par l’été 2023 qui, selon le président-délégué de la SBM, se présente de façon positive sur le plan du recrutement de saisonniers : « La moitié de nos saisonniers ne viennent pas de la Côte d’Azur. Ce qui fait 400 à 500 collaborateurs à loger. Nous avons 200 à 250 appartements qui nous appartiennent. Je lance un chantier pour créer un nouveau bâtiment à Roquebrune-Cap-Martin, avec une centaine de logements. Cela prendra deux ans et demi, trois ans. Nous avons loué la différence à Menton en Airbnb. » Comment expliquer cela, alors que partout, en France et en Italie notamment, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration a de plus en plus de mal à séduire les salariés ? « Ce qui fait bouger, c’est Monte-Carlo, c’est la légende de la SBM, c’est peut-être la qualité de vie sur la Côte d’Azur, estime Stéphane Valeri. Je sais que beaucoup d’autres ont des difficultés pour recruter des saisonniers, mais depuis quelques semaines déjà, nous avons rempli nos 1000 postes vraiment sans difficulté. Il faut rendre hommage au grand travail de la directrice des ressources humaines, Sophie Vincent. Elle fait beaucoup de communication, elle organise des journées portes ouvertes, et elle montre tous les avantages des métiers de la SBM. » Pour le moment, tous les voyants sont donc au vert.

Projet : « Le Méridien doit être détruit et refait complètement »

La restructuration du Méridien est un autre gros dossier pour Stéphane Valeri. Les murs et le terrain sont la propriété de l’Etat monégasque, par le biais de la Société nationale de financement (SNF). Quant aux actions de la SNF, elles appartiennent au fonds de réserve constitutionnel de l’Etat. Actuellement, la Société des bains de mer (SBM) est locataire, et en tant qu’exploitant, le Méridien assure le fonctionnement de cet hôtel. Or, les contrats, de l’État avec la SBM, et de la SBM avec le manager de cet hôtel, se terminent en 2026. « Pour le Méridien, nous avons seulement le fonds de commerce, a rappelé le président-délégué de la SBM, Stéphane Valeri, le 12 mai 2023, lors d’une conférence de presse. La SBM est assez bien placée pour savoir quel est le bon programme qu’il faut mettre dans le futur hôtel. Nous serons donc candidats. J’espère que nous serons retenus pour être le groupe qui va repenser, reconstruire, et exploiter ce futur quatre étoiles ou cinq étoiles, il y a débat. » Persuadé que le potentiel est là, Stéphane Valeri estime qu’il y a une logique d’ensemble à travers ce projet : « C’est un endroit extraordinaire. C’est le seul endroit où on peut encore faire une plage privée à Monaco. Et puis, il y a une continuité. Si on part du Méridien, on arrive sur notre presqu’île, puis on continue par le Monte-Carlo Bay, et on finit par le Monte-Carlo Beach. La route qui relie le Bay au Beach appartient à la SBM, et l’Etat français bénéficie d’un droit de circulation. La forêt derrière la route appartient aussi à la SBM. Des urbanistes commencent à me dire que l’on pourrait dévier cette route. On imagine que tout cela va faire rêver et cogiter les urbanistes dans les prochaines années. » En tout cas, Stéphane Valeri a déjà quelques idées, qu’il a évoquées devant les journalistes : « Le bâtiment du Méridien est un Holiday Inn des années 1970. Il ne doit pas être amélioré et rénové, je pense qu’il doit être détruit et refait complètement. Pour éviter de faire quelque chose de massif, on peut imaginer la construction de deux bâtiments aérés, avec au milieu des espaces verts, des piscines… On n’est pas obligés de construire une tour à la place de cet hôtel. Mais ce n’est pas moi qui déciderai. Des architectes travailleront là-dessus. »

LVMH et Galaxy Entertainment Group : des synergies en vue

Depuis juillet 2015, LVMH et le casinotier de Macao, Galaxy Entertainment Group (GEG) possèdent chacun une participation de 5 % dans le capital de la Société des bains de mer (SBM). A l’époque, chaque opération avait été estimée à 31,5 millions d’euros. Huit ans après, il est question pour le président-délégué de la SBM, Stéphane Valeri, de « développer davantage les synergies » avec LVMH et Galaxy. « J’ai rencontré Bernard Arnault pour penser ces synergies. Je m’entends aussi très bien avec Nicolas Bazire, qui est un proche de Bernard Arnault. Nous avons étudié ensemble des possibilités. Il y en a une que vous devriez bientôt voir se réaliser. Le groupe LVMH a beaucoup de marques et de potentiel. On peut donc imaginer faire des choses ensemble. LVMH et Galaxy pourraient nous aider à faire de belles choses en principauté », a indiqué Stéphane Valeri à l’occasion d’une conférence de presse, le 12 mai 2023. Si le projet avec LVMH est resté flou, le dossier envisagé avec GEG a été présenté avec plus de précision : « Avec Troy Hickox [directeurs des hôtels, de l’hospitalité, et du développement du “lifestyle” chez GEG, et membre du conseil d’administration de la SBM — NDLR], nous réfléchissons à introduire un restaurant chinois, peut-être au sein du casino, avec des chefs de Hong Kong et de Macao, sélectionnés par nos partenaires de Galaxy. » Ce projet repose sur un constat simple, dressé par Stéphane Valeri : « Il n’y a pas vraiment de restaurant chinois à Monaco. En principauté, il y a des restaurants chinois pour les Occidentaux, et il en faut. Mais si on veut avoir des clients chinois, alors il nous faut des restaurants chinois pour les Chinois, avec une cuisine accessible, pour tous les jours. Car nous-mêmes, nous n’allons pas manger midi et soir chez Alain Ducasse, au Louis XV. Il faudra aussi développer dans ce restaurant chinois une carte pour les Occidentaux. Nous cherchons donc un chef qui aura les deux cultures, à la fois occidentale et chinoise. » Les projets avec GEG ne s’arrêtent pas là. GEG et la SBM étudient la possibilité de lancer un casino à l’étranger, a révélé le président-délégué de la SBM : « Galaxy c’est le deuxième groupe chinois de casinos. C’est des dizaines de milliers de salariés, une trentaine d’hôtels, c’est trois ou quatre énormes casinos… Nous réfléchissons à la création d’une joint-venture [une coentreprise — NDLR] pour créer ensemble un casino à l’international. Il y a plein de possibilités : le Japon, les Emirats Arabes Unis qui ouvrent des licences… On s’appuiera sur l’expertise de nos amis chinois, qui eux sont à la recherche de la « légende de Monte-Carlo ». Les casinos de Monte-Carlo, ça parle dans le monde, plus que Galaxy qui est très connu en Chine, mais qui n’est pas très connu au-delà des frontières de la Chine. »