samedi 27 avril 2024
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Le maire de Vintimille destitué : quel impact sur le développement du port de Monaco ?

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Gaetano Scullino, le maire de Vintimille, a été destitué par son équipe. Si rien ne freine objectivement le développement et le rayonnement du port de Cala del Forte, propriété monégasque, il tombe au mauvais moment, alors que des travaux sont déjà prévus pour améliorer l’accueil des plaisanciers, suite à un défaut de fabrication.

Le temps, « père de toutes choses », n’est pas très bon à Vintimille. Pas au sens de la météo, car à Vintimille le soleil brille autant qu’à Monaco, mais plutôt au sens du “timing“, alors que les ennuis s’accumulent. Tout d’abord, le développement du port de Cala del Forte est grippé. Racheté par la principauté en 2016 pour répondre aux nombreuses demandes d’amarrage de ses résidents, ce port connaît déjà quelques turpitudes, un an après son inauguration. Une nouvelle phase de travaux est en effet nécessaire — et rapidement — pour corriger un défaut de fabrication qui rend inconfortable l’expérience de certains plaisanciers, notamment à cause du ressac [à ce sujet, lire notre interview d’Aleco Keusseoglou, président de la société d’exploitation des ports de Monaco (SEPM), publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. Mais voilà en plus que le contexte politique à Vintimille s’est sérieusement tendu. Le 19 juin 2022, destitué par une partie de son équipe municipale, le maire de cette commune d’Imperia, Gaetano Scullino, a démissionné.

Cala del Forte
Les élus qui ont destitué Gaetano Scullino assurent que cette décision n’aura pas de conséquences sur les chantiers en cours : « Nous voulons rassurer les habitants de Vintimille. Avec l’arrivée du commissaire, les financements ne seront pas perdus, et les travaux en cours ne seront pas bloqués. » (ici le port de Cala del Forte et les travaux autour du projet immobilier de luxe Borgo del Forte, le 3 juillet 2022) © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Dissolution

Gaetano Scullino est sur le banc de touche. Réélu maire de Vintimille en 2019, en partie grâce au soutien de la Ligue du Nord de Matteo Salvini, cet homme politique de centre-droit a été désavoué par des élus de cette même alliance, qui lui avait permis de briguer son fauteuil. Mais pas seulement : en plus de la démission de trois des cinq conseillers de la Ligue du Nord, puis d’élus de Fratelli d’Italia, ses opposants démocrates du centre-gauche ont aussi signé pour la désaffection de Scullino, dont l’ex-maire de Vintimille, Enrico Ioculano, qui lui avait succédé lors de la mise sous tutelle de la ville en 2012, et la dissolution de l’équipe municipale en place. S’il n’est pas question de tutelle, cette fois-ci, la dissolution du conseil municipal de Vintimille sera à nouveau actée par la signature prochaine d’un décret du président de la République italien. Dans l’attente, celle-ci est déjà mise en application par décret de la préfecture d’Imperia. D’ici l’organisation de nouvelles élections municipales en 2023, la ville sera gérée par un commissaire préfectoral, le vice-préfet Samuele De Lucia, ancien chef de cabinet de la préfecture de Massa et de Carrare. Pour expliquer leur décision de se séparer de Gaetano Scullino, les élus contestataires ont pris la plume dans une déclaration commune. À travers cette note, ils expliquent que, « au cours de ces trois années d’administration, nous avons essayé par tous les moyens de faire comprendre à Gaetano Scullino que les choix administratifs doivent être partagés, et non imposés. Il est impensable de gouverner une si grande ville, avec des problèmes aussi graves, sans écoute, ni confrontation. Nous ne pouvions pas continuer ainsi, face une majorité querelleuse. Notre décision ne va pas mettre la ville à l’arrêt, car la ville était déjà à l’arrêt, en raison des affrontements continus avec le maire, et au sein de la majorité. Poursuivre ainsi n’aurait pas été dans l’intérêt de Vintimille. Il fallait un « reset », pour recommencer. » Chez nos confrères italiens de Riviera 24, Gaetano Scullino explique, quant à lui, que sa destitution ne se fera pas sans conséquences directes sur la ville et ses nombreux chantiers : « Nous avons tous travaillé dur pour améliorer la ville. Et, maintenant, nous allons perdre au moins un an et demi sur les chantiers […]. Cela va entraîner des retards énormes dans les interventions, et la perte de financements importants. Le tout, uniquement pour des jeux politiques. »

« Nous allons perdre au moins un an et demi sur les chantiers […]. Cela va entraîner des retards énormes dans les interventions et la perte de financements importants, le tout uniquement pour des jeux politiques »

Sous tutelle en 2012

La ville n’en est pas à sa première crise politique. Dix ans plus tôt, en 2012, l’équipe municipale tenue par Gaetano Scullino, alors membre du parti Peuple de la liberté de Silvio Berlusconi, était également évincée, par le ministère de l’intérieur cette-fois, pour présomptions d’infiltrations de ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. La ville avait alors été placée sous-tutelle de l’État italien, et de nouvelles élections avaient été organisées. Cette mise sous tutelle succédait d’ailleurs à celle de la commune voisine de Bordighera, en mars 2011, après que quatre membres de la ‘Ndrangheta avaient été envoyés pour assassiner une conseillère municipale qui s’était opposée à l’ouverture d’une salle de jeux de cette organisation mafieuse. À Vintimille, il avait été découvert que le conseil municipal confiait la plupart des travaux de la ville à une coopérative privée contrôlée par la direction régionale de la ‘Ndrangheta. Gaetano Scullino et Giovanni Bosio, maire de Bordighera avaient alors été mis en examen. Finalement acquitté par la justice en 2016, Scullino a repris le pouvoir en mai 2019, après cette coupure qui avait mis entre parenthèse le mandat qu’il avait entamé pour la première fois en 2007. Blanchi de tout soupçon, le maire pouvait installer son administration de centre-droit. Et ainsi, restaurer la confiance des promoteurs et des investisseurs, dont la principauté de Monaco, intéressée alors par le port, dans l’idée d’accroître ses capacités d’accueil pour les bateaux de plus de 35 mètres, dont raffolent ses résidents.

Les élus qui ont destitué Gaetano Scullino assurent que cette décision n’aura pas de conséquences sur les chantiers en cours : « Nous voulons rassurer les habitants de Vintimille. Avec l’arrivée du commissaire, les financements ne seront pas perdus, et les travaux en cours ne seront pas bloqués »

Conséquence

Dans leur note, les élus qui ont destitué Gaetano Scullino assurent que cette décision n’aura pas de conséquences sur les chantiers en cours : « Nous voulons rassurer les habitants de Vintimille. Avec l’arrivée du commissaire, les financements ne seront pas perdus, et les travaux en cours ne seront pas bloqués. Nous sommes prêts à traiter avec quiconque prétendrait le contraire. » Mais le fait est que le chantier du port de Cala del Forte a déjà pris du retard. Comme l’explique Aleco Keusseoglou, président de la société d’exploitation des ports de Monaco (SEPM), un défaut de fabrication du port, « qui n’était pas visible pendant les phases d’études », provoque du ressac, une agitation de l’eau assez inconfortable pour les plaisanciers. La SEPM prévoit donc de construire une protection de roches circulaire, sorte de barrière protectrice complémentaire, avant l’entrée du port, pour corriger le tir. « Mais la bureaucratie italienne est ce qu’elle est, et les délais sont assez longs pour mettre les choses en œuvre », témoigne Aleco Keusseoglou. Alors que ce désagrément devait être réglé au printemps 2022, selon le président de la SEPM, il faut maintenant plutôt miser sur septembre 2022 pour le début des travaux. Parmi les autres interrogations, il y a aussi la construction du Borgo del Forte, un projet immobilier de luxe, qui doit abriter un hôtel cinq étoiles sur 3 000 m2, juste au-dessus du port de Cala del Forte. Sur place, le chantier de cet ambitieux complexe ne semble pas avoir beaucoup avancé depuis un an. Si une première demande de permis a bien été déposée, à l’heure actuelle, on ignore où en est précisément le développement de ce projet, encadré par l’entreprise Marina Development Corporation. Seuls quelques blocs de béton ont, en effet, été installés en hauteur du port, sans plus de progressions apparentes. À l’origine, ce projet devait proposer trois bâtiments, dont un hôtel de luxe de 20 suites, qui doivent être reliées au centre de Vintimille par une remontée mécanique sur le flanc ouest du complexe. Au-delà de Borgo del Forte, qui n’est qu’une partie du projet de développement plus global, baptisé Marina di Ventimiglia, d’autres constructions doivent aussi voir le jour autour du port. Un vaste campus sportif international est aussi au programme, avec une piscine olympique de 50 mètres. Sans oublier un espace de vente de produits locaux, sur deux étages, et un restaurant, tout cela sur une surface de 57 000 m2. Mais pour que ces idées se matérialisent concrètement, il va encore falloir attendre un peu.

Pour revenir au début de notre dossier « Port de Cala del Forte : un an après, ça ne va pas fort », cliquez ici.