samedi 20 avril 2024
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Aleco Keusseoglou : « Nous n’allons pas vendre nos places au rabais »

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Un an après l’inauguration de Cala del Forte à Vintimille, le troisième port monégasque peine encore à se remplir. Aleco Keusseoglou, président de la société d’exploitation des ports de Monaco (SEPM), a fait le point, avec Monaco Hebdo.

Après un an d’ouverture, quel bilan tirez-vous du port de Cala del Forte, qui a été officiellement inauguré le 2 juillet 2021 ?

À cause de la pandémie de Covid-19, nous avons pris deux ans de retard. Notamment au niveau des ventes de places, car les propriétaires de bateaux susceptibles d’acheter leur anneau ne pouvaient pas venir au port pour faire un état des lieux. Vous allez me dire qu’on peut le faire en visioconférence aujourd’hui. Mais, lorsqu’il s’agit d’achats aussi conséquents, je comprends qu’on aie envie de visiter, avant d’acheter en personne. Surtout que d’autres chantiers de ports en Italie n’ont pas connu un grand succès, comme celui d’Imperia, par exemple. Donc les acheteurs potentiels sont particulièrement prudents.

Combien avez-vous enregistré de réservations depuis l’inauguration ?

Sur les 178 places disponibles du port de Cala del Forte, nous visions entre 90 et 100 réservations pour des concessions sur 40 ans. À l’heure actuelle [cet entretien a été réalisé le 28 juin 2022 — NDLR], nous en sommes à 54 emplacements réservés. Ce n’est pas trop mal, compte tenu du contexte abordé précédemment.

Les prix sont moins élevés qu’à Monaco ?

Nous vendons une garantie d’usage d’une durée de 40 ans. Ce qui signifie que les propriétaires de bateaux peuvent utiliser leur place pendant 40 ans, pour des bateaux mesurant entre 10 et 70 mètres. Les prix varient en fonction de la taille du bateau. Pour les bateaux qui mesurent entre 8 et 45 mètres de long, la fourchette se situe entre 120 000 et 4 millions d’euros, hors taxe, pour toute la durée du droit d’usage. Par rapport à Monaco, et au port de Fontvieille par exemple, les prix sont, en moyenne 15 à 20 % moins chers à Cala del Forte, à Vintimille. À savoir qu’il est possible de louer la place d’un propriétaire qui serait absent, il touchera alors 75 % du montant de la location.

« Sur les 178 places disponibles du port de Cala del Forte, nous visions entre 90 et 100 réservations pour des concessions sur 40 ans. À l’heure actuelle [cet entretien a été réalisé le 28 juin 2022 — NDLR], nous en sommes à 54 emplacements réservés »

D’où viennent ces plaisanciers ?

Ces plaisanciers viennent de Monaco, d’Italie, d’Europe du Nord, de Suisse, de Belgique, d’Allemagne, et de quelques pays d’Europe de l’Est. À noter que 24 places sur les 178 anneaux disponibles appartiennent à la commune de Vintimille.

Quel type de bateaux possèdent-ils ?

Les emplacements dédiés aux bateaux de 12, 14, 16, et 18 mètres sont partis tout de suite. Les gros bateaux, ceux de 35 mètres et plus, manquent encore au port.

Pourquoi manque-t-il encore de gros navires ?

Depuis l’inauguration du port de Cala del Forte, il s’est greffé un petit souci. Cela n’était pas visible au départ, pendant les phases d’études. Mais, l’hiver dernier, lors de deux phénomènes météorologiques très ponctuels, nous avons constaté qu’il y avait un peu de ressac dans une partie spécifique du port. La faute à une petite fente d’environ 10 degrés, qui laisse entrer le vent dans le port.

Cala del Forte
Le port de Cala del Forte, à Vintimille, le 3 juillet 2022. © Clément Martinet / Monaco Hebdo

Quelle est la conséquence de ce ressac ?

Ce ressac cause de l’inconfort chez certains plaisanciers, notamment pour deux bateaux en particulier, qui se déplacent constamment d’avant en arrière. Mis à part cet inconfort, il n’y a aucun problème de sécurité à signaler. Mais il y a eu du bouche-à-oreille à ce sujet, et cela a eu un effet négatif sur la signature de contrats d’hivernages pour 2021.

Comment corriger ce problème ?

Nous sommes dans la réaction, et nous voulons engager de nouveaux travaux au plus vite. Mais la bureaucratie italienne est ce qu’elle est, et les délais sont assez longs pour mettre les choses en œuvre [à ce sujet lire notre article Le maire de Vintimille destitué : quel impact sur le développement du port de Monaco ?, publié dans ce dossier spécial — NDLR]. L’appel d’offres pour les travaux devrait se conclure fin juillet 2022. Et le chantier pourrait débuter fin septembre 2022.

« L’hiver dernier, lors de deux phénomènes météorologiques très ponctuels, nous avons constaté qu’il y avait un peu de ressac, dans une partie spécifique du port »

En quoi vont consister ces travaux ?

Nous allons construire « une banane », c’est-à-dire une protection de roches circulaire, comme une sorte de barrière protectrice complémentaire avant l’entrée du port. L’objectif est de mieux couvrir le secteur d’agitation concerné par le ressac.

Le temps presse ?

Le premier hiver, il n’y a pas eu grand monde à cause de ce désagrément. Et, cet hiver, les plaisanciers voudront probablement attendre encore avant de se lancer. Mais ça va marcher.

Vous êtes confiant, malgré tout ?

Nous avons déjà deux principaux atouts. Le premier est que le port, dans son aspect fonctionnel, marche très bien. Nous avons d’excellents retours en ce qui concerne la qualité de service proposée aux plaisanciers. Ensuite, la quasi totalité des commerces et des restaurants, sur 36 établissements, ont ouvert et connaissent une belle fréquentation. D’autres devraient encore ouvrir d’ici la fin du mois de juillet 2022.

Il s’agit de commerces monégasques ?

Ce sont des entreprises monégasques pour environ 25 % des commerces, entre restaurants, boutiques de luxe, et enseignes techniques.

Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de commerçants monégasques au port de Cala del Forte ?

C’est un choix stratégique de leur part. Ils mesurent l’intérêt de s’étendre, ou pas, selon leur type de commerce. Mais ça n’a pas de rapport avec l’Italie et Vintimille, en soi. Si on avait installé notre port à Beaulieu-sur-Mer, ç’aurait probablement été pareil.

Il n’y a pas de réticences, de la part des résidents monégasques, à amarrer à Vintimille plutôt qu’à Monaco ?

Au début du projet, on nous disait : « Oh mon Dieu, qu’allez-vous faire à Vintimille ? ». Mais les gens qui travaillent au port de Cala del Forte font un travail formidable. Ils sont très compétents et ils mobilisent beaucoup d’efforts pour que le port se remplisse. Je souhaite le plus grand bien à ce projet, ainsi qu’à la future construction du complexe hôtelier Borgo del Forte, dont la première demande de permis a été déposée. Tout cela va valoriser Vintimille.

« Au début du projet, on nous disait : « Oh mon Dieu, qu’allez-vous faire à Vintimille ? ». Mais les gens qui travaillent au port de Cala del Forte font un travail formidable. Ils sont très compétents et ils mobilisent beaucoup d’efforts pour que le port se remplisse »

Le but était de faire rayonner cette partie de l’Italie ?

Non, les raisons étaient plus « égoïstes ». Nous avons racheté le port de Vintimille car nous avions besoin de places de bateaux supplémentaires, notamment pour les unités qui mesurent plus de 35 mètres. À Monaco, nous tournons aux environs de 160 bateaux de ce type à l’année, pour seulement 45 places. Or, 95 % de ces bateaux appartiennent à des résidents, et il était impensable de ne pas pouvoir leur proposer une place. Grâce à ce troisième port monégasque, nous avons doublé notre capacité d’accueil, en proposant 40 emplacements supplémentaires pour les unités de plus de 35 mètres.

À cela s’ajoute la navette Monaco One, qui fait la liaison entre Vintimille et la principauté : elle est sollicitée par les plaisanciers ?

Assez peu, pour le moment. Ce type de service est plutôt sollicité par les propriétaires de gros bateaux, mais ils ne sont pas nombreux, pour l’instant. Le port était plein à craquer pendant la période du Yacht Show et du Grand Prix de Monaco, mais la fréquentation est retombée depuis. Entre mai et septembre, les plaisanciers de Vintimille partent en croisière avec leur bateau.

Envisagez-vous de diminuer vos tarifs, pour relancer la fréquentation du port ?

Non, il n’est pas question de revenir sur les prix. Nous n’allons pas vendre nos places au rabais. Nous n’avons pas besoin de le faire, puisque nous allons encore vendre des places, et honorer les montants que nous avons empruntés, pour réaliser les premiers travaux. Tout le reste nous servira à satisfaire les demandes de séjours longs, et les demandes d’hivernages en périodes hors saisons, quand l’offre est inférieure à la demande. En résumé, nous misons sur le temps long, et sur les locations.

Qu’en est-il de vos échanges avec les élus et le gouvernement à Monaco, à ce sujet ?

Nous avons des échanges réguliers avec le gouvernement, et nous avons planifié une visite du port avec les élus du Conseil national le 12 juillet 2022. Cela n’avait pas été possible avant, compte tenu du calendrier et des contraintes sanitaires.

Pour lire la suite de notre dossier « Port de Cala del Forte : un an après, ça ne va pas fort », cliquez ici.