jeudi 18 avril 2024
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Port de Cala del Forte : un an après, ça ne va pas fort

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Propriété monégasque, le port de Vintimille – Cala del Forte a encore du mal à se remplir, un an après son inauguration. Alors qu’une nouvelle phase de travaux est nécessaire pour le rendre plus attractif, la ville de Vintimille connaît une énième crise politique, qui pourrait venir compliquer la donne.

Du haut de la vieille ville, la statue d’il Corsaro Nero [le Corsaire Noir en français — NDLR], Emilio Salgari, dit « Emilio de Vintimille », veille sur le port flambant neuf de cette cité Ligure, en quête de nouveaux horizons. Inespérée, l’inauguration de ce port le 2 juillet 2021 était un petit miracle à lui tout seul, après une succession de déboires qui ont mis à mal son développement. Symbole du renouveau de Vintimille, ce port de Cala del Forte, c’est son nom, a vu le jour grâce au rachat de Monaco en 2016 d’une concession de 85 ans. La principauté s’est en effet engagée à assumer la facture des travaux, pour 50 millions d’euros, sur les quelque 80 millions du rachat au total, afin de relancer ce projet. Avant cela, le port était mort.

Inespéré

Une première digue avait été construite dans les années 1960, sans jamais vraiment accueillir de bateaux. Il a fallu attendre les années 1990, et le regain d’intérêt pour la grande plaisance pour qu’un projet de marina voit le jour, au pied du fort de l’Annonciade ligurienne. Ce projet prévoyait 740 anneaux, avec des hôtels de luxe en bordure du port et des locaux commerciaux, pour 70 millions d’euros. Mais l’entreprise chargée de la réalisation de l’ouvrage, la société Cala del Forte, du même nom que le port actuel, a fait faillite en 2015, cinq ans seulement après les premiers travaux. La faute, soi disant, à la crise financière de 2008. Le contexte politique n’a pas non plus été favorable à ce projet, qui a pris brutalement fin en 2013. En effet, cette année-là, Vintimille a été placée sous tutelle par le ministère de l’intérieur italien, pour suspicion « d’infiltration mafieuse » au sein de l’équipe municipale, et pour une série de négociations douteuses au sujet du chantier du port. C’est donc dans un dossier très complexe que la principauté s’est lancée en 2016. La société d’exploitation des ports de Monaco (SEPM), à travers sa filiale, la société monégasque internationale portuaire (SMIP), a acquis le port italien de Cala del Forte en décembre 2016. Plus précisément, la SMIP a racheté la société transalpine Cala del Forte, pour exploiter le port du même nom. Et s’il s’agissait d’une aubaine pour Vintimille, qui semblait condamnée à ne jamais voir son port se développer, l’opportunité était belle pour Monaco aussi. En sérieux manque de place, particulièrement pour ses bateaux de plus de 35 mètres, la principauté devait trouver le moyen de réduire la pression exercée sur le port Hercule et sur le port de Fontvieille, complètement saturés. Pour éviter de refuser encore chaque année de nouveaux bateaux, ce qui constituait un manque à gagner pour la SEPM, et freinait de surcroît l’attractivité de la principauté, la solution tenait en trois mots : Cala del Forte. Seul port en vente rapidement disponible pour Monaco, il offrait plus de places pour les grandes unités que le port de Cap d’Ail, dont la concession ne prendra fin qu’en 2027. Plus grand également que le port de Menton, le port de Vintimille, situé à moins de huit milles nautiques de Monaco, soit quinze minutes environ en navette, offrait les meilleures opportunités, notamment pour sa durée de concession : 85 ans, quand la plupart des ports de France et d’Espagne la plafonnent à 35 ans. Tout cela pour des prix 15 à 20 % moins élevés qu’à Monaco pour les plaisanciers.

Le contexte politique n’est pas, non plus, allé en la faveur du projet, qui a pris brutalement fin en 2013. Cette année-là, Vintimille a été placée sous tutelle par le ministère de l’intérieur italien, pour suspicion « d’infiltration mafieuse » au sein de l’équipe municipale

Cala del Forte
Le port de Cala del Forte, à Vintimille, le 3 juillet 2022. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Faible affluence

Sur le papier, tout se présentait bien. Mais, un an après son inauguration, le port de Cala del Forte ne tient pas encore toutes ses promesses. Les plaisanciers, les premiers concernés en somme, semblent, pour le moment, bouder ce port. Sur les 178 anneaux de disponibles, seuls 54 ont trouvé preneur aujourd’hui [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le mardi 5 juillet 2022 — NDLR]. La faute à la pandémie de Covid-19, qui a empêché les propriétaires de bateaux de visiter le port en personne, avant d’acheter leur place, selon Aleco Keusseoglou, président de la SEPM [lire son interview dans ce dossier spécial — NDLR]. Mais pas seulement. Un défaut de fabrication est à l’origine de ressac dans le port. Rien de grave en soi, mais ce phénomène provoque de l’inconfort chez une partie des plaisanciers, balancés par les vagues : « Mis à part cet inconfort, il n’y a aucun problème de sécurité à signaler. Mais il y a eu du bouche à oreille à ce sujet. Et cela a eu un effet négatif sur la signature de contrats d’hivernages pour 2021 », admet Aleco Keusseoglou. De nouveaux travaux sont donc déjà nécessaires pour mettre fin à ce désagrément. Il va falloir construire une nouvelle barrière protectrice en complément de celle existante, avant l’entrée du port, pour mieux couvrir le secteur d’agitation concerné par le ressac, afin de rassurer les plaisanciers actuels, et les nouveaux éventuels. Mais le chantier tarde à se lancer. Et à cela, s’ajoute une crise politique à Vintimille qui n’était pas prévue. Encore une.

Cala del Forte
Le port de Cala del Forte, à Vintimille, le 3 juillet 2022. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Tout cela n’est pas très bon pour l’image de Vintimille, déjà écornée par des années de déboires. Un point que soulevait déjà une partie des élus du Conseil national, avant de finir par se retrouver autour d’un consensus

Crise politique

Le maire de la ville, Gaetano Scullino, a été destitué par son équipe municipale, depuis l’annonce d’une partie des démissionnaires le 19 juin 2022 [à ce sujet, lire notre article Le maire de Vintimille destitué : quel impact sur le développement du port de Monaco ?, publié dans ce dossier spécial — NDLR]. Réélu maire de Vintimille en 2019, en partie grâce au soutien de la Ligue du Nord de Matteo Salvini, cet homme politique de centre-droit a été désavoué par des élus de cette même alliance, qui lui avait permis de briguer son fauteuil. Il a aussi été lâché par l’opposition démocrate. La faute à une guerre de politique interne, et à un jeu de pouvoir remettant les cartes en jeu, d’ici les prochaines élections municipales, qui devraient être organisées en 2023. Mais ce nouvel aléa politique, s’il ne concerne pas directement le développement du port, risque tout de même de faire des vagues, selon Gaetano Scullino : « Nous avons tous travaillé dur pour améliorer la ville et, maintenant, nous allons perdre au moins un an et demi sur les chantiers […]. Cela va entraîner des retards énormes dans les interventions, et la perte de financements importants, le tout uniquement pour des jeux politiques. » Même si l’opposition clame le contraire, cette déclaration pourrait ne rien inspirer de bon pour les chantiers en cours, et à venir, autour du port. D’ailleurs, à proximité immédiate du port de Cala del Forte, le projet immobilier de luxe Borgo del Forte semble tourner au ralenti, lui aussi. Après un premier permis de construire déposé par l’entreprise Marina Development Corporation, le chantier n’avance pas depuis l’inauguration, en juillet 2021. Tout cela n’est pas très bon pour l’image de Vintimille, déjà écornée par des années de déboires. Un point que soulevait déjà une partie des élus du Conseil national, avant de finir par se retrouver autour d’un consensus. En effet, à l’approche de la signature de 2016, qui officialisait le rachat du port et du projet de développement, la question de l’attractivité de Vintimille se posait. Des élus s’inquiétaient alors de ne pas voir les propriétaires de bateaux de Monaco au rendez-vous, car Vintimille n’offre pas le même cadre, ni la même réputation, que Monaco. À croire que le Corsaire Noir a encore du pain sur la planche pour faire rêver les plaisanciers.

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