samedi 20 avril 2024
AccueilActualitésSociété« Nous proposons un effort partagé »

« Nous proposons un effort partagé »

Publié le

Philippe Ortelli
Philippe Ortelli : « En 2005, nous avions accepté un accord difficile avec le gouvernement et la direction des Caisses pour un effort réparti à 50 % pour les entreprises, 30 % pour les salariés et 20 % pour les retraités. Malheureusement, le conseil national de l'époque l'avait refusé. » © Photo FPM

Après l’Union des syndicats, la Fédération patronale monégasque monte à son tour au créneau au sujet du projet de réforme des retraites. Au nom du conseil fédéral, Philippe Ortelli conteste les premières pistes évoquées par le conseiller pour les affaires sociales Stéphane Valeri.

Monaco Hebdo?: Les réunions de concertation arrivent à leur terme avec une dernière le 22 mars. Estimez-vous qu’il y a eu un dialogue suffisant avec les partenaires sociaux??
Philippe Ortelli?: Nous devons être clairs?: des partenaires sociaux, ça discute et ça se réunit. Cette réunion et ce dialogue qui doit s’instaurer, c’est la responsabilité du gouvernement. Or il est difficile de parler de dialogue lorsque le conseiller pour les affaires sociales s’avance dans des déclarations avec des mesures déjà annoncées. Tout cela va un peu vite et c’est faire peu de cas d’un dialogue social pourtant incontournable sur ce sujet.
Tout d’abord, l’USM a maintenu sa position en déclarant qu’il n’y avait pas urgence à la réforme. Ensuite, nous avons été très surpris des déclarations du conseiller de gouvernement pour les Affaires sociales qui a annoncé ses mesures (l’augmentation de la cotisation Entreprises et la dissociation de la valeur du point) le jeudi 16 février dernier alors même que les études chiffrées n’avaient pas encore été rendues par l’actuaire et le directeur des Caisses sociales.

M.H.?: Pouvez-vous trouver un point d’accord sur les différentes mesures préconisées (hausse de la cotisation patronale de 1 à 2 %, déconnexion du point retraite, pilotage par le comité de contrôle)??
P.O.?: Il nous sera difficile de trouver de point d’accord sur des mesures qui font porter à l’horizon de 20 ans la quasi intégralité de l’effort sur les entreprises.

M.H.?: Quelle augmentation de la cotisation patronale maximale êtes-vous prêt à accepter??
P.O.?: Le Conseil fédéral nous a donné mandat pour un effort partagé. Si le gouvernement souhaite imposer d’autres choix qui font porter l’effort quasiment sur nos seules entreprises, nous ne pouvons le cautionner. Il en assumera seul la responsabilité quand les conséquences d’un tel choix seront visibles. C’est seulement aujourd’hui que nous voyons les conséquences d’un départ des industries de Fontvieille sur les ressources de l’Etat monégasque à travers le compte de partage. A l’époque personne ne nous écoutait quand nous prônions l’importance de garder ces industries en étant à l’écoute de leurs besoins

M.H.?: Quelles sont vos contre-propositions??
P.O.?: Nous ne sommes pas dans l’état d’esprit de la contre-proposition mais dans la recherche sereine d’une solution adaptée, efficace et respectueuse des intérêts de chaque partie. Nous sommes pour une réforme nécessaire, utile, visionnaire, solidaire et responsable. Nous sommes dans la proposition constructive depuis des années alors qu’on cherche à nous enfermer dans le prisme réducteur des patrons contre les syndicats de salariés. Nous proposons un effort partagé, quantifié et mesurable et donc explicable aux personnes concernées?: actifs, retraités et entreprises?! Aujourd’hui, l’analyse des chiffres, validée avec le directeur des Caisses, démontre que si l’on suit les premières pistes du conseiller de gouvernement, 90 % de l’effort dans les 20 prochaines années sera à la charge des entreprises (404 M€) et seulement 10 % à la charge des salariés (42 M€).

M.H.?: Mais encore??
P.O.?: J’aimerais rappeler que depuis plus de 10 ans nous appelons à une réforme. Pourquoi demander un effort aux retraités?? Ils sont rentrés dans un système où l’âge de départ à la retraite était à 65 ans et où l’espérance de vie était beaucoup plus courte. L’allongement de la durée de vie est une très bonne chose, mais est-ce équitable qu’une personne touche la même pension de retraite en vivant 12 ans de plus que ce qui était prévu quand il y a 20 ou 30 ans elle travaillait et cotisait?? Faire porter l’effort sur les seuls actifs ne nous parait pas juste. Regardons ceux qui ont réussi leur réforme comme les Allemands. Qu’ont-ils fait?? Ils ont eu le courage de bloquer pendant 2 ans la valeur du point, tout en allongeant l’âge de départ à la retraite, et ont préservé la compétitivité de leurs entreprises. L’ARCCO avait fait la même chose en France en 1993.

M.H.?: Les entreprises ne peuvent-elles pas faire un effort supplémentaire??
P.O.?: C’est tellement facile de dire comme nous l’avons entendu « Les entreprises sont riches, elles peuvent payer », mais c’est elles seules aujourd’hui qui sont la richesse de notre pays. Est-ce le meilleur signal pour les inciter à se développer et à créer les 25?000 emplois nécessaires à l’avenir du régime??
La gestion de la CAR est une affaire de chiffres, et les chiffres sont têtus?: 1 % de cotisation en plus fait passer la faillite du régime de 2028 à 2037. 2 % de cotisation en plus l’amène seulement à 2?041.
En 2005, nous avions accepté un accord difficile avec le gouvernement et la direction des Caisses pour un effort réparti à 50 % pour les entreprises, 30 % pour les salariés et 20 % pour les retraités. Malheureusement, le conseil national de l’époque l’avait refusé.
Le temps perdu ne se rattrape pas, et aujourd’hui chacun se doit d’être juste et responsable. Le gouvernement en annonçant une juste répartition des efforts, les entreprises, les retraités, les salariés en choisissant chacun pour leur part comment y arriver.