vendredi 19 avril 2024
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Des funérailles sous coronavirus

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L’épidémie de coronavirus a imposé une réflexion sur l’organisation des obsèques, que ce soit à Monaco ou en France.

Cérémonies minimalistes, nombre de participants limités, distanciation sociale obligatoire… Dans un tel contexte, alors que des familles sont durement éprouvées par le deuil, dire au revoir à un proche est devenu encore plus douloureux.

C’est évidemment le contact qui manque. Le besoin physique d’une étreinte, d’une poignée de main, quelques mots de réconfort chuchotés à l’oreille… Tout cela, les familles qui ont perdu un des leurs à Monaco, en sont privées depuis le 27 février 2020. « En concertation avec les services de l’Etat, et particulièrement en lien avec le centre hospitalier princesse Grace (CHPG), la sûreté publique, et la mairie de Monaco, il a été convenu les modalités de travail adaptées de manière à prévenir les risques d’infection potentielle par le virus Covid-19, la concentration sur les missions premières, et la continuité de service », nous répond sobrement la Société monégasque de thanatologie (Somotha). Comme en France (voir par ailleurs), Monaco a donc décidé de limiter au maximum les contacts physiques, afin de ne pas propager davantage le Covid-19. Le nombre de personnes présentes lors des cérémonies est aussi limité, et la distanciation sociale de mise, avec interdiction de toucher le cercueil : « Une dizaine de personnes seulement sont présentes le temps des obsèques. En cas d’inhumation, le temps de prière a lieu directement au cimetière. En cas de crémation, le salon d’honneur de l’Athanée accueille le célébrant et la famille avant la crémation », explique le directeur de la Somotha, Pascal Blanc (lire son interview ci-après). En conséquence de quoi, les cousins, les oncles et tantes, et les amis se retrouvent exclus, créant ainsi une souffrance supplémentaire. Malgré tout, face à l’épidémie de Covid-19, l’Etat a décidé d’agir et d’édicter une série de règles de sécurité, quitte à déshumaniser quelque peu les obsèques, qui sont, par nature, un moment extrêmement douloureux : « Nous avons vérifié que les mesures de sécurité ont été prises, que la dotation des équipements sanitaires était suffisante, que l’accueil des familles à l’Athanée et les obsèques respectaient bien la limitation en nombre, en observant les choix des familles, tout en prenant en compte l’interdiction de rassemblement », détaille la Somotha.

Pacemakers

En France, le 24 mars 2020, le Haut Conseil de la santé publique a indiqué que les familles peuvent demander aux services funéraires à voir une dernière fois le visage de leur proche décédé « avant la fermeture définitive du cercueil », ce qui revêt un risque, ont immédiatement jugé les pompes funèbres françaises. Cet avis autorisait notamment « une toilette funéraire avec protections adaptées (lunettes, masque chirurgical, tablier antiprojections, gants à usage unique) », et l’enveloppement du corps dans une « housse imperméable ». Cette housse devait être « fermée, en maintenant une ouverture de cinq-dix centimètres en haut, si le corps n’a pas pu être présenté aux proches, et qu’il devra l’être en chambre mortuaire ». Objectif : faire en sorte que les proches puissent « voir le visage de la personne décédée dans la chambre hospitalière, mortuaire ou funéraire, tout en respectant les mesures barrières ». Finalement, un décret avec des mesures plus strictes a été pris en France le 1er avril 2020. Des mesures plus strictes que la Somotha applique : « À compter du 1er avril 2020, les soins de conservation sont interdits sur le corps des personnes décédées, quelle que soit la cause du décès. Également, les défunts atteints, ou probablement atteints du Covid-19 au moment de leur décès, font l’objet d’une mise en bière immédiate. La pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts. Sur ce point, la Somotha respecte l’ensemble des recommandations sanitaires des autorités monégasques ». Désormais, avec une mise en bière immédiate, il n’est donc plus possible pour les familles, ou pour les proches, de procéder à un dernier au revoir. Et il reste la question des corps porteurs de pacemakers et de prothèses à piles au lithium : faut-il les extraire ou non ? Dans ce contexte de pandémie, comment faire pour les extraire ? Et si on ne les extrait pas, faut-il craindre des risques d’explosion en cas de crémation, ou de pollution en cas d’inhumation ?

« Ormose »

Il y a aussi la problématique des employés des services funéraires. A Monaco, il s’agit d’un service public, entièrement géré par la Somotha. En principauté, les salariés du funéraire sont considérés comme « essentiels » à la vie du pays : « Le personnel funéraire fournit un service essentiel, dont l’arrêt aurait un impact significatif sur le fonctionnement des services indispensables de la principauté. Le service funéraire est un service public, à ce titre il intègre les mesures du gouvernement s’agissant des moyens humains et matériels nécessaires à faire face aux risques majeurs, comme le plan Ormose (1) », confirme la Somotha. Fin mars 2020, une pétition en ligne a été lancée pour que les 25 000 salariés du secteur funéraire en France bénéficient d’équipements de protection, face à un virus très contagieux. Et il n’agit pas que de masques FFP2. Il est aussi question de combinaisons jetables, de lunettes de protection, de gants ou encore de charlottes. Beaucoup d’employés disent travailler la peur au ventre, inquiets non seulement pour eux, mais aussi pour le risque de transmission potentielle à leurs familles. En principauté, depuis le début de cette pandémie, les services funéraires font partie des activités prioritaires à la dotation de matériel sanitaire, donc ce débat n’a pas existé, assure la Somotha : « Depuis le début de la pandémie, une relation constante avec les services de l’Etat, nous a permis de vérifier et de nous assurer des mesures de protection, ainsi que l’approvisionnent des équipements sanitaires. »

1) La préparation des mesures de sauvegarde et la mise en œuvre des moyens nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes sont fixées dans le cadre du plan d’organisation monégasque des secours, appelé plan Ormose, et de plans d’urgence.

Cliquez ici pour découvrir l’interview de pascal Blanc, directeur de la Société monégasque de thanatologie (Somotha).