vendredi 19 avril 2024
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Crise sanitaire et obsèques : « Nous savons exactement les gestes à adopter »

Publié le

Perdre un être cher est toujours une épreuve bouleversante. En période d’épidémie de Covid-19 et de confinement, elle l’est peut-être encore davantage.

La crise sanitaire a en effet contraint les pompes funèbres à modifier la préparation et le déroulement des obsèques. En principauté, la Société monégasque de thanatologie (Somotha) fait au mieux pour accompagner les familles endeuillées. Son directeur, Pascal Blanc, s’est confié à Monaco Hebdo. Interview.

Dans quel état d’esprit est votre personnel dans ce contexte de crise sanitaire ?

Les salariés de la Somotha sont concernés au premier chef par cette crise sanitaire. La mobilisation est totale, nos valeurs humaines et notre sens du service se trouvent renforcés par cette activité intense.

Avez-vous modifié et adapté vos effectifs en conséquence ?

Pour l’instant, la mobilisation de l’ensemble du personnel suffit. Si des besoins humains ou matériels devaient se faire sentir, un accord de continuité de service a été signé avec OGF, le leader français des services funéraires. Ainsi, nous avons la certitude de pouvoir accéder à l’ensemble des ressources de ce groupe.

De quelles protections sanitaires bénéficie le personnel ?

Les dispositions sanitaires entourant nos métiers sont déjà existantes et très codifiées. La possibilité de travailler dans un contexte de maladie contagieuse est explicitement détaillée dans nos protocoles d’intervention. Aussi, nous n’improvisons pas et savons exactement les gestes et postures à adopter. Les équipements sanitaires sont régulièrement approvisionnés.

En France, les personnels des pompes funèbres sont inscrits sur la liste des « bénéficiaires prioritaires des personnels protégés » (lire par ailleurs) : est-ce aussi le cas à Monaco ?

La question ne se pose pas comme cela à Monaco. Il y a une seule structure de services funéraires, et nous disposons de l’ensemble des équipements nécessaires à nos interventions. Avoir des stocks d’équipements de protection individuelle n’est pas une réaction en ce qui nous concerne. Nous sommes toujours dans l’anticipation et nous avons de quoi faire face.

© Photo Monaco Hebdo.

« Les personnes atteintes ou supposées atteintes du Covid 19 peuvent avoir accès aux deux modes de sépulture, inhumation ou crémation. Les volontés du défunt sont ici comme toujours la priorité »

Avez-vous eu des cas positifs au Covid-19 à la Somotha ?

Non, aucun cas recensé chez nos collaborateurs. Le protocole de prévention semble efficace.

Le personnel des pompes funèbres est-il concerné par la prime de 1 000 euros annoncée par le gouvernement princier pour les agents publics et sinon allez-vous en faire la demande ?

Nous ne sommes pas encore dans ce contexte. Nous sommes dans une séquence intense et tous mobilisés pour servir au mieux les familles endeuillées.

Comment s’organisent aujourd’hui les soins funéraires ?

Les mesures d’hygiène sont très restrictives en ce qui concerne les défunts atteints ou supposés atteints de Covid-19. Selon le décret 2020-384 du 1er avril 2020 du ministère de la santé français, nous procédons à des mises en bière sur le lieu de décès, sans soins de conservation, ni toilette mortuaire. Le transfert à l’Athanée est bien sûr possible, mais en cercueil fermé. Pour les autres défunts, les soins de conservation ne sont plus pratiqués mais les toilettes, habillages et présentations des défunts ont cours.

Avez-vous déjà pris en charge et opéré le transport d’un corps atteint par le coronavirus ?

Oui, nous avons pris en charge et opéré le transport de corps atteints de Covid-19.

Les victimes du Covid-19 ont-elles le droit d’être enterrées ou recommandez-vous la crémation ?

Les personnes atteintes ou supposées atteintes du Covid-19 peuvent avoir accès aux deux modes de sépulture, inhumation ou crémation. Les volontés du défunt sont ici, comme toujours, la priorité.

Y a-t-il des craintes du personnel quant à la prise en charge d’un défunt atteint par le Covid-19 ?

Les collaborateurs se montrent très impliqués. Et le respect des méthodes particulières de protection garantit la sécurité de chacun.

Comment s’organisent les cérémonies funéraires ?

En concertation avec les autorités religieuses, un protocole particulier s’applique. Les différentes religions ont adapté leur culte, et modifié leur rite funéraire, afin de se conformer aux dispositions gouvernementales. Aujourd’hui, l’hommage rendu est fait d’un ensemble d’attentions, de gestes et de paroles qui resserrent les liens le temps de la cérémonie entre les personnes présentes.

Y a-t-il une limitation du nombre de personnes ?

Une dizaine de personnes seulement sont présentes le temps des obsèques. En cas d’inhumation, le temps de prière a lieu directement au cimetière. En cas de crémation, le salon d’honneur de l’Athanée accueille le célébrant et la famille avant la crémation.

Comment réagissent les familles des défunts face à ces mesures ?

Particulièrement dans ce contexte sensible, les familles se montrent très compréhensives et compatissantes envers notre personnel. Nous n’avons pas à justifier toutes les mesures.

Des familles sont-elles réfractaires ?

Cela ne s’est pas encore produit.

Qu’avez-vous prévu pour les proches qui ne peuvent pas assister aux obsèques à cause de la limitation ?

Nous organiserons à la fin du confinement des célébrations à la mémoire des défunts. Les familles pourront se réunir et faire acte de mémoire.

Le confinement provoque l’essor des funérailles en streaming : le proposez-vous aux familles endeuillées ?

Un certain nombre de solutions payantes ont assuré leur promotion ces derniers temps. Mais au-delà de l’écho médiatique, je n’ai pas entendu de la part de confrères en France un recours massif à ces solutions. En revanche, le besoin existe parfois, il ne faut pas le nier. Dans ce cas, une captation par la famille est encouragée, ou l’utilisation de plateformes gratuites de type Facebook live.

Le report des obsèques est-il possible à Monaco ?

Oui, nos installations à l’Athanée nous permettent de faire face à un report d’obsèques de deux semaines.

Comment et où sont placés les corps, en attendant ?

À ce jour nous avons assuré toutes les demandes, sans report d’obsèques. Pour rappel, il en a été de même lors de la canicule en 2003.

Un allongement du délai pour procéder à l’inhumation ou la crémation du défunt a été décidé en France (lire par ailleurs) : qu’en est-il à Monaco ?

À Monaco, nous ne sommes pas concernés par ces dispositions. Les funérailles sont organisées dans les délais habituels.

L’accès au cimetière est-il limité ?

Oui, à 10 personnes pour les obsèques. Mais hors obsèques, l’accès au public du cimetière n’est pas réglementé. La fréquentation du lieu est principalement dévolue aux familles endeuillées.

En France, de nouvelles règles pour les obsèques

En pleine crise sanitaire, le gouvernement français a pris une série de mesures destinées à faciliter le travail des pompes funèbres et éviter toute saturation face à la mortalité due au coronavirus. L’une d’elles permet notamment aux familles qui le souhaitent de reporter jusqu’à six mois les obsèques d’un défunt. Le délai pour procéder à l’inhumation ou la crémation d’un défunt a également été allongé, passant de 6 à 21 jours, voire plus en cas d’accord du préfet. Pour les familles qui souhaitent un délai supplémentaire afin d’organiser des obsèques conformes aux souhaits du défunt, l’inhumation peut même se faire sous six mois si le corps est placé dans un cercueil hermétique. Les préfets ont été chargés d’identifier dans leurs départements des « lieux » capables d’accueillir les corps « dans la dignité dans l’attente de leur inhumation ». Parmi les autres mesures, les cérémonies funéraires dans les cimetières ont été limitées à 20 personnes (employés des pompes funèbres compris). Dans les crématoriums, ce nombre est encore plus réduit puisque les cérémonies sont réservées à l’entourage très proche du défunt. Compte-tenu de ces limitations, certaines entreprises proposent donc aux familles d’assister aux obsèques de chez elles et de pouvoir conserver les images pour les revivre ensemble après le confinement. Pour faciliter le travail des pompes funèbres, l’arrêté prévoit la dématérialisation des autorisations de fermeture de cercueil et d’inhumation. Et le transport des corps avant et après la mise en bière est autorisé sans déclaration préalable. Enfin, les personnels des pompes funèbres font désormais partie des « bénéficiaires prioritaires des personnels protégés », ce qui leur permet d’obtenir tous les moyens nécessaires à leur protection.