mardi 28 mars 2023
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Fédération des syndicats de salariés de Monaco « Le pouvoir d’achat des salariés est une source d’inquiétude »

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Alors que la Fédération des syndicats de salariés de Monaco (F2SM) s’apprête à célébrer ses dix ans d’existence en principauté le 4 octobre 2022, Cedrick Lanari et Hubert Dupont, ses dirigeants, font un tour d’horizon des points chauds de cette rentrée sociale 2022.

Quelle est la situation économique et sociale de Monaco en cette rentrée 2022 ?

Cedrick Lanari : Des sujets ont commencé à émerger avant l’été, alors que d’autres ont émergé pendant l’été 2022, et sont devenus une réalité, désormais. C’est le cas dans l’hôtellerie et la restauration, des secteurs dans lesquels des négociations ont commencé en mai 2022, avec plusieurs réunions menées avec deux de nos syndicats, notamment avec le syndicat des employés et cadres des activités touristiques (SECAT). Ces réunions ont été organisées avec le gouvernement, et séparément avec l’association de l’industrie hôtelière de Monaco (AIHM). Mais, malheureusement, nous ne sommes toujours pas signataires de la convention collective nationale. L’été 2022 s’est donc passé sans que nous ne puissions signer un accord pour les salariés. Il était question de les faire bénéficier d’un accord permettant d’augmenter leurs salaires de plus de 10 % compte tenu de l’inflation, comme en France. Mais l’accord n’a pas été trouvé entre les différents syndicats. C’est dommage, car cette augmentation n’aurait pas été négligeable.

Face à la pénurie de main d’œuvre rencontrée cet été, notamment dans l’hôtellerie et la restauration, quels leviers actionner pour attirer à nouveau les salariés vers ces secteurs ?

Cedrick Lanari : Il faut rendre la principauté encore plus attractive. À titre d’exemple, il n’existe toujours pas de convention collective dans le commerce. Ce n’est pas normal. Concernant les conditions de travail, dans l’hôtellerie et la restauration, c’est déjà assez compliqué de se déplacer à Monaco, de se loger à proximité. Alors, si on ajoute à cela des horaires décalés, en subissant des difficultés à prendre les transports en commun après 23 heures, ce n’est plus tenable pour les salariés. Nous proposons donc l’instauration de coupures, avec une équipe du matin, et une équipe du soir, pour un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Le salaire ne suffira pas, à lui seul. La preuve, des établissements ont souffert d’un manque cruel de personnel cet été à Monaco.

Entre l’inflation généralisée en zone euro, et l’émergence de la récession, quelles mesures adopter pour préserver l’activité monégasque ?

Cedrick Lanari : Les négociations annuelles en entreprise ne sont pas obligatoires à Monaco. Peut-être faudrait-il commencer par là ? Il faut permettre aux salariés de s’exprimer sur le sujet avec leurs dirigeants d’entreprise. C’est une piste à explorer pour le dialogue social. Ce serait un petit pas, mais non négligeable. Ensuite, pourquoi ne pas mettre en place des chèques énergie et un plafonnement des tarifs, comme c’est le cas en France ? Ceux-ci s’adresseraient aux salariés qui habitent à Monaco. Nous attendons de voir les propositions du gouvernement pour le pouvoir d’achat des salariés, alors que le prix des énergies augmente, et promet d’augmenter encore de façon drastique.

La guerre en Ukraine a-t-elle une incidence sur l’activité économique de la principauté, ou est-elle un prétexte pour augmenter les prix ?

Cedrick Lanari : Cette guerre a probablement une incidence réelle sur les prix de l’énergie. Mais, le constat, c’est que tout augmente. Et les tarifs, comme les prix, sont libres. Peut-être que des fournisseurs en profitent pour tout augmenter.

Hubert Dupont : Socialement parlant, en tout cas, c’est une source d’inquiétude. Nous sommes vraiment en tension. Quand on gagne le salaire minimum, il y a de quoi s’inquiéter aujourd’hui. À Monaco comme ailleurs.

Les niveaux de rémunération sont-ils encore suffisamment élevés à Monaco ?

Hubert Dupont : L’idée de faire des négociations annuelles permettrait de maintenir les salaires à un niveau attrayant. Car des secteurs d’activité posent question : l’hôtellerie et la restauration, bien sûr, mais aussi la sécurité, le nettoyage, et le gardiennage, qui ne proposent généralement que des petits contrats à leurs salariés.

Outre les salaires, comment améliorer la qualité de vie des salariés et des salariés de la principauté ?

Cedrick Lanari : Aujourd’hui à Monaco [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le mardi 13 septembre 2022 — NDLR], il n’y a pas encore de convention collective dans le commerce, pas de participation aux bénéfices pour les salariés, pas de mutuelle obligatoire, pas de loi sur l’intérim, ni sur les contrats à durée déterminée (CDD), pas de comité d’entreprise obligatoire en dessous de 50 salariés, alors que près de 88 % des entreprises ont moins de 10 salariés à Monaco. Pas de loi non plus sur le travail de nuit, le salaire est le même qu’en journée. Il faut ouvrir une table ronde pour parler de tous ces sujets.

Hubert Dupont : Il serait en effet intéressant d’organiser une semaine dédiée à ces enjeux, pour préparer les dix ans qui viennent. Car la transition sociale que nous avions anticipée est arrivée. L’état d’esprit des salariés a changé, et il faut savoir s’adapter.

Pour une meilleure qualité de vie, comment permettre aux salariés de se loger à proximité de Monaco ?

Cedrick Lanari : Il faut un accord entre Monaco et la France, concernant l’accessibilité aux logements sociaux pour les salariés. Les critères d’attribution français mériteraient d’être adaptés aux contrats des salariés monégasques, qui sont à 39 heures, et qui dépassent forcément les seuils français pour accéder aux logements sociaux, même s’ils n’ont pas des salaires mirobolants.

Faudrait-il subventionner une partie du coût des transports pour les salariés de la principauté ?

Cedrick Lanari : Certaines entreprises le font déjà, comme Carrefour [Cedrik Lanari et Hubert Dupont sont cadres chez Carrefour Monaco — NDLR], qui paie les trajets en train de ses salariés à hauteur de 50 %, comme en France, et qui paie aussi un abonnement de parking au stade Louis II. Certaines entreprises incitent aussi au covoiturage, via l’application Klaxit. Mais, en effet, pourquoi ne pas imaginer une participation de l’État au coût des transports pour les salariés de Monaco ? Nous attendons de voir aussi ce que va donner l’ouverture à la concurrence de la SNCF, dont il résultera peut-être quelques effets.

Pour relancer la fréquentation et l’activité les week-ends à Monaco, faudrait-il généraliser davantage l’ouverture des commerces le dimanche ?

Cedrick Lanari : Ce qui ressort dans la grande distribution, au sujet du travail du dimanche, c’est que les chiffres sont bons. C’est un plus qui n’est pas négligeable. Il reste encore à combler les effectifs, car nous allons arriver à un point où il faudra sûrement plus de monde pour assurer le même fonctionnement le dimanche qu’en semaine.

Hubert Dupont : Il faut un déclic des commerçants de Monaco dans leur ensemble, pour travailler davantage de dimanches dans l’année. Mais je pense qu’il se fera dès l’ouverture de la nouvelle galerie marchande de Fontvieille. Car les clients viennent à Monaco le dimanche, quand les commerces sont ouverts. C’est un fait.

En France, Emmanuel Macron souhaite progressivement décaler l’âge de départ légal à la retraite jusqu’à 65 ans à l’horizon des années 2030 : quelle évolution Monaco pourrait engager à ce sujet ?

Cedrick Lanari : L’âge légal de départ à la retraite n’est pas vraiment un sujet d’actualité. Le gouvernement est concentré sur la mise en place de la retraite complémentaire, ce qui sera une très bonne chose.

Quel est le sujet le plus important de cette rentrée, selon vous ?

Hubert Dupont : Le pouvoir d’achat des salariés est une source d’inquiétude. D’autant plus à Monaco, où les prix de l’immobilier restent élevés en périphérie.

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