samedi 27 avril 2024
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Coronavirus à Monaco,
la solidarité s’organise

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Qu’elles soient d’initiatives personnelles, ou plus institutionnelles comme la Croix-Rouge, l’entraide et la solidarité s’organisent en principauté.

Sur les réseaux sociaux notamment, via des groupes nouvellement créés pour répondre aux urgences sanitaires pour les personnes les plus vulnérables. Bref tour d’horizon des services d’aides.

«Dépendant de tous, vous ne dépendez de personne. » L’aphorisme est de Jules Romains (1885-1972), dans son œuvre théâtrale la plus fameuse Knock ou Le triomphe de la médecine (1924), et pourrait donner une définition du mot solidarité. Après l’émoi des premiers instants, les difficultés à s’organiser, et à respecter les consignes strictes, la solidarité entre habitants se met en place. Maria-Cécile VanMoen, directrice adjointe de la Croix-Rouge monégasque, en charge de la formation, observe avec douceur et prudence cette solidarité à l’œuvre dans le pays. « On a vu de l’entraide qui se faisait. Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vu. C’est quelque chose qu’on n’a jamais connu, hormis ceux qui ont connu la guerre. On a vu des liens entre des personnes qui ne se parlaient pas, entre voisins, et qui se parlent là, qui s’apostrophent par les fenêtres. Il faut juste faire attention de ne pas aller trop loin. Je ne vais pas aider tout le quartier. Aidons déjà ceux qui sont dans l’immeuble. » Ce à quoi corrobore Julia Simon Moraly, cheffe d’une entreprise de décoration et créatrice du groupe Facebook « Aide pour les résidents à Monaco pendant le confinement !! ». Cette dernière, résidente à Monaco depuis 2017, a anticipé dès le dimanche 15 mars le confinement à venir. Craignant d’abord pour sa propre situation en cas de maladie dans son foyer, étant éloignée de sa famille, Julia a lancé le groupe pour créer un réseau en cas de problème. « A Monaco beaucoup de familles sont éloignées de leur cœur familial […]. Je me suis dit, il y a plein de monde dans le même cas que moi. […] C’est ce qui m’a motivé à créer ce groupe. Voyant le confinement arriver sur la principauté, je me suis dit : « Ce n’est pas possible qu’on ne fasse pas quelque chose avec les 30 000 résidents de la principauté ». »

Des groupes Facebook d’entraide

En quelques jours, le groupe a évolué rapidement et recueille à cette heure 1 600 membres. « Au début, le but était d’aider les personnes âgées dans le besoin. On a commencé pour pallier les besoins à l’instant T. Maintenant, on évolue plus sur une transmission d’informations. On va pouvoir mettre en relation les offrants et les demandeurs », prévoit Julia. Des membres du gouvernement ont même intégré le groupe pour répondre aux questions de certaines personnes. « Que ce soit la mairie ou certains membres du gouvernement, ils nous font passer des messages pour pouvoir répondre, rassurer les membres de cette communauté. En termes de réactivité, c’est intéressant aussi. C’est un autre canal de communication qui leur est bénéfique. » Pour respecter les directives du gouvernement, elle mise sur une solidarité par quartier, et même par immeuble si possible grâce à son groupe numérique. « On essaie de centraliser par quartier, et même mieux, par immeuble ». Après avoir appris la contamination du prince, le groupe d’entraide a partagé sa solidarité avec le chef de l’État en pavoisant les couleurs monégasques à leurs fenêtres et balcons le vendredi 20 mars à 19 heures. « Ce n’est pas anodin. Le monde entier est confiné, la principauté aussi. Si la mobilisation et l’unité n’ont pas lieu maintenant, je ne vois pas quand. » Il y a aussi le groupe Facebook d’Amira « C’est en se serrant les coudes que nous résisterons au coronavirus ». Elle a pensé, en premier lieu, aux personnes âgées autour d’elle. « Dans mon immeuble tout va très bien, ils ont ce qu’il faut. Et après je me suis dit pourquoi ne pas lancer un groupe. Je fais à nos aînés ce que j’aimerais qu’on fasse aux miens. […] Il faut que chacun aide les personnes âgées de leur périmètre. » Pour ce faire, Amira est allée directement faire du porte-à-porte, en commençant par le quartier des Fleurs, pour éviter que les personnes âgées ne sortent de chez eux. « On leur fait les courses pour la semaine, pas pour la journée. Au moins ils sont tranquilles, et ils peuvent nous recontacter après. » Cette bénévole chevronnée dit avoir l’habitude de faire des maraudes dans le département voisin. Résidente à Monaco depuis quatre ans, elle assure, elle, avoir l’habitude d’observer la solidarité monégasque, notamment avec les sans-abri et les réfugiés. « En toute sincérité, avec mon groupe humanitaire « Le cœur sur la main 06 », la majorité des gens qui leur apportent de quoi se vêtir, de quoi boire, de quoi manger, sont des Monégasques. La solidarité à Monaco, je l’ai déjà vue depuis très longtemps. »

S’aider dans le premier cercle, puis avec la Croix-Rouge

Outre les initiatives individuelles, importantes pour limiter les déplacements et venir en aide aux plus fragiles, il existe en deuxième rempart, la Croix-Rouge. Et son action est multiple, à commencer par une mission d’information avec la mise en place d’une ligne téléphonique spécifique au Covid-19. « A l’heure actuelle, il y a une entité qui est en action c’est le “call-center” [centre d’appel — N.D.L.R.] depuis un petit moment maintenant. Quand ils appellent les pompiers, soit on leur demande de faire le 1 quand c’est une urgence normale, soit on leur demande de faire le 2 si c’est un problème Covid, et ils arrivent sur le “call center”. Ce fameux “call-center”, il y a des opérateurs Croix-Rouge, et il y a des opérateurs de la Dasa [Direction des affaires sanitaires — N.D.L.R] qui répondent au téléphone, pour répondre à la population. Il y a des appels de tous types. Si des gens sont symptomatiques, un médecin les prend au téléphone », explique Maria-Cécile VanMoen, directrice adjointe en charge de la formation à la Croix-Rouge. Hormis sa mission de conseils et d’informations, la Croix-Rouge, mentionnée par ailleurs dans l’allocution du prince du 17 mars 2020, vient également aider aux services de livraisons alimentaires communaux. « On a plusieurs types d’actions à l’heure actuelle. On aide la mairie sur la distribution des repas à domicile. La mairie a un numéro qui a été mis en ligne pour les repas à domicile, pour se faire livrer le midi et le soir. Ensuite, il y a des bénévoles Croix-Rouge qui vont faire les courses pour les gens sur le marché de la Condamine. C’est aussi un service de la mairie. On livre les personnes confinées chez elles, soit parce qu’elles sont symptomatiques, soit parce qu’elles sont des personnes à risque, des personnes handicapées… Si ces personnes-là n’ont pas de famille, il faut bien que quelqu’un s’occupe d’eux. La mairie, c’est plus tout ce qui est nourriture, en collaboration avec la Croix-Rouge pour les aider à la distribution. »

© Photo Croix Rouge monégasque

Des bénévoles en nombre

Mais la Croix-Rouge participe également à la livraison de produits sanitaires en collaboration avec les pharmacies monégasques. « Au niveau de la Croix-Rouge même, on gère l’achat de tout ce qui va être produits d’hygiène, et on amène les courses à la personne. Et troisième volet, avec les pharmacies. On va chercher la commande à la pharmacie et on l’amène à la personne. On fait aussi du service : besoin de sortir le chien par exemple. On n’a pas eu encore de ce type de demandes mais on pourrait être amené à en avoir », détaille Maria-Cécile VanMoen. En ces temps où la solidarité de tous est convoquée, a-t-elle recueilli un nombre important de personnes prêtes à aider ? « Oui, pour l’instant on les a notés. Mais comme la montée en puissance est progressive, on n’est pas à saturation, on a nos propres bénévoles parce qu’on est déjà très nombreux au niveau Croix-Rouge. Bénévoles, ce n’est pas que les secouristes, c’est bénévoles toutes sections confondues. Donc nos propres bénévoles à risque, bien entendu, on leur a demandé de rester chez eux. Mais tous ceux qui ont été mis au chômage technique par leurs employeurs sont venus. On a tout ce personnel-là. On a un afflux de nos propres bénévoles. On a une petite armée de réserve, mais on a quand même pris les coordonnées des gens qui se proposaient sur certaines actions au cas où. Tout va dépendre de la montée en puissance », assure-t-elle. Pour le moment, les services de l’association de secours à but non lucratif semblent être prêts pour les semaines à venir.

« On a l’habitude des crises »

Et si le personnel soignant venait à manquer, notamment au centre hospitalier princesse Grace (CHPG) ? « Nous, on a notre service prévention et santé. Une de nos sections qui regroupe tout ce qui est personnel de santé, infirmières etc. L’État et la DASA ont fait le « rapatriement » des infirmières d’école, toutes les infirmières libérales. A la Croix-Rouge, il y a aussi les personnes qui viennent d’être à la retraite. On a rappelé ces personnes-là pour du conseil, de l’aide au besoin », rassure Maria-Cécile VanMoen. Une diversité de services, et un nombre de personnes à organiser dont les équipes de la Croix-Rouge se disent habituées à gérer. Pas de branle-bas de combat ces derniers jours ? « C’est toujours un branle-bas de combat les premiers jours. Toujours, quelle que soit la crise, c’est normal. On a l’habitude des crises : plan Rouge, Orsec [organisation des secours — N.D.L.R.]. On a des réflexes qui nous ont bien aidés. L’avantage c’est qu’on a eu le personnel immédiatement. Le problème, c’est quand vous travaillez à personnel restreint, c’est plus difficile d’agir. On essaie de penser à tout, mais il y a toujours une inconnue qui peut arriver. » Enfin, la directrice adjointe de la Croix-Rouge en charge de la formation rappelle la nécessité de débuter l’entraide au plus petit niveau. « Ce qui est très important c’est que les gens s’entraident autour d’eux, dans le même immeuble. Ça fera déjà ça en moins à faire pour les bénévoles qui sillonnent la principauté. » L’entraide se fait jour dans ces moments où le repli chez soi est la règle à des fins de protection collective. L’exception à cette règle pour aider ceux qui ne peuvent rester cloîtrés sans problème, ne doit pas faire oublier un autre aphorisme tiré de la pièce de Jules Romains : « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent ».

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