vendredi 29 mars 2024
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Infections nosocomiales : Monaco renforce son cadre juridique et médical

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Depuis décembre 2022, la loi monégasque concernant les infections nosocomiales contractées au cours d’un séjour dans un établissement de santé, a évolué. Que prévoit-elle désormais ? Pour le savoir, Monaco Hebdo donne cette semaine la parole à différents acteurs qu’ils soient politiques, médicaux, ou associatifs.

Responsables en moyenne de 4 000 décès chaque année en France, les infections nosocomiales représentent un enjeu majeur de santé publique mais aussi juridique. Car la reconnaissance du statut de victime et l’indemnisation relèvent bien souvent du parcours du combattant pour les patients, qui peuvent heureusement compter sur le soutien d’associations dans leurs démarches [à ce sujet, lire notre interview des responsables de l’association d’aide aux victimes d’accidents médicaux dans ce dossier spécial — NDLR]. À Monaco, ces infections contractées à l’hôpital ont longtemps été mal prises en compte par le droit, avant le vote, le 7 décembre 2022, du projet de loi n° 1040 entérinant enfin un dispositif sur lequel Monaco Hebdo s’est penché cette semaine.

Aucun texte n’encadrait l’indemnisation des victimes, qui devaient alors se tourner vers les assureurs des établissements de santé, « lorsque la responsabilité de ces derniers était engagée », pour obtenir un dédommagement

Vide juridique

Souvent vécues comme une injustice par les patients, les infections nosocomiales, aussi appelées « infections associées aux soins », désignent les infections contractées lors d’un séjour dans un établissement de santé. D’après une enquête nationale réalisée par l’agence Santé Publique France en 2017 auprès de 403 établissements, un patient hospitalisé sur 20 en serait victime. Pire, 4 000 d’entre eux en décèderaient. Face à ces conséquences potentiellement graves, il n’est donc pas rare que les patients, ou leurs ayants droits, réclament des indemnisations au titre du préjudice subi. Étonnamment, un vide juridique existait à Monaco dans ce domaine. Aucun texte n’encadrait en effet l’indemnisation des victimes, qui devaient alors se tourner vers les assureurs des établissements de santé, « lorsque la responsabilité de ces derniers était engagée », pour obtenir un dédommagement.

Christophe Robino
« La première [modification — NDLR] consiste à faire peser sur l’établissement de santé la charge de la preuve de l’absence de faute à l’origine de l’infection nosocomiale (et non sur le patient ou sa famille de démontrer la faute). La seconde, est l’institution d’un régime d’indemnisation par l’État, au profit des victimes d’infections nosocomiales pour lesquelles l’absence de faute a été démontrée. » Christophe Robino. Conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé. © Photo Conseil National

Il a finalement fallu attendre une décision de justice, comme le révèle le conseiller-ministre à la santé, pour que les lignes bougent enfin. « Une décision de la Cour de révision du 13 mars 2019 qui, se basant sur la jurisprudence française, affirme qu’en présence d’une infection nosocomiale, la responsabilité de l’établissement de santé est engagée même en l’absence de faute et conduit à un dédommagement, explique Christophe Robino. Cette décision a donc amené le gouvernement à s’interroger sur les conséquences de l’absence de législation monégasque spécifique pour nos établissements. Et de manière plus générale, sur l’absence de législation en matière de gestion des risques dans la prise en charge des patients ». Cette réflexion va aboutir au dépôt d’un projet de loi le 30 juin 2021. Censé à l’origine encadrer l’ensemble des événements indésirables associés aux soins, le texte de loi va finalement voir son périmètre restreint aux seules infections nosocomiales. Soumis au vote des élus du Conseil national, il sera officiellement adopté à l’unanimité le 7 décembre dernier [à ce sujet, lire notre article Infections nosocomiales : la fin d’un vide juridique].

Cette loi consacre une sécurisation du patient qui, a désormais « la garantie, par ce texte, de pouvoir prétendre à une indemnisation des conséquences d’une infection nosocomiale soit, par l’établissement de santé s’il en est responsable, soit, à défaut de faute, par l’État »

« Double sécurisation »

Concrètement, cette loi relative aux infections nosocomiales apporte une « double sécurisation, dans un domaine spécifique qui était, jusqu’alors, régi par le droit commun de la responsabilité », précise le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé. En premier lieu, elle consacre une sécurisation du patient qui, a désormais « la garantie, par ce texte, de pouvoir prétendre à une indemnisation des conséquences d’une infection nosocomiale soit, par l’établissement de santé s’il en est responsable, soit, à défaut de faute, par l’État ». Parallèlement, cette loi sécurise aussi les établissements de santé qui « disposent enfin d’un cadre clair définissant précisément les conditions de mise en œuvre de leur responsabilité en la matière ». Quant à la charge de la preuve et le régime de responsabilité, la loi énonce que les établissements de santé ne sont responsables « que des infections nosocomiales survenues consécutivement à une faute à l’occasion de la prise en charge d’un patient ». Elle précise également la définition de l’infection nosocomiale comme étant une infection « survenant chez une personne au cours, ou au décours, de sa prise en charge par un établissement de santé et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ». Par ailleurs, afin que ce texte réponde aux préoccupations légitimes des patient(e)s, le gouvernement a proposé à la Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses (Cisad) du Conseil national, deux modifications majeures par rapport au texte initialement déposé. « La première consiste à faire peser sur l’établissement de santé la charge de la preuve de l’absence de faute à l’origine de l’infection nosocomiale et non sur le patient ou sa famille de démontrer la faute. La seconde, est l’institution d’un régime d’indemnisation par l’État, au profit des victimes d’infections nosocomiales pour lesquelles l’absence de faute a été démontrée », indique Christophe Robino. Ces évolutions permettent ainsi, selon lui, « de préserver un juste équilibre entre les intérêts des patients et ceux des établissements de santé ».

1) Le rapport de l’agence Santé Publique France est à lire ici.

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