jeudi 8 juin 2023
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Infections nosocomiales — Christophe Robino : « Ce texte constitue une avancée significative pour les victimes »

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Conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Christophe Robino revient pour Monaco Hebdo sur le contenu de la loi sur les infections nosocomiales, et annonce une réflexion à venir au sujet des autres accidents médicaux associés aux soins. Interview.

Pourquoi ne pas avoir adopté le même dispositif qu’en France ?

La question de l’opportunité d’instituer un régime identique au dispositif français en matière d’infections nosocomiales a été longuement réfléchie. Cette transposition se heurte toutefois à certains obstacles. Pour comprendre, il faut rappeler que si les établissements de santé français sont soumis à une responsabilité sans faute en matière d’infections nosocomiales, ils n’en supportent les conséquences financières que de manière limitée puisque, passé un certain seuil de gravité, c’est à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) que revient, par principe, la charge de l’indemnisation de ces infections. Aussi, l’existence de l’ONIAM, dont je rappelle qu’il est financé en partie par l’État et par une dotation de la Sécurité sociale, garantit la viabilité du dispositif français. Or, dans la mesure où une part significative de la patientèle de nos établissements n’est pas affiliée aux caisses sociales monégasques, le financement de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, par nos caisses sociales n’est pas envisageable. C’est la raison pour laquelle, ce texte propose un mécanisme adapté aux spécificités de la principauté, tout en remplissant l’objectif de protection recherché.

Comment les victimes d’infections nosocomiales étaient-elles indemnisées avant le vote de cette loi ?

Jusqu’au vote de cette loi, les victimes de séquelles permanentes d’infections nosocomiales étaient indemnisées par les assurances des établissements de santé, lorsque la responsabilité de ces derniers était engagée. À défaut de faute, les victimes ne bénéficiaient d’aucune indemnisation à moins qu’elles n’aient souscrit une assurance personnelle couvrant ce risque. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a estimé que la reconnaissance des conséquences graves d’une infection nosocomiale, en l’absence de faute reconnue, ne pouvait se faire sans qu’un régime d’indemnisation ne soit créé. Ce texte constitue donc une avancée significative pour les patients victimes d’un déficit fonctionnel permanent de plus de 25 %, ou d’un déficit fonctionnel de 50 % au moins réversible en plus de 6 mois à la suite d’une infection nosocomiale.

« Le gouvernement a estimé que la reconnaissance des conséquences graves d’une infection nosocomiale, en l’absence de faute reconnue, ne pouvait se faire sans qu’un régime d’indemnisation ne soit créé »

Initialement, le projet de loi n° 1040 portait sur la préservation de la santé des patients dans les structures de soins : pourquoi l’avoir limité aux seules infections nosocomiales ?

Ce choix a principalement été guidé par le souhait de clarifier au mieux la législation et de la rendre la plus accessible possible. En effet, le projet de loi initialement déposé regroupait plusieurs sujets différents présentant chacun leurs spécificités. Aussi, il me paraissait préférable d’appréhender de manière distincte la prévention et l’indemnisation. Or, cette dernière devait être traitée en priorité, car si la question de la prévention trouve déjà des réponses en pratique, les établissements de la principauté appliquant d’ores et déjà en la matière les recommandations en vigueur, celle de l’indemnisation devait impérativement être régie par la loi.

Un autre texte verra-t-il le jour pour les autres accidents médicaux associés aux soins ?

Conformément à l’engagement pris auprès du Conseil national, le gouvernement conduira une réflexion sur les autres accidents médicaux associés aux soins, notamment la question de l’aléa thérapeutique, qui, par définition, s’entend sans faute, pour évaluer les évolutions législatives susceptibles d’intervenir en la matière.

Lors de sa prise de parole en séance publique le 7 décembre 2022, l’élu de l’opposition Jacques Rit (Horizon Monaco) a proposé que l’État prenne en charge les frais de justice des victimes, ou du moins qu’il en assure l’avance (1) : le gouvernement envisage-t-il cette option ?

En tant que médecin moi-même, je comprends tout à fait la préoccupation exprimée par le docteur Jacques Rit, à savoir une pleine accessibilité de la justice pour le patient(e)s victimes des conséquences d’une infection nosocomiale. C’est de manière générale, une composante essentielle de l’État de droit. Toutefois, l’accessibilité à la justice ne s’impose pas uniquement dans le cadre des infections nosocomiales : c’est un principe général. Par conséquent, si une telle mesure devait être mise en œuvre, elle créerait, de fait, une inégalité injustifiée entre les justiciables. À mon sens, la réponse à la préoccupation exprimée par Jacques Rit se trouve dans le système de l’assistance judiciaire, dont le bénéfice a été élargi par la loi n° 1511 du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile qui a introduit l’assistance judiciaire partielle. Enfin, je tiens à rappeler qu’afin d’éviter une procédure en justice potentiellement financièrement coûteuse et longue, il est toujours possible de recourir auprès des établissements concernés à une procédure amiable, nettement moins contraignante et pénible pour les patient(e)s ou leurs familles.

1) À ce sujet, lire notre article Infections nosocomiales : la fin d’un vide juridique, publié dans Monaco Hebdo n° 1267.

Pour lire la suite de notre dossier « Infections nosocomiales : Monaco renforce son cadre juridique et médical », cliquez ici.

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