mardi 23 avril 2024
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Infections nosocomiales : la fin d’un vide juridique

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Les élus du Conseil national ont adopté à l’unanimité des présents  (1), mercredi 7 décembre 2022, le projet de loi n° 1040 concernant les infections nosocomiales. Ce texte prévoit notamment l’introduction d’un mécanisme d’indemnisation pour les victimes.

Souvent vécues comme une injustice par les patients, les infections nosocomiales, aussi appelées « infections associées aux soins », désignent les infections contractées lors d’un séjour dans un établissement de santé. D’après une étude de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) datant de 2012, 750 000 personnes en seraient victimes chaque année en France. Ce qui représente tout de même plus d’un patient hospitalisé sur vingt. Pire, 4 000 d’entre eux en décèderaient. Face à ces conséquences potentiellement graves, il n’est donc pas rare que les patients, ou leurs ayants droits, réclament des indemnisations au titre du préjudice subi. C’est d’ailleurs une « décision judiciaire », comme l’a révélé en séance publique le conseiller-ministre à la santé Christophe Robino, qui a poussé la principauté à légiférer car, étonnamment, un vide juridique existait dans ce domaine. Ce vide a finalement été comblé, ce mercredi 7 décembre 2022, avec l’adoption à l’unanimité du projet de loi n° 1040.

« Le choix de se distinguer du pays voisin, en écartant la création d’un fonds d’indemnisation, résulte de nos particularités en la matière »

Christophe Robino. Conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé

« Une avancée significative pour les patients »

Porté par l’élue de la majorité Priorité Monaco (Primo !) Marie-Noëlle Gibelli, ce projet de loi particulièrement technique et complexe aura nécessité plus d’un an de travail. Les nombreux amendements témoignent d’ailleurs de la difficulté pour le gouvernement et le Conseil national d’aboutir à un texte juste et équilibré conciliant à la fois les intérêts des victimes d’infections nosocomiales et des établissements de santé. « Ce projet de loi a pour vocation de concilier deux objectifs : d’un côté, permettre la meilleure indemnisation possible des patients, et de l’autre préserver l’équilibre des finances de nos établissements de santé », a présenté la rapporteure. Le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Christophe Robino, s’est lui aussi réjoui de la pertinence du texte consolidé car celui-ci consacre « une avancée significative pour les patients de nos établissements ». En effet, pour l’État, la possibilité pour le patient d’obtenir la réparation de son préjudice, a fortiori dans les cas les plus graves, est « essentielle ». À la fois parce qu’elle renforce « le lien de confiance entre les patients et les établissements de santé » tout en contribuant à leur attractivité. Concrètement, le projet de loi établit un mécanisme d’indemnisation très différent de celui adopté en France. « Le choix de se distinguer du pays voisin, en écartant la création d’un fonds d’indemnisation, résulte de nos particularités en la matière. En effet, dans la mesure où, comme je l’ai dit, une part non négligeable de la patientèle de nos établissements de santé n’est pas affiliée aux caisses sociales monégasques et n’est pas résidente en principauté, le mécanisme de solidarité, tel qu’institué en France au travers de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), ne paraissait pas adapté à Monaco », a expliqué Christophe Robino. En principauté, c’est le gouvernement qui assumera seul la charge de cette indemnisation « comme il le fait déjà, par exemple, en matière de vaccination obligatoire ».

Christophe Robino
Christophe Robino. Conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé. © Photo Conseil National

Un deuxième projet de loi espéré

Si le texte a remporté l’adhésion des conseillers nationaux, l’élu Horizon Monaco Jacques Rit, par ailleurs médecin de profession, reste lui sur sa faim estimant que « la solution retenue n’est pas non plus pleinement satisfaisante. Le principal reproche que l’on puisse lui faire est un passage obligatoire de la victime devant les instances judiciaires. Cette étape présente, pour beaucoup de patients, un caractère dissuasif, tant par la lourdeur et la durée de la démarche, que par les frais à engager, qui, nous le savons, sont loin d’être négligeables. Et ils sont susceptibles de faire renoncer ceux d’entre eux disposant de moyens financiers limités », a-t-il affirmé. Pour contourner cette problématique, l’élu de l’opposition a notamment proposé que l’État prenne en charge leurs frais de justice, ou, du moins, qu’il en assure l’avance. « À titre personnel, j’aurais souhaité que le gouvernement fasse un pas de plus en faveur des victimes d’infections nosocomiales, du moins en faveur de celles qui conserveront à jamais les séquelles de ce cruel événement ». Malgré tout, le conseiller s’est finalement prononcé, comme ses collègues, en faveur de ce projet de loi et leur a formulé le souhait de voir un autre texte rapidement voté dans l’hémicycle. Initialement conçue pour englober l’ensemble des dispositions destinées à encadrer la responsabilité des professionnels et des établissements de santé, les élus et le gouvernement ont en effet choisi de restreindre le périmètre de cette loi aux seules infections nosocomiales. Une nouvelle loi devrait cependant être étudiée par la Haute Assemblée pour encadrer tous les autres événements indésirables associés aux soins.

1) Cinq conseillers nationaux étaient absents lors de cette séance publique législative du 7 décembre 2022. Il s’agit des élus de la majorité Priorité Monaco (Primo !) José Badia, Michèle Dittlot, Franck Lobono, Guillaume Rose, et Pierre Van Klaveren.