vendredi 26 avril 2024
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Dépistage et vaccination : où en est-on à Monaco ?

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Alors que le taux d’incidence continue de grimper en principauté faisant craindre une nouvelle vague épidémique, Monaco Hebdo est allé à la rencontre du directeur de l’action sanitaire, Alexandre Bordero, pour faire le point sur le dépistage et la vaccination qui marquent le pas. Explications.

À Monaco, comme un peu partout en Europe, la situation sanitaire se complique. Preuve en est, le taux d’incidence (1) est reparti à la hausse, dépassant la barre symbolique des 100 cas hebdomadaires pour 100 000 habitants depuis deux semaines. À l’heure où Monaco Hebdo bouclait ce numéro, mardi 23 novembre 2021, le taux d’incidence s’élevait ainsi à 198, un taux quatre fois supérieur au seuil d’alerte fixé à 50 cas pour 100 000 habitants. Face à ce rebond épidémique qui fait craindre une nouvelle vague, le gouvernement princier sous l’autorité du prince Albert a été contraint, le 11 novembre dernier, de procéder à un nouveau tour de vis pour tenter d’enrayer la propagation du virus. Le passe sanitaire a été prolongé jusqu’au 25 février 2022, et sa présentation sera désormais obligatoire pour accéder aux terrasses des bars et restaurants de la principauté à compter du 1er décembre. Mais ce n’est pas tout, en plus de ces mesures, les autorités ont également étendu la troisième dose de vaccin aux 18 ans et plus et lancé une campagne de dépistage gratuit, du 2 au 14 novembre, afin d’anticiper les retours de vacances, bien souvent synonymes de résurgence des cas de Covid-19. Cette campagne a connu un succès somme toute modéré puisque selon les chiffres communiqués par l’action sanitaire, 707 tests PCR ont été réalisés au centre de dépistage, situé à l’Auditorium Rainier III. Si l’on y ajoute les tests antigéniques effectués en officines, ce sont au total près de 6 850 prélèvements qui ont été analysés au cours de cette période. « C’est une campagne normale avec une petite augmentation [du nombre de tests — NDLR], juge Alexandre Bordero. Cette campagne s’avérait nécessaire puisqu’aujourd’hui, même si vous êtes vaccinés, vous devez avoir un test PCR pour aller à droite ou à gauche », justifie le directeur de l’action sanitaire, qui prévoit d’ores et déjà de renouveler l’expérience pour les fêtes de fin d’année bien plus génératrices de déplacements que la Toussaint.

« Diminution des tests »

D’une manière générale, le dépistage du Covid-19 tend à diminuer en principauté depuis le mois d’août 2021. Selon les chiffres officiels, entre 3 000 et 4 000 tests PCR ont été réalisés en septembre (4 005) et octobre (3 664) contre 6 699 en juillet et 5 704 en août. Soit une diminution de près de 45 % entre le mois d’octobre et le mois de juillet. Le différentiel est encore plus important avec le début de l’année 2021 au cours duquel près de 10 000 tests PCR étaient réalisés mensuellement. Selon le directeur de l’action sanitaire, Alexandre Bordero, ce fléchissement n’a pourtant rien d’étonnant : « Cet été, l’incidence était tout de même élevée. Il y a eu ensuite une diminution en septembre-octobre, ce qui est normal car une grosse partie des tests PCR proviennent des enquêtes épidémiologiques. Et moins vous avez d’incidence, moins vous avez d’enquêtes épidémiologiques sur les cas contacts. Donc cela diminue mécaniquement le nombre de tests PCR ». Alors que le taux d’incidence continue de progresser en principauté, le nombre de dépistages devrait donc, mécaniquement, repartir à la hausse en novembre : « Les enquêtes épidémiologiques reprennent un peu parce qu’il y a des cas dans des entreprises, dans les écoles, dans les familles donc on s’attend en effet à une petite augmentation des PCR », confirme Alexandre Bordero. Si l’on en croit le directeur de l’action sanitaire, la vaccination ne serait pas, non plus, étrangère à cette diminution des dépistages : « Comme les gens sont vaccinés, peut-être qu’ils se testent moins. Auparavant, des groupes comme les ballets de Monte-Carlo, l’opéra… venaient aussi se faire tester régulièrement, et cela amenait chaque semaine un gros nombre de tests. Mais avec la vaccination, nous avons diminué la régularité de ces dépistages. Donc, un certain nombre de facteurs jouent sur la diminution des tests ». Une chose est sûre, la fin de la gratuité des tests n’est pas en cause. Car contrairement à la France qui a décidé de les rendre payants pour les non-vaccinés, Monaco maintient cette gratuité à quelques exceptions près comme l’indique la responsable du centre national de dépistage, Julie Malherbe : « Les Monégasques et les résidents de la principauté peuvent accéder gratuitement au dépistage pour tout motif, que ce soit médical ou personnel. Pour les assurés sociaux non-résidents, et leurs ayants droit, la gratuité s’applique uniquement pour un motif médical, sur présentation d’une ordonnance ». Cette gratuité, certains résidents de la principauté auraient d’ailleurs tendance à en profiter puisque d’après Alexandre Bordero, quelques personnes « sans doute plus inquiètes que la moyenne » viendraient régulièrement se faire tester : « Est-ce que ce sont des abus ou est-ce que c’est du stress ? C’est toujours difficile à dire. Sur le plan épidémiologique, c’est une bonne chose, car ça permet une surveillance de la population. Après, cela ne représente pas des centaines de personnes », précise toutefois le directeur de l’action sanitaire.

Dépistage covid-19 Monaco
Alexandre Bordero, directeur de l’action sanitaire. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Il y a effectivement, peut-être, un découragement de la population. Il faut être clair. On a peut-être “survendu” le vaccin à une époque, en disant que ça protégeait de tout. Et aujourd’hui, on s’aperçoit que le virus circule toujours, et que, finalement, l’immunité diminue »

Alexandre Bordero. Directeur de l’action sanitaire

Des tests salivaires pour remplacer la PCR ?

Expérimentés en principauté depuis le mois de février 2021, les tests salivaires ne sont actuellement proposés qu’aux enfants dans le cadre des enquêtes épidémiologiques pour les cas contacts. Moins invasifs qu’un prélèvement nasopharyngé, ces tests ont été lancés afin d’assurer un meilleur suivi en milieu scolaire et d’éviter la fermeture de classes et d’établissements. Pour les adultes, il faudra patienter encore un peu avant de pouvoir bénéficier de ce type de prélèvements buccaux. Les différentes expérimentations menées jusqu’à présent ne s’étant pas avérées concluantes, comme l’explique Alexandre Bordero : « Plusieurs tests salivaires ont été pratiqués, mais ils n’ont pas été satisfaisants. Actuellement, nous effectuons un dernier essai, mais il n’est pas encore fini, sur les tests antigéniques salivaires qu’on passerait dans le robot Cobas du centre scientifique. Mais il faut encore que nous voyions avec Roche, qui fournit l’appareil, pour faire un certain nombre de réglages. A priori, ça devrait marcher. C’est une question de semaines ». L’optimisme est donc de rigueur, même si, pour l’heure, la direction de l’action sanitaire se garde bien de donner une échéance quant à la mise à disposition de ces tests buccaux. « Si on peut le faire, on le fera, promet Alexandre Bordero. Mais, pour l’instant, nous n’avons pas de visibilité ». La fin des cotons-tiges dans le nez, ce n’est donc pas pour tout de suite, d’autant plus que ces prélèvements nasopharyngés donnent pleine satisfaction aujourd’hui : « La PCR marche bien, il y a un bon taux de corrélation. Avec ce dépistage, on peut voir la charge virale. Et ensuite, il y a aussi des traitements d’identification. Car quand vous les passez au centre scientifique, un premier criblage permet d’identifier les variants connus (Alpha, Delta…) ». Ces analyses permettent ainsi de savoir quel variant circule majoritairement sur le territoire national. Et, sans surprise, il s’agit aujourd’hui du Delta, appelé autrefois variant indien : « Il y a eu des cas de variants brésilien et sud-africain à l’époque mais ils sont restés marginaux et ne se sont pas étendus. Comme le variant Delta se transmet grosso modo trois fois plus que l’Alpha [appelé autrefois variant britannique – NDLR], il a pris le dessus sur tous les autres ».

« L’immunité collective est très difficile à atteindre. D’autant plus que la vaccination n’empêche pas la circulation du virus. Vous allez quand même avoir un certain nombre de cas qui vont se faire, y compris sur des personnes vaccinées »

Alexandre Bordero. Directeur de l’action sanitaire

Sérologie

Autre moyen à disposition pour lutter contre le Covid-19, la vaccination est entrée dans une nouvelle phase, le 9 novembre 2021, avec l’ouverture de la troisième dose de vaccin à tous les Monégasques et résidents de la principauté âgés de 18 ans et plus. Et ce, conformément à l’avis favorable de l’Agence européenne des médicaments. L’administration de cette dose supplémentaire de vaccin permet, selon le gouvernement, de renforcer l’efficacité vaccinale susceptible de fléchir avec le temps. Une baisse progressive d’immunité confirmée par les quelque 5 400 tests sérologiques réalisés en principauté depuis le 29 juin 2021 [chiffre arrêté au 10 novembre 2021 — NDLR]. « La sérologie est basée sur les anticorps neutralisants. Ces derniers donnent une idée de la réponse immunitaire et du maintien de cette réponse immunitaire dans le temps contre le virus. En gros, un dosage est réalisé au centre scientifique et on divise, selon les normes, en trois catégories. En dessous de 30 %, vous n’êtes pas protégé. Entre 30 et 60 %, vous seriez encore protégé. Et au-dessus de 60 %, vous êtes protégé », explique le directeur de l’action sanitaire Alexandre Bordero, sans donner davantage de précisions sur les données scientifiques fixant ces seuils. « Nous nous sommes aperçus qu’à six mois de la vaccination, les 60-80 ans dans leur immense majorité restaient immunisés. Les gens qui étaient vraiment en dessous de 30 % représentaient 20 % de cette population. Cela étant dit, comme on ne connaît pas bien la cinétique, peut-être qu’au bout de six mois l’immunité descend plus vite qu’entre 0 et 6 mois », souligne Alexandre Bordero. Malgré ce manque de recul, le directeur estime toutefois que la sérologie représente un bon levier pour relancer la vaccination à Monaco : « Il y a effectivement peut-être un découragement de la population. Il faut être clair. On a peut-être « survendu » le vaccin à une époque, en disant que ça protégeait de tout. Et aujourd’hui, on s’aperçoit que le virus circule toujours, et que, finalement, l’immunité diminue. Mais on ne pouvait pas le savoir avant, puisque le vaccin venait de sortir, et il n’y en avait pas d’autre. C’est au fur et à mesure de l’avancée qu’on voit s’il faut faire ou refaire. Du coup, je pense qu’à Monaco la sérologie peut rassurer et inciter la population ».

dépistage covid-19 Monaco
« Les Monégasques et les résidents de la principauté peuvent accéder gratuitement au dépistage pour tout motif, que ce soit médical ou personnel. Pour les assurés sociaux non-résidents, et leurs ayants droit, la gratuité s’applique uniquement pour un motif médical, sur présentation d’une ordonnance. » Julie Malherbe. Responsable du centre national de dépistage. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Seulement 58 % de résidents vaccinés

Car aujourd’hui, la vaccination semble avoir atteint un plafond de verre en principauté. Le ministre d’État, Pierre Dartout, l’a d’ailleurs lui-même deploré début octobre 2021, lors des séances publiques dédiées au budget rectificatif 2021 : « Soyons lucides : sans une augmentation significative du taux de vaccination, nous ne pourrons pas retrouver une vie économique et sociale normale. J’encourage donc toute personne en âge de le faire à sauter le pas et à effectuer ce geste pour elle-même, mais surtout pour les autres ». Les chiffres publiés, mercredi 17 novembre 2021, par l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (Imsee) dans le dernier Observatoire des impacts de la crise sanitaire liée à la Covid-19 confirment cette tendance. Au 31 octobre 2021, 54 389 doses avaient été administrées, dont près de 9 200 l’avaient été à des résidents français et italiens. La couverture vaccinale des résidents de la principauté s’élevait seulement à 58 % : 20 318 ont reçu deux doses de vaccin, et 1 873 ont été vaccinés avec une dose unique après avoir été infectés par le Covid-19. Ce sont donc au total 22 300 résidents de la principauté qui bénéficient d’un schéma vaccinal complet (2). Mais selon l’institut monégasque de la statistique, cette estimation serait bien en-deçà de la réalité. En cause : les résidents monégasques étrangers peut-être vaccinés hors principauté, dont le gouvernement ignore le statut vaccinal. Il n’en reste pas moins que le pays est loin des taux requis pour atteindre l’immunité collective, désormais fixés à 90 % (3), en raison de l’émergence de nouveaux variants plus contagieux : « Elle est très difficile à atteindre. D’autant plus que la vaccination n’empêche pas la circulation du virus, reconnaît Alexandre Bordero. Vous allez quand même avoir un certain nombre de cas qui vont se faire, y compris sur des personnes vaccinées. Après, il faut savoir aussi qu’à l’origine, toutes ces mesures ont été prises surtout parce qu’il y a un encombrement, une saturation des hôpitaux. Notamment des services de réanimation. Et quand vous encombrez la réanimation, derrière, vous ne pouvez plus opérer. Ça bouche toute l’activité, ou partie, de l’hôpital ». Et pour ça, la vaccination semble porter ses fruits, puisqu’à l’heure où Monaco Hebdo bouclait ce numéro, mardi 23 novembre 2021, 10 personnes, dont 2 en réanimation, étaient hospitalisées au centre hospitalier princesse Grace (CHPG).

1) Le taux d’incidence correspond au nombre de cas positifs enregistrés sur les 7 derniers jours, rapporté à 100 000 habitants.

2) Selon l’Imsee, la couverture vaccinale – schéma complet correspond à la part de la population vaccinée avec une deuxième injection d’un protocole à deux doses ou une injection d’un protocole à dose unique.

3) Dans une étude rendue publique le 7 avril 2021, l’Institut Pasteur estime qu’il faut vacciner 90 % des adultes pour atteindre l’immunité collective, et ainsi retrouver une vie normale : https://modelisation-covid19.pasteur.fr/evaluate-control-measures/vaccination/.