vendredi 29 mars 2024
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« Les visites de la CCIN sont anticonstitutionnelles »

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L’affaire opposant un administrateur de la société Someco à la Commission de contrôle des informations nominatives, qui avait débouché le 18 décembre sur une condamnation de l’entreprise en première instance, a été jugée en appel le 28 janvier.

5 000 euros. Tel est le montant de l’amende, frappée du sursis, dont a écopé Dario Cassano, le 18 décembre 2012, pour non-respect de la loi relative à la protection des informations nominatives. L’homme est un des administrateurs délégués de la Someco, une société spécialisée dans le recouvrement de contentieux et le rachat de créances. Le tribunal de première instance venait alors de rendre sa décision dans la première affaire opposant une entreprise basée en principauté à la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN). Dans le viseur de la CCIN figuraient des fichiers informatiques non déclarés, deux autres déclarés mais non conformes, des photocopies de cartes d’identité et des transmissions de fichiers vers Israël. La Someco a fait appel du jugement et l’affaire a été examinée à la cour d’appel lundi dernier.
Me Régis Bergonzi a tenté de démontrer l’inconstitutionnalité de prérogatives accordées à la CCIN et les failles de la loi concernée. Pour appuyer son propos, l’avocat de la Someco s’est appuyé d’abord sur les déclarations tenues par un élu du conseil national et le ministre d’Etat lors d’une séance publique de décembre 2011. « Dans quelle mesure allez-vous préserver l’équilibre entre les libertés fondamentales et les prérogatives de la CCIN ? Trois mois avant la véritable perquisition menée à la Someco, un conseiller national a soutenu en séance publique que le conseil national avait été sollicité par des acteurs économiques qui ont exprimé leurs doléances vis-à-vis des méthodes de la CCIN. L’élu indiquait qu’elle agissait « tel Zeus, ne sachant manier que la foudre ». Le ministre d’Etat a reconnu que c’était exact et a souscrit à cette analyse. L’équilibre n’est plus préservé par les méthodes d’action de la CCIN », a relevé l’avocat de la Someco. Interrogé par la cour, Dario Cassano a qualifié de « rigide et dure » la manière dont s’était déroulée la visite de l’organisme dans les locaux de la Someco, qui a coopéré et s’était efforcée de se mettre en conformité avec la loi bien avant l’intervention de la CCIN.

« Les banques rient de la CCIN »
La plaidoirie de la défense s’est aussi fondée sur une myriade de décisions et de jurisprudences, françaises et européennes. Notamment une décision du conseil constitutionnel français datant de 1983 statuant que les visites domiciliaires purement administratives étaient illégales. « Les visites et les perquisitions de ce type sont anti-constitutionnelles tant en France qu’à Monaco », a plaidé Me Bergonzi. Autre point soulevé : le droit d’opposition à ces visites, qui existe en France mais pas à Monaco. « Ce droit est évident en France. De plus, les perquisitions sont effectuées par des gens qui n’offrent pas les mêmes garanties que les magistrats. Il y a une absence de supervision d’un juge. Si demain, la CCIN débarque au CHPG, les fichiers médicaux ne sont pas protégés », a-t-il clamé, rappelant que son client ne s’était pas vu notifier ses droits au silence et à l’assistance d’un avocat. Me Bergonzi s’est ensuite attaqué aux autres points reprochés à la Someco. « Les banques rient de la CCIN. D’un côté, le SICCFIN* leur demande de conserver des photocopies de cartes d’identité des particuliers qui ont un compte chez eux. De l’autre, la CCIN leur demande de les recopier de façon manuscrite. Concernant les transmissions vers Israël, il s’agit d’un Etat reconnu par l’Union Européenne en matière de protection des informations nominatives, donc à Roquebrune ou à Beausoleil, avec une loi et une autorité dédiées. Que faut-il de plus à Monaco ? », a-t-il ajouté. Enfin, selon la défense, Dario Cassano n’aurait pas dû être cité à comparaître en tant que personne morale, étant donné que la Someco comporte quatre administrateurs délégués. Le parquet a demandé la confirmation du jugement rendu en première instance. La décision sera rendue le 19 mars.

* Le Siccfin a pour fonction de traquer le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption en principauté.