jeudi 25 avril 2024
AccueilPolitiqueConseil de l'Europe : « Une faute politique » de la majorité

Conseil de l’Europe : « Une faute politique » de la majorité

Publié le

Laurent Nouvion
Laurent Nouvion © Photo EdWrightImages

Leader de la liste Horizon Monaco, Laurent Nouvion avance quelques points du programme qui sera présenté le 19 décembre. Soit booster les recettes de l’Etat et transformer le fonds de réserve en fonds souverain. Et fustige « les ratés » de la majorité parlementaire.

EUROPE

Monaco Hebdo : Dans votre dernier meeting, qui a été très offensif, vous avez tiré à boulets rouges sur la majorité et le président Robillon sur sa gestion du dossier européen, Jean-Charles Allavena parlant carrément de haute trahison. N’est-ce pas en faire un peu trop ?
Laurent Nouvion : Il faut être extrêmement précis. Nous avons tenu un meeting à deux mois et demi des échéances électorales. Est venu s’inviter dans la campagne électorale le dossier du conseil de l’Europe, avec la saisine de la commission de Venise. C’est un dossier qui concerne tous les élus dans le cadre de notre mandat. Il y a deux représentants permanents au conseil de l’Europe, Jean-Charles Gardetto et Bernard Marquet. Moi je ne suis que suppléant à la commission de suivi. Je n’y siège que quand je suis invité. Par exemple, au mois de mai, on m’a fait rentrer 5 minutes dans la commission après m’avoir fait attendre 3 heures et demi. Le 2 octobre, je ne me suis pas rendu à Strasbourg vu qu’il y avait la présentation du Budget primitif 2013. J’ai jugé en mon âme et conscience que mon obligation était de rester à Monaco. Le 13 novembre, à la réunion de la commission de suivi qui devait décider de revenir ou pas sur la saisine de la commission de Venise, j’ai dit ce que j’avais à dire. Que notre système institutionnel fonctionne bien et qu’il n’est pas négociable.

M.H. : Que voulez-vous dire ?
L.N. : Les deux élus représentant permanents ont été au courant de la saisine le 2 octobre. Ils n’en ont parlé à leurs collègues que le 29 octobre en commission plénière d’étude, précisant qu’ils avaient en revanche informé le président du conseil national à leur retour. Entre le 2 et le 29 octobre, ils ne nous ont rien dit. Il a fallu que le ministre nous informe le 25 octobre. Comment peut-on garder cette information 23 jours alors qu’on parle d’un sujet aussi important que le renforcement des pouvoirs de la haute assemblée ? La seule réponse du président Robillon lors de cette réunion du 29 octobre, dont je n’ai toujours pas reçu le PV, c’est qu’il n’y avait pas d’urgence et qu’il n’y avait rien à faire. Or, cette décision est trop grave pour la conserver pour soi-même. Un de nos colistiers dit que cela pourrait être considéré comme de la haute trahison. C’est parfaitement son droit et c’est un sentiment partagé par beaucoup de compatriotes. Moi je ne parle pas de haute trahison mais de faute politique.

M.H. : La majorité parle d’accusations personnelles et diffamatoires… D’autant que les 21 élus ont, dans une déclaration commune, déclaré qu’ils ne voulaient pas davantage de pouvoirs.
L.N. : On est dans le cadre d’une campagne politique. Il n’y a pas d’attaques personnelles mais sur la gestion d’un dossier assumée par la majorité du conseil national dans le cadre de son mandat. Je n’ai attaqué personne sur sa vie, sa profession. Je les ai mis en cause sur leur gestion du dossier du conseil de l’Europe. Comme je l’ai fait sur le dossier des retraites. Pour moi, il y a un échec dans la construction du dialogue avec le conseil de l’Europe. Si nous avions des élus qui avaient expliqué à Madame Brasseur que ça fonctionne bien, que la population est satisfaite, que le conseil national tourne, on n’en serait pas là.

M.H. : Mais selon Madame Brasseur, Jean-Charles Gardetto et Bernard Marquet tiennent bien ce discours à Strasbourg.
L.N. : Je le répète. Il y a bien un échec.

M.H. : Ce sujet parle-t-il vraiment aux Monégasques ?
L.N. : Le sujet est tellement important que nous avons un devoir d’information et d’explication vis-à-vis de nos compatriotes. Il faut qu’on leur explique les conséquences directes et indirectes d’un avis de la commission de Venise qui pourrait déboucher sur une recommandation dans le cadre du postsuivi de Monaco. C’est ça le fond de l’affaire. Vu la complicité intellectuelle et la bonne entente entre nos représentants de l’assemblée et madame Brasseur, s’il y a un rapport de la commission de Venise très favorable pour renforcer les pouvoirs du conseil national dans les 6 ou 8 mois qui viennent et si les Monégasques décidaient de ne pas nous faire gagner les élections, il existe une crainte sur la défense de notre système institutionnel à terme.

M.H. : Une recommandation du conseil de l’Europe n’est pas forcément suivie dans les faits. En l’occurrence, la demande d’extension des pouvoirs du conseil national ne sera jamais adoptée par les autorités. Concrètement, si personne, que ce soit au conseil national ou au gouvernement, ne veut cette modification, il n’y a pas de risque ?
L.N. : Je suis comme Saint Thomas. Je ne crois que ce que je vois. Nous avons deux représentants permanents au conseil de l’Europe qui y passent quasiment 2 mois par an, qui travaillent, voyagent et représentent le conseil de l’Europe. Cette activité fructueuse se traduit par cette saisine. A deux mois et demi des élections, nous sommes en droit de douter de la capacité de nos représentants permanents à convaincre et bien expliquer les spécificités de Monaco. Si moi j’étais représentant permanent, je peux vous garantir que vous m’auriez entendu bien avant le 2 octobre. Eux, on ne les a pas entendus.

M.H. : A prendre aujourd’hui à parti le conseil de l’Europe comme vous le faites, n’y a-t-il pas un risque d’attiser le feu à Strasbourg ?
L.N. : Je n’attise rien du tout. La commission de Venise a été saisie le 2 octobre. Madame Brasseur s’est invitée dans notre campagne électorale, elle connaît le temps démocratique de la campagne. Nous, nous prenons nos responsabilités. Si nous sommes élus, j’ai à titre personnel un certain nombre de projets et de démarches pour reprendre le dossier à zéro. Nous changerons de méthode, il s’agit de mettre nos spécificités comme préalable et non comme sauvegarde. Nous avons répondu à certaines obligations qui étaient bonnes pour Monaco. D’autres sont antinomiques. Je ne vois pas pourquoi Monaco serait le seul Etat continental à ne pas faire valoir ses spécificités. Quoi qu’il en soit, quand on est président de la haute assemblée, on assume. Soit M. Robillon était au courant, soit il a fait quelque chose pour provoquer cette saisine, soit il a laissé faire. Dans les deux cas, il est responsable. Quand on a des charges de cette nature, il n’y a pas que des bons moments, il y a aussi des journées difficiles.

M.H. : Votre discours est nationaliste. En 2008, vous accusiez le camp majoritaire d’être démagogue voire populiste. On pourrait vous faire la même réflexion ?
L.N. : Je revendique un discours national, tourné vers les nationaux. On est 8000, minoritaires chez nous. C’est tellement facile de faire des raccourcis. Une seule chose m’intéresse : m’occuper des compatriotes, conserver notre régime, laisser ses prérogatives au prince et revenir aux vrais dossiers. Le conseil national doit retrouver sa place. Depuis que M. Robillon est président, on ne discute plus de rien. Il y a une chape de plomb sur le conseil national.

LISTE

M.H. : La sauce prend avec l’UP ?
L.N. : Votre question est hors sujet.

M.H. : C’est pourtant ce que se demandent les gens ?
L.N. : Le problème de nos concurrents, c’est qu’il n’y a pas de problème. Ça tourne. M. Robino travaille avec M. Rit sur l’hôpital. M. Cucchi travaille avec moi, Christophe Steiner, Marc Burini, Thierry Crovetto sur les finances publiques. Anne Poyard travaille avec Béatrice Rolfo et M. Barilaro sur les questions sociales et l’éducation. On a organisé 11 groupes de travail. Ils sont surexcités à travailler ensemble. Je suis désolé de les décevoir. Notre campagne est progressive et structurée. Elle marche si bien que la majorité en vient à copier nos outils de campagne…

M.H. : Robillon parle de 3 têtes de liste à Horizon Monaco. Avez-vous vraiment le leadership ?
L.N. : M. Robillon a tout intérêt à balancer ce genre de contre-vérités. Il n’y a qu’à venir aux meetings. Posez la question aux 23 autres candidats. Si les Monégasques décident de nous envoyer siéger majoritairement au conseil national et que je ne fais pas bien mon job, ça sera ma faute. J’assumerai seul. Ce sera à moi de gérer la majorité dans une législature fructueuse et dynamique, unie et déterminée. J’assume et j’assumerai totalement ma position, aujourd’hui, pendant la campagne et après si je gagne les élections. C’est pour ça que je fais de la politique. Si on n’a pas de courage, on ne fait pas de politique.

M.H. : Qu’est-ce qui nous dit que votre majorité serait stable ? Pour beaucoup elle ne tiendrait même pas un an ?
L.N. : Regardez l’histoire politique depuis 50 ans. Les majorités qui ont duré longtemps, qui ont été stables et pérennes sont des majorités composées de gens qui ont de la personnalité, qui viennent d’horizons différents et qui sont dirigés. Je me mettrai à la disposition de la liste. Je mettrai toute mon énergie et j’irai jusqu’au bout.

M.H. : Pendant le meeting, tous les candidats ont parlé de l’osmose qui règne dans l’équipe. Avez-vous convaincu à votre avis ?
L.N. : Il y a des signes qui ne trompent pas. Les plus virulents des militants, que ce soit de l’UP ou de R&E, nous ont dit jeudi soir : « Vous nous avez convaincu de laisser les feutres à la maison ! » En clair, pas de panachage.

PROGRAMME

M.H. : Beaucoup de gens attendaient un début de programme…
L.N. : Nous divulguerons le programme le 19 décembre, au lendemain des explications de vote du budget primitif 2013. C’est la première fois dans l’histoire politique de Monaco qu’une liste présente son programme aussi tôt. Vous n’allez pas être déçu sur la forme.

M.H. : Vous avez dit que vous chiffrerez chacune de vos mesures. Comment ?
L.N. : On ne peut pas me reprocher de ne pas avoir manié les chiffres depuis 5 ans, on ne me l’a que trop reproché (sourire)… Il s’agit de poursuivre l’approche que nous prônons depuis 5 ans d’évaluer les politiques publiques. Cette évaluation a une transcription chiffrable. On va chiffrer à tâtons car on n’a pas accès à toutes les informations. Mais l’idée est de donner un maximum d’informations possibles aux Monégasques.

M.H. : Les idées forces pour 2013 ?
L.N. : Avec un certain nombre de nos projets, on ne va pas être loin en 2013 ou 2014 d’atteindre 980 millions ou 1 milliard d’euros de recettes. Notre objectif est d’optimiser les recettes actuelles et dans un registre raisonnable en prospecter d’autres. Il y a des perspectives de rentrées de TVA très importantes avec 30 à 40 nouveaux commerces de l’îlot Rainier III et 80 pour l’extension du centre commercial. A ce propos, j’ai demandé au gouvernement de donner les projections de TVA. Imaginez-vous que le gouvernement nous répond qu’il n’a pas les chiffres et le président Robillon accepte ça ! A quoi servent nos réunions privées ?
On est dans un flou artistique complet sur les recettes de l’Etat. Le gouvernement se prête à un jeu d’écriture et à un habillage de bilan.

M.H. : C’est-à-dire ?
L.N. : Il communique sur des excédents alors qu’on sait très bien qu’il faut attendre la fin de l’année. C’est comme si un commerçant disait qu’il a fait une bonne année alors qu’il n’a pas comptabilisé une partie de ses frais fixes ! Et là c’est encore plus grave : dans le rectificatif, ils ont rabioté sur tout et on est presque en dessous des 20 % des dépenses réelles sur l’équipement. Or le salut de Monaco pour les 10 ans qui viennent c’est les dépenses d’équipements, une vision, refaire un Fontvieille World trade center numéro II. Aujourd’hui, de nombreux locaux à Fontvieille sont vides. Ce n’est pas normal. Il faut y remédier. Il faut prévoir des avantages en matière de charges sociales pour les sociétés qui viennent s’installer et les compatriotes qui veulent ouvrir un commerce.

M.H. : Pour récupérer de nouveaux m2 de surfaces commerciales et industrielles, souhaitez-vous délocaliser en France le traitement des déchets ?
L.N. : Sur l’usine d’incinération, je tiens à dire une chose : avec M. Robillon, nous nous sommes engagés en commission plénière privée, devant le gouvernement et tous les élus, à ne pas parler de l’usine d’incinération pour en faire un débat électoral. C’est moi qui ai lancé le débat il y a 5 ans. J’étais partisan de délocaliser l’usine car je n’avais pas accès au dossier. Raser gratis, c’est toujours ce qui est le plus séduisant. Depuis, avec une étude du conseiller Gramaglia, on s’est rendu compte qu’aujourd’hui les normes européennes ne sont pas en notre faveur, le département pose des problèmes, la région n’est pas d’accord… Je me suis donc résolu à accepter le fait que l’usine reste à Monaco. Le problème est compliqué. De plus, c’est un sujet qui concerne un arbitrage princier avec la France et on a un énorme problème de déchets et de souveraineté énergétique. C’est pourquoi j’ai demandé au président Robillon de ne pas en faire un sujet électoral. Il n’a pas tenu parole puisqu’il a éprouvé le besoin, une fois de plus, d’en faire état lors d’interviewes pour se faire mousser.

M.H. : D’autres priorités budgétaires ?
L.N. : Il faut consolider nos recettes récurrentes. Il y a eu beaucoup d’exceptionnel cette année. Au moment de la clôture, au 1er mars, si nous sommes élus, nous proposerons une commission plénière d’études publique lors de laquelle nous donnerons nos priorités. Ce sera le premier geste politique. Nous proposerons deux choses. Soit rembourser les 150 millions d’euros que le budget de l’Etat doit au fonds de réserve constitutionnel, parce que la commission supérieure des comptes le demande. Soit accélérer les chantiers et réinvestir dans les chantiers publics d’Etat qui font travailler toutes les entreprises sous-traitantes monégasques. On essaiera ainsi de rattraper le temps perdu avec les reports de crédits cumulés depuis 5 ans pour plus de 200 millions d’euros. L’argent voté non engagé, on le retrouve dans les chantiers retardés et arrêtés, il n’y a pas de mystère. Sur le plan législatif, on a des projets de loi en souffrance : la loi sur le handicap, sur l’organisation judiciaire, l’organisation du conseil national, la fonction publique et les agents de l’Etat. Il faut relancer les chantiers législatifs.

BUDGET

M.H. : Quels seront les points non négociables dès le vote du budget 2013 ?
L.N. : Un point essentiel pour le budget primitif 2013 sera de donner la date du premier coup de pioche de la prochaine construction domaniale fin 2014-2015. Je ne vous parle pas du serpent de mer Testimonio qui sera livré en 2020. Je vous parle de concret : début de chantier 2015 et livraison avant la fin de la législature. Nous demanderons également d’allouer des fonds pour le collège Charles III. On veut que les travaux commencent fin 2013. Ça fera partie de nos priorités 2013.

M.H. : Si le gouvernement ne respecte pas cette condition, vous ne voterez pas le budget ?
L.N. : Nous l’exigerons. Nous ne ferons pas comme la majorité. Regardez la villa Ida, c’est encore un raté. 35 logements, pas de parkings suffisants, des prestations moyennes, le promoteur qui choisit les locataires sans conditions… L’Etat n’a même pas son mot à dire. Il y a pourtant des propriétaires mitoyens intéressés pour faire un gros projet. Cela aurait assuré aux compatriotes une résidence de 100 logements domaniaux dans une opération mixte de 150 appartements. On aurait pu faire un immeuble intergénérationnel avec des 2 ou 3 pièces pour les jeunes et les personnes âgées. Au bout de 50 ou 60 ans, ces immeubles reviennent dans l’escarcelle des domaines.

M.H. : Vous favorisez le secteur mixte sur le secteur intermédiaire ?
L.N. : Pour nous, le secteur intermédiaire est dépassé. En plein accord avec nos partenaires, nous voulons un secteur mixte. Nous voulons remettre l’Etat dans son rôle, qu’il soit le pilote des projets avec la possibilité d’exproprier pour faire des opérations de remembrement. Attention, il ne s’agit pas d’expropriation à la russe, mais avec des contreparties. Cela va pas faire plaisir à un certain nombre de propriétaires privés. Mais j’ai plusieurs opérations en tête.

FINANCE

M.H. : Pourquoi voulez-vous transformer le fonds de réserve en fonds souverain ?
L.N. : On veut transformer la nature du FRC qui n’a pas de personnalité juridique. Quand on a 1,9 milliard d’euros, on le gère. On veut organiser un fonds souverain avec une équipe de gestionnaires dédiés, de professionnels. Une équipe qui se couche en pensant au fonds souverain et qui se lève en pensant au fonds souverain. Elle rendrait des comptes au gouvernement et tous les trimestres à la commission plénière des fonds. Comme la commission mixte sur la SBM. Un président du conseil national qui se respecte impose cette cadence.

M.H. : Vous parlez d’un fond dédié au 4ème âge ?
L.N. : Le quatrième âge va avoir un coût substantiel. C’est ce qu’on appelle la grande dépendance. Il faut améliorer le bien-être social et revenir à des principes de justice sociale. Ce fonds sera créé en étant abondé par un prélèvement annuel sur le budget de l’Etat, et devra être géré, pourquoi pas par les spécialistes du fonds souverain.