jeudi 28 mars 2024
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Vote électronique : après une série d’élections invalidées en France, faut-il encore l’appliquer à Monaco ?

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Les élections législatives de 2022 ont permis aux Français de l’étranger, dont Monaco, de voter par voie électronique. Mais, début 2023, plusieurs résultats ont été frappés d’invalidations par le Conseil constitutionnel français, à la suite de dysfonctionnements. Ce qui pose question quant à la fiabilité et à la sécurisation du vote en ligne.

C’est, encore, un mauvais signal pour le vote en ligne. Alors que le vote électronique a été proposé aux Français de l’étranger pour les législatives 2022, y compris à Monaco, inscrit dans la cinquième circonscription avec l’Andorre, l’Espagne et le Portugal, plusieurs élections ont été annulées par le Conseil constitutionnel en début d’année 2023. En effet, le 20 janvier 2023, cette haute institution française a annoncé l’annulation des élections de deux députés des Français établis hors de France : Eléonore Caroit (Renaissance), pour la deuxième circonscription concernant l’Amérique du Sud, et Karim Ben Cheïkh (Nupes), pour la neuvième, qui concerne l’Afrique du Nord. En cause : des « dysfonctionnements intervenus lors du vote électronique », en référence à la décision de justice n° 2022-5760 rendue presque huit mois après le scrutin. Selon les Sages du Conseil constitutionnel, présidé par l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, seule une partie des électeurs inscrits pour le vote électronique a réellement reçu sur son téléphone portable le message permettant d’accéder à la plateforme de vote via un mot de passe, indispensable pour pouvoir voter.

« Il résulte de l’instruction que, à l’occasion de ces appels, il a pu irrégulièrement être proposé aux électeurs de voter par Internet à leur place, en utilisant leurs identifiants et mots de passe »

Le Conseil constitutionnel

Il considère ainsi que ce dysfonctionnement a été de nature à « empêcher plusieurs milliers d’électeurs de prendre part au vote ». Et si les candidats élus ne sont pas considérés comme responsables par cette institution, elle estime que ces dysfonctionnements ont « porté atteinte à la sincérité du scrutin », rendant nécessaires de nouvelles élections. Ce n’est pas tout : un autre recours sur la huitième circonscription (1) s’est aussi conclu par une invalidation. Meyer Habib (ex-UDI, apparenté LR), a perdu son siège de député. Le Conseil constitutionnel a en effet suivi les arguments du parti adverse, porté par maître Daniel Levy, qui dénonçait l’utilisation de centres d’appels et des permanences téléphoniques pendant la campagne électorale, à destination des électeurs rencontrant des difficultés pour voter par voie électronique, pour le compte de Meyer Habib : « Il résulte de l’instruction que, à l’occasion de ces appels, il a pu irrégulièrement être proposé aux électeurs de voter par Internet à leur place, en utilisant leurs identifiants et mots de passe », a justifié le Conseil. Les Sages ont également relevé que des sympathisants du candidat avaient diffusé des messages appelant à voter pour ce candidat le jour du second tour de scrutin, et ont considéré que ces messages sont susceptibles d’avoir influencé le vote d’un nombre significatif d’électeurs.

Si les candidats élus ne sont pas considérés comme responsables par le Conseil constitutionnel, elle considère que ces dysfonctionnements ont « porté atteinte à la sincérité du scrutin »

Prudence

D’autres recours ont aussi été déposés, notamment dans la première circonscription pour l’Amérique du Nord par Alain Ouelhadj (Reconquête !) contre Roland Lescure (Renaissance), et dans la onzième circonscription des Yvelines par Aurélie Piacenza (Ensemble !) contre William Martinet (LFI-Nupes). Si ces deux derniers recours n’ont pas abouti, les éléments à charge étaient quasiment similaires. Ils posent question quant aux dysfonctionnements répétés et généralisés du vote par Internet, qui sont allés jusqu’à remettre en cause la sincérité du scrutin et ses résultats, comme ont pu le dénoncer les auteurs de ces recours. Concernant la circonscription de Monaco, remportée par Stéphane Vojetta (divers centre), aucun recours n’a été porté jusqu’au Conseil constitutionnel, alors que l’ancien premier ministre, Manuel Valls, figurait en tête chez les Français de la principauté. Mais la prudence doit rester de mise. Concernant la sécurisation des données électorales, tous les voyants ne sont pas encore au vert. Les derniers rapports du projet Arcadie, un organisme français qui compile et vérifie les données publiques parlementaires, font en effet état d’un risque accru de piratage de scrutin, ou encore de fuites de bases de données du vote des électeurs. En plus d’une faible garantie du secret du vote, compte tenu des failles techniques que présenteraient encore les machines permettant de recueillir les données du vote électronique, cet organisme français alerte également sur le fait qu’il soit difficile de contrôler l’authenticité des voix dépouillées électroniquement. Les électeurs n’auraient, eux non plus, aucune prise pour contrôler en temps réel ce qui se passerait sur les serveurs qui recevraient les votes, il n’y aurait donc aucun moyen de contrôler ce qui se déroule entre le moment où les électeurs s’expriment, et le moment où leurs résultats sortent. Pour ne rien arranger, d’autres travaux récents de l’observatoire du vote en France, traduisent trois à cinq fois plus d’erreurs de dépouillement lors d’expériences de vote électronique que pour le système de vote traditionnel. C’est une des raisons pour laquelle le moratoire sur le vote électronique n’a toujours pas été levé par le Sénat en France depuis 2008, empêchant de l’appliquer aux autres élections. Pour l’instant.

1) Cette circonscription comprend l’Italie, le Vatican, Saint-Marin, Malte, la Grèce, Chypre, la Turquie, la Palestine et Israël, où résident le plus d’électeurs.