jeudi 25 avril 2024
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Nuisances sonores :
faut-il légiférer ?

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Casque anti-bruit
© Photo D.R.

Adoptée en séance législative le 4 décembre, la proposition de loi sur les nuisances sonores a divisé l’hémicycle. Si pour la majorité le texte vient combler « un vide juridique », l’opposition s’est, elle, abstenue, considérant que les textes déjà existants en la matière sont suffisants.

Un véritable champ de bataille… électoral. Pendant près de 4 heures, l’hémicycle du conseil national, le 4 décembre dernier, a été le théâtre de passes d’armes interminables entre élus de la majorité et de l’opposition. Où plutôt… entre candidats Horizon Monaco et Union monégasque qui n’ont cessé de multiplier les acrimonies de toutes sortes.
Alors que le camp Robillon a reproché aux élus de l’opposition de pratiquer « la politique de la chaise vide » en commissions de travail — Jean-Charles Gardetto fustigeant au passage « la politique d’obstruction systématique » de la commission de législation présidée par Laurent Nouvion —, le camp Horizon Monaco (Christophe Spiliotis-Saquet en tête) a dénoncé de son côté la démarche « électoraliste » et « purement démagogique » de la majorité. « A deux mois des élections nationales, la majorité a délibérément choisi de faire campagne sur les sujets de société alors que de nombreux textes de loi sont en attente depuis des années », a-t-il fustigé.

« Beaucoup de bruit pour rien »
Malgré les prises de bec, le travail législatif a tant bien que mal avancé. Si le projet de loi transformant la Fondation prince pierre de Monaco « d’établissement public » en « association » a été adopté à l’unanimité, la proposition de loi visant à lutter contre les nuisances sonores a, elle, divisé l’hémicycle. Les 7 élus Horizon Monaco se sont en effet abstenus. « Ce texte est aussi mauvais qu’inutile », a lancé un Christophe Spiliotis-Saquet particulièrement prolixe. Selon cet élu, la proposition de loi vient en effet s’ajouter à une législation déjà pléthorique en la matière. « Les nuisances sonores sont déjà très encadrées juridiquement : deux arrêtés ministériels, une loi, trois ordonnances souveraines, n’est-ce pas suffisant ? Ne suffirait-il pas de commencer à faire respecter ces mesures plutôt que d’en prendre une septième inutile », a-t-il rajouté. Même son de cloche pour l’élue Anne Poyard-Vatrican pour qui cette proposition de loi « fait beaucoup de bruit pour rien. »
Pour la majorité au contraire, ce texte vient bel et bien combler « un vide juridique », et répondre à une problématique de plus en plus « exaspérante pour les Monégasques et les résidents », a estimé le rapporteur Bernard Marquet.
Concrètement, cette proposition de loi propose dans un premier temps une définition élargie du bruit. Définition, qui était jusqu’à présent « trop restrictive pour appréhender correctement ce fléau », selon la majorité. Les nuisances sonores sont ainsi caractérisées comme étant des « émissions sonores qui, par leur intensité, leur durée ou leur répétition, sont de nature à altérer l’intégrité physique ou morale de ceux qui les subissent. » Sont alors visées particulièrement celles « provenant d’activités domestiques, commerciales, artisanales, industrielles ou professionnelles, d’infrastructures de transport et des véhicules y circulant, des aéronefs, des chantiers de travaux publics ou privés, des manifestations publiques ou privées ainsi que des spectacles ou manifestations culturels, récréatifs ou sportifs à caractère exceptionnel. »

Chantiers
L’autre avancée du texte concerne plus spécifiquement les bruits générés par les chantiers. Sur ce sujet, le ministre d’Etat Michel Roger a d’ailleurs précisé que « le gouvernement n’était pas favorable à une interdiction des chantiers le samedi matin », en raison des « enjeux économiques » qui en découlent. Rappelons en effet que pour amener plus de quiétude aux riverains, un arrêté ministériel de septembre 2010 a modifié les horaires des chantiers. Désormais, les travaux ne peuvent avoir lieu qu’entre 8h et 12h et de 13h à 20h les jours ouvrables. Et le samedi de 9h à 13h. « Pour mesurer l’avancée, il faut se rendre compte qu’avant cet arrêté ministériel, les travaux pouvaient aller de 6h à 22h sans interruption », a rappelé l’élu de la majorité Gérard Bertrand, dans l’exposé des motifs.
En matière de chantiers, la majorité a voulu mettre en place dans son texte des garde-fous administratifs. Notamment sur la délivrance d’une « autorisation d’urbanisme » (dispositif administratif autorisant la construction, la démolition d’aménagements intérieurs ou extérieurs de bâtiments, de terrassement ou de travaux quelconques). Pour l’obtenir, les responsables du chantiers devront en amont prendre des mesures particulières « permettant, soit d’éviter que les travaux ne causent des nuisances anormales, soit de compenser au maximum les conséquences de ces bruits. » Cela peut se concrétiser de plusieurs manières : « Par le choix du matériel ou la technique de construction retenue, par la pose de fenêtres anti-bruit aux frais du maître de l’ouvrage ou de l’entrepreneur ou, pourquoi pas, une compensation financière de la gêne occasionnée. L’objectif est d’anticiper d’éventuels conflits et de faire en sorte que l’autorité administrative joue à la fois un rôle de conciliation et de régulation ».
Concernant les chantiers publics ou privés, le texte prévoit également qu’en présence de nuisances sonores anormales, le maître de l’ouvrage soit tenu d’indemniser la victime. Enfin, tout titulaire d’un contrat habitation-capitalisation, ou tout locataire d’un immeuble, à usage d’habitation ou professionnel appartenant à l’Etat, s’estimant victime de nuisances sonores anormales (imputables à l’Etat ou à un tiers) pourrait saisir le ministre d’Etat. Reste à savoir désormais si le gouvernement transformera cette proposition en projet de loi. Il a 18 mois pour le faire.

Garde alternée : à l’unanimité
C’est à l’unanimité que la proposition de loi sur la résidence alternée a été adoptée en séance législative le 4 décembre. Un texte destiné à offrir aux juges un outil supplémentaire lorsqu’un litige oppose les parents sur la garde de leur enfant. L’objectif est donc pour les couples qui se séparent de pouvoir fixer la résidence de l’enfant en alternance à la fois chez le père et la mère. Précision importante : la fixation en alternance, qu’elle soit le fait des parents ou du juge, devra être à durée déterminée. « Le juge pourra tout à fait revenir sur son jugement. Il n’est pas question qu’il soit définitif jusqu’à la majorité de l’enfant. La proposition de loi demande à ce que l’intérêt de continuer ou non la garde alternée pour l’enfant soit réévalué régulièrement », a précisé le président du conseil national Jean-François Robillon. L’opposition a de son côté demandé à ce qu’un comité d’experts de la petite enfance vienne en complément éclairer l’avis du juge. Sur ce texte aussi, le gouvernement a 18 mois pour reprendre ces dispositions à son compte — ou pas — dans un projet de loi.