jeudi 28 mars 2024
AccueilDossierLes jeunes, au cœur de la campagne

Les jeunes, au cœur de la campagne

Publié le

Alors que Monaco craint de plus en plus de subir de plein fouet la crise qui frappe l’Europe, la question de la jeunesse et de son avenir est placée au cœur de la campagne pour les élections de 2013. Education, orientation professionnelle, logement, emploi… Les deux listes Union monégasque et Horizon Monaco s’engagent.

Par Milena Radoman.

Justice contre DJ Vendetta. En 2008, les deux principales listes en lice pour les élections s’étaient lancés dans une course à l’échalote pour appâter le jeune électorat, en invitant, pour leur soirée dédiée aux 18-35 ans, les stars du moment. Logique : depuis 2002, la minorité est passée de 21 à 18 ans. Augmentant de facto le nombre de nouveaux électeurs à séduire… Et ce même si l’électorat monégasque est plutôt vieillissant : sur près de 6 900 inscrits, 3 000 auraient plus de 55 ans. Contre près de 1 500 pour la tranche 18-35 ans, selon les listes en présence. Cette cible est d’ailleurs difficile à capter. En l’absence de taux de participation calculé par tranches d’âges (la mairie se borne à quantifier la participation globale), impossible de mesurer l’exercice de leur devoir civique. On ne peut se fier qu’à la bonne vieille méthode empirique. Les candidats se souviennent encore de leur expérience en 2008. « A la salle du Canton, il y avait peu de jeunes dans la file menant aux isoloirs. On peut affirmer sans se tromper que c’est un électorat abstentionniste… », analyse le staff de campagne des deux listes. « Nous avons effectivement l’impression que les jeunes ne sont pas très sensibilisés à la politique », confirme de son côté Pascale Olivié-Dastakian, candidate sur la liste Union monégasque, pour qui ce n’est pas étonnant : « A l’école, on leur apprend l’instruction civique française et non monégasque ». « Aucune visite du conseil national ni de la mairie ne sont formalisées, explique quant à lui son colistier Arnaud Giusti. Ils ont même l’impression que leur vote n’a aucun poids. »

Réseaux sociaux
N’empêche. Cette année encore, les listes Horizon Monaco et Union Monégasque ont décidé de renouveler les soirées dédiées aux jeunes de 18 à 35 ans. Le 13 décembre, à partir de 21h30, les colistiers de Laurent Nouvion partiront à leur rencontre au Jimmy’z. Avant que AX puis Guena LG, le remixer officiel de Lady Gaga et des Black Eyed Peas, n’embrasent la piste. L’invitation a été envoyée par les réseaux sociaux : « On les touche là où ils se trouvent, sur Facebook. Les jeunes votent pour un dynamisme, ils vont là où ça bouge, ils ont envie de changement et de modernité », avance-t-on du côté de Horizon Monaco. Pour Union monégasque, limitation des comptes de campagne oblige — depuis la loi sur le financement des partis politiques —, on ne choisira pas une star comme Justice cette fois-ci. C’est à la Brasserie que la liste organisera sa soirée jeunes le 17 janvier, avec un DJ monégasque. Soit juste avant les élections, histoire, sans doute, que la soirée reste fraîche dans les esprits des jeunes Monégasques qui y participeront…

Filières « made in Monaco »
Mieux, au-delà de cet exercice rituel, pour la première fois, cette année, les deux listes ont axé leur discours sur la jeunesse. Craintes pour l’emploi, orientation professionnelle à améliorer, formations à diversifier… Chaque camp développe ses arguments. En période de crise économique, l’avenir des générations futures est en effet au cœur des préoccupations des Monégasques. La Société des bains de mer et la fonction publique, bassins d’emploi traditionnels des Monégasques, ne peuvent rester indéfiniment les seuls employeurs des jeunes nationaux. Et c’est pourquoi les candidats, tous bords confondus, veulent maximiser les chances des jeunes nationaux. Ce qui commence par l’optimisation des risques scolaires (« pas plus de 6h par jour au collège ») et la création de filières « made in Monaco » pour la liste Union monégasque. « Il faut cibler les attentes du pays. Nous allons avoir des besoins dans le domaine de la petite enfance, de l’aide aux personnes âgées, de la beauté. Il faut créer de nouvelles filières d’enseignement professionnel », indique Pascale Olivié-Dastakian. Et avant tout « revaloriser l’image de ces filières », avance Arnaud Giusti. « Aujourd’hui, les jeunes qui sont orientés au lycée technique ont l’impression à 90 % d’emprunter des voies de garages et que la réorientation à la fin de la 3ème représente une punition. » Même volonté de développer « les métiers manuels où la demande est importante » pour Christian Barilaro de Horizon Monaco. « L’Etat devrait pouvoir s’engager à financer des projets d’études pointus, même onéreux quitte à exiger des jeunes intéressés à revenir en principauté et à y apporter la valeur ajoutée générée par les diplômes obtenus », ajoute le candidat HM.

Manque de logement
Pour Union monégasque, il faut surtout améliorer l’orientation professionnelle et mieux anticiper les retours des jeunes partis à l’étranger. « Il y a un fort pourcentage de Monégasques qui partent faire leurs études à l’étranger et qui pourraient briguer des postes importants à Monaco. Quand ils reviennent en principauté, ces jeunes se retrouvent le bec dans l’eau. L’offre d’emploi ne correspond pas forcément à la demande. Il faudrait anticiper le nombre de juristes internationaux, de médecins ou autres professions en amont et faire des projections pour guider les jeunes en amont », lancent Pascale Olivié-Dastakian et Philippe Orecchia de Union monégasque. Même chose pour le logement. « Souvent, les jeunes, quand ils démarrent dans la vie active sont obligés de rester chez leurs parents parce que les critères d’attribution des logements domaniaux ne leur en donnent pas l’accès. Il faut encourager la construction de deux pièces pour leur permettre de s’autonomiser », souligne Christian Barilaro de Horizon Monaco. « La conception d’un secteur mixte voulu par HM s’attachera aussi à permettre à ces jeunes de pouvoir rester dans leur pays de cœur et de formation. » Et de proposer de créer dans chaque quartier des lieux de vie pour les jeunes couples avec des enfants en bas âge, où ils pourront se rencontrer entre eux, et échanger : « Cela crée des liens et ces échanges pourraient s’étendre aux ainés dans un but de maintien du lien transgénérationnel », note Christian Barilaro.
Sur toutes ces questions, de la création de nouvelles filières à la projection de listes de métiers dans l’administration, le gouvernement vient en tout cas de répondre que des mécanismes existaient déjà ou qu’ils n’étaient pas opportuns à instaurer. Interpellé sur ces questions lors de la séance budgétaire du 10 décembre — les sujets de campagne électorale s’invitant volontiers dans l’hémicycle —, le ministre d’Etat Michel Roger a en effet listé les mesures déjà en place par le gouvernement. Commission d’insertion des jeunes diplômés active depuis 2010, valorisation des filières technologiques, présalaires pour des élèves fonctionnaires… « Il n’est pas envisagé aujourd’hui de multiplier les filières professionnelles en l’absence d’études prospectives permettant de déterminer les secteurs porteurs d’emplois, études qu’il s’avèrerait, en outre, délicat de mener, ainsi surtout qu’en l’absence d’effectifs scolaires résidents suffisants pour alimenter ces nouvelles formations », a ainsi répondu le ministre à la commission des finances. Reconnaissant en revanche qu’il fallait développer les formations en alternance.

Sécurité
Lors des débats budgétaires, d’autres thèmes concernant les jeunes seront certainement évoqués par les candidats. D’autant que dans chaque liste, on s’inquiète de l’évolution des mœurs en principauté. « Jusqu’il y a peu, les autorités pratiquaient la politique de l’autruche, en soutenant qu’il y avait zéro problème d’addiction ou de racket, avance Pascale Olivié-Dastakian. C’était comme le nuage de Tchernobyl, les problèmes n’avaient pas franchi les frontières de Monaco… Il faut continuer à lever les tabous. Le pourcentage de jeunes touchés par la drogue, l’alcool ou le tabac est l’un des plus important d’Europe. » Pour Christian Barilaro, qui dénonce ces dérives, il faut agir : « Il faut mettre en place une politique de prévention — je suis contre la répression sans explication — pour accompagner ces jeunes. Il faut associer tous les acteurs liés à ce problème (pouvoirs publics, parents, établissements de nuit…) et réduire au maximum les excès. » Pour le détail des propositions, il faudra attendre l’annonce des programmes. Le 19 décembre pour Horizon Monaco et le 10 janvier pour Union monégasque…

Un intérêt grandissant pour la politique
«En soirée par exemple, on n’entend jamais parler de politique ou d’économie, à part pour faire bien », raconte Tamara, une jeune Monégasque d’une vingtaine d‘années. A Monaco, l’intérêt pour la politique monégasque se révèle tardivement la plupart du temps. Pourtant, selon Christian Barilaro, les choses commencent à changer : « Depuis que de nombreux jeunes monégasques partent étudier à l’étranger, certains prennent le goût de la chose publique et sont tentés d’apporter leur contribution au débat national. »
C’est ce que confirment Morgan, jeune sympathisant de Rassemblement & Enjeux ou encore Stéphanie, 29 ans, adhérente à Union des Monégasques. Selon eux, les jeunes de Monaco veulent de plus en plus s’exprimer et participer pour construire le futur. La crise peut d’ailleurs en sensibiliser certains, estiment-ils. Longtemps, on a pensé à Monaco que la politique n’était pas une bonne chose. Et pour ces deux sympathisants, la donne est en train de changer. La proximité qu’il peut y avoir entre les élus et la population y contribuerait, selon ces deux jeunes. A la différence de la France, il est beaucoup plus simple pour une personne de Monaco de rencontrer ses élus et leaders de partis.
Si la politique ne déchaine pas les foules, il existe chez les jeunes de Monaco un attachement tout particulier pour leur terre, mais aussi pour les valeurs et les icônes du pays. « Moi Monaco c’est mon pays, j’y suis profondément liée, clame Erika. Depuis que je suis petite, je vais à Sainte Dévote ou la fête de la Saint-Jean. » « Le rapport direct qu’il y a avec notre souverain fait que l’attachement qu’on lui porte s’en trouve renforcé », détaille un autre jeune. « Cet attachement aux valeurs de la principauté va perdurer, parce que c’est cela qui fait notre force », ajoute encore Erika.//R.C.

Etre jeune à Monaco

Composée de lycéens en fin de cycle, étudiants ou jeunes travailleurs, venant de tous horizons, la jeunesse monégasque est souvent cataloguée comme étant une jeunesse dorée. Comment les jeunes perçoivent cette étiquette ? Quelle est leur vision de Monaco ? Monaco Hebdo leur a donné la parole.

Par Romain Chardan.

Monaco, symbole des strass et paillettes… Le cliché est tenace et la jeunesse monégasque n’y échappe pas. Logique. Dans une ville-Etat de 2 km2 unique au monde en terme de concentration de richesses, il n’est pas rare de croiser des jeunes de 18 ans au volant de belles voitures dès leur permis en poche et d’autres cumuler une garde-robe qui ferait pâlir n’importe quelle fashionista. N’empêche. A Monaco comme ailleurs, chacun évolue en fonction de ses moyens et de son entourage familial et amical. Tous les milieux sociaux se côtoient, de la plus tendre enfance jusqu’au passage à l’âge adulte, que l’on soit monégasque, résident ou enfant du pays. « J’ai grandi avec cette jeunesse dorée. A l’école, j’étais avec des jeunes de familles très aisées », confie Tamara, 21 ans. Ces derniers « vivent dans une bulle particulière », souffle Erika, 25 ans. Mais la plupart, qui appartiennent à la jeunesse dite « normale », sans pour autant être confrontés aux galères que les 18-25 ans rencontrent de l’autre côté de la frontière, ont vécu un début de vie « ordinaire ». Avec tout de même la chance d’évoluer dans un système scolaire qui vise l’excellence (voir plus loin). Et la pression de ne pas se sentir à la hauteur, des mauvais résultats faisant immédiatement quitter la filière générale du Lycée Albert 1er pour le lycée technique… Cette jeunesse « ordinaire » se retrouve aussi dans les statistiques. Selon une enquête récente de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies menée chez les scolaires âgés de 15 à 16 ans, Monaco se place ainsi dans le quinté de tête des élèves fumeurs. La Principauté se classe aussi sur la troisième marche du podium en matière de consommation de cannabis.

Pression sociale
A un moment de la vie où l’on se forge son identité, les jeunes sont confrontés à une pression sociale forte. « Si l’on n’est pas préparé à certaines choses, il peut être difficile de vivre à Monaco », résume une jeune femme, sortie du système scolaire depuis 2 ans. Une phrase, qui en dit long sur les relations qu’il peut y avoir entre les teenagers. « On le voit surtout chez les plus jeunes aujourd’hui, mais l’apparence compte énormément », explique Erika. Vêtements griffés de grande marques, sacs de couturiers renommés, portables dernier cri, rien n’est laissé au hasard par les nouvelles générations dès le plus jeune âge. Un point fondamental pour se fondre dans la masse. « Pour s’intégrer aujourd’hui, il faut s’habiller d’une certaine manière, aimer les belles choses, se tenir et se comporter d’une certaine manière », développe Carine, 22 ans. Et de rajouter : « Le paraître et l’image qu’on laisse transparaître influent beaucoup sur le comportement de la jeunesse ».

Pays, ville, village
Pour les jeunes de Monaco, la Principauté est avant tout un village. « On ne fait pas 100 m à pied sans croiser quelqu’un qu’on connait », rigole Erika. Si le fait de vivre dans un petit pays dont on connait une grande partie de la population peut avoir un côté « rassurant », il y a aussi le revers de la médaille. Pour ceux qui ont toujours vécu en principauté, c’est simplement une question d’habitude, puisqu’ils ne « connaissent pas la vie en dehors de Monaco », raconte Tamara, qui a étudié deux ans en France, à Nice et Marseille. Mais dès lors que l’on a goûté à la vie dans un espace plus grand, la vision des choses évolue. « On a l’impression de ne rien pouvoir faire sans que tout se sache », confie Erika, avant de continuer, « si tu as un nouveau petit ami et que tu te balades main dans la main avec lui, ne serait-ce que 10 minutes, il y a une chance sur deux pour que tout le monde le sache dans les 3 jours ». Une pensée que partage Tamara, qui estime que « le problème ici, c’est que quoi qu’on fasse, ça se sait très vite ». Il faut également ajouter à cela les ragots et autres histoires qui peuvent rapidement prendre une grande ampleur pour pas grand chose. La force du téléphone arabe… « Par moments, il suffit d’une blague pour faire rire la galerie, mais l’histoire sera rapportée de telle manière que ça peut vite prendre des proportions incroyables », regrette Carine.
Avantages
Au-delà de ces paramètres parfois difficiles à vivre au quotidien, les jeunes Monégasques sont conscients de leurs privilèges. Avec une priorité nationale en matière d’emploi et de logement. « Ici, on vit un peu dans une bulle ». Un point sur lequel tous s’accordent : être Monégasque ou résident confère un certain nombre d’avantages que l’on ne retrouve pas ailleurs. Niveau sécurité tout d’abord. Avec un système de vidéosurveillance et une présence policière record de près de 600 policiers sur 2 km2, ils ne se sentent pas en danger. Bien au contraire. « Il m’est arrivé plusieurs fois d’oublier mes clefs sur mon scooter, et quand je revenais le soir, rien n’avait bougé. Cela n’aurait pas été pareil à Nice », s’amuse Erika. D’ailleurs, Tamara connaît même des filles de son âge qui, « lorsqu’elles vont faire les boutiques à Nice, ne prennent pas leurs bijoux ou autres objets de valeur de peur de se faire braquer »…

Nuit, alcool et drogues

Ce que veulent les jeunes avant tout, ce sont « des lieux de rencontre où ils peuvent passer du temps entre eux », selon le président de l’Association des jeunes Monégasques, Nathan Guazzonne. « Les jeunes de Monaco ne recherchent pas tous des établissements huppés pour sortir. Nous recherchons aussi des lieux qui soient accessibles », analyse-t-il. C’est pourquoi, en fin d’après-midi ou à l’heure de l’apéro, on retrouve les jeunes de Monaco dans les troquets de la rue Caroline. Mais ça ne suffit pas pour Arnaud Giusti, candidat Union monégasque, qui souhaiterait voir se développer des espaces ouverts dédiés aux jeunes ainsi qu’une politique culturelle axée davantage sur ce qui intéresse les 13-18 ans. « A Monaco, l’offre culturelle est orientée sur les 40-70 ans. Il faudrait proposer des concerts de rap par exemple. »
Pour les plus vieux, le Monaco by night offre des perspectives pour tous les goûts. Mais forcément, plus on a de moyens, plus il est facile de guincher. « Les gens aiment faire la fête », précise Erika, « sans pour autant être là pour étaler leur argent, tout du moins pour ceux que je connais ». Ils ne sont peut être pas là pour faire étalage de leurs moyens, mais cela ne les empêche pas de dépenser à gogo. « J’ai quand même participé à des soirées où ils en étaient presque à 1 000 euros d’alcool à table », se souvient la jeune femme. De fortes dépenses, pour lesquelles certains d’entre eux en viennent parfois à consommer à crédit, comme l’affirme Tamara : « J’en ai vu qui, étant encore à l’école et n’ayant plus assez sur eux, demandent au serveur s’ils peuvent le payer plus tard… ». Les mineurs ont désormais plus de mal à investir ces lieux nocturnes, comme nous l’évoquions dans nos colonnes il y a quelques mois (MH n° 777). En revanche, au vu des dernières statistiques inquiétantes côté drogues, on ne peut que constater que la puissance financière dont bénéficient ces jeunes gens leur facilite la tâche dès lors qu’il s’agit de s’en procurer. Pour cela, nul besoin d’aller bien loin. Pour ceux qui ne consomment pas à Monaco, « ils peuvent aller sur Beausoleil, c’est à côté. Mais dès qu’ils franchissent la frontière, ils ont quand même un peu peur », confie une ado. Alcool et drogue ne faisant pas bon ménage, il n’est pas impossible d’assister à quelques rixes de fin de soirée, comme l’évoque Carine. « Ce n’est pas parce qu’on est à Monaco qu’il n’y a jamais de bagarre, parfois, l’alcool aidant, des disputes peuvent éclater au sein même d’un groupe d’amis ». Comme le montrent de manière récurrente, les audiences du tribunal correctionnel de la Principauté…//R.C.

La jeunesse de Monaco en chiffres
• Le dernier recensement de 2008 a comptabilisé 2 646 jeunes âgés de 15 à 24 ans et 7 286 âgés de 25 à 44 ans.
• 1 169 lycéens inscrits dans le public et 221 inscrits dans le privé ont effectué la dernière rentrée scolaire 2012.

Partir pour mieux revenir ?

De plus en plus de jeunes Monégasques partent à l’étranger pour étudier et trouver un travail. Une chance pour les candidats Union monégasque et Horizon Monaco.

Par Milena Radoman et Romain Chardan.

«Jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrez-vous ! » Parue en septembre dernier dans le journal Libération, cette tribune signée par des idoles des jeunes, le rappeur Mokless (Scred Connexion) et le journaliste du Grand journal Mouloud Achour, avait fait grand bruit. Cet appel à l’évasion vers des cieux plus propices était très clair. Il dénonçait « une gérontocratie, ultracentralisée et sclérosée, qui chaque jour s’affaisse un peu plus ». « Une société où une élite de quelques milliers de personnes, dont la moyenne d’âge oscille autour de 60 ans, décide d’à peu près tout », dans laquelle « on renâcle encore à confier des responsabilités d’encadrement à qui que ce soit de moins de 40 ans, voire de 50 ans. »

« Se battre plutôt que se barrer »
Monaco n’est pas la France et les listes en lice pour les élections nationales refusent tout amalgame. « Plutôt que de dénoncer une gérontocratie sclérosée et ultra centralisée en les encourageant à « se barrer », je propose aux jeunes de les motiver en leur disant de se battre pour changer un système s’il pense que ce système ne leur convient pas. Je préfère l’action à la fuite », lance ainsi Christian Barilaro, candidat Horizon Monaco, pour qui, de toute façon, le système n’oublie pas ses jeunes. De nombreux postes à responsabilité à Monaco sont occupés par des quadras. A la SBM, au gouvernement, dans la plupart des instances institutionnelles (Strasbourg, l’ONU…) ou encore à la CDE. Avant d’ajouter que « Monaco est peut- être une exception, mais les jeunes qui s’en vont ne se barrent pas. Il font juste un choix et non pas une fuite. »
Aujourd’hui, en effet, un grand nombre de jeunes partent à l’étranger pour étudier. « Nous avons la chance d’avoir d’excellentes filières européennes et internationales qui rendent nos élèves bilingues, souligne Pascale Olivié-Dastakian, au nom de Union monégasque. Sans compter que dans ce pays cosmopolite, de nombreux jeunes issus de couples multinationaux parlent plusieurs langues. Ces étudiants intègrent désormais l’ESSEC, Polytechnique, Sciences-Po ou encore HEC. »

Enrichissement
Partir est bien évidemment enrichissant pour ces jeunes, qui se frottent à d’autres cultures et glanent des expériences inédites. David, Erika, Tamara ou Morgan sont tous passés par là. « C’est vraiment bénéfique de voir ce qui se passe ailleurs, cela permet d’avoir un regard neuf sur notre vie ici, et une nouvelle manière d’appréhender les choses ». Volonté personnelle ou obligation, toujours est-il que le passage chez le voisin français est souvent inéluctable dès lors que la formation souhaitée n’est pas disponible en principauté. Mais de plus en plus, les étudiants partent au Royaume-Uni ou aux Etats-unis, décrochant, pour certains, le sésame de Columbia ou Harvard. Si les Monégasques peuvent partir, et retrouver leurs droits à leur retour, il n’en est, en revanche, pas de même pour les enfants du pays. « Le gros problème de Monaco, c’est que, quand on est résident, si on part plus de 6 mois, on perd tous nos droits, y compris l’accès au système locatif », explique Erika. De quoi en dissuader plus d’un. Enfin le problème demeure souvent le retour au pays pour ces jeunes diplômés. « Trouver un emploi conforme à leur spécialisation et un logement reste problématique pour ces jeunes », soupire Philippe Orecchia. D’autant que selon le candidat Union monégasque, dans le privé, chez les employeurs, les craintes d’embaucher des Monégasques persistent. « Que ce soit par peur de ne pas pouvoir les licencier un jour ou des coups de fils qu’ils pourraient recevoir dans cette hypothèse. »