samedi 20 avril 2024
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Extension en mer :
les coulisses du choix

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Alors que Monaco rentre en négociation exclusive avec Bouygues TP pour ficeler le projet d’extension en mer, le conseiller Marie-Pierre Gramaglia nous révèle les arguments qui ont pesé dans la balance pour choisir le leader français du BTP.

A deux pas de Monaco, à vol d’oiseau, les dirigeants de Bouygues se frottaient encore les mains, la semaine dernière, d’avoir été choisis pour réaliser le projet de l’Anse du Portier. « Nous sommes extrêmement heureux de ce choix (annoncé par le palais princier le 14 janvier, N.D.L.R.). La construction choisie par Monaco est très compliquée à réaliser, très technique mais aussi respectueuse de l’environnement. C’est une extension très importante pour la ville. Tout le savoir faire de Bouygues a été mis dans ce projet », nous confiait François Bertière, président directeur général de Bouygues Immobilier, lors de l’inauguration de l’éco-quartier Cap Azur, le 6 février dernier. Et l’on comprend d’autant mieux le satisfecit de ce cadre : au lendemain de l’annonce du choix de Bouygues pour l’étude et la réalisation sur la mer des six hectares du Larvotto, le groupe de BTP affichait la plus forte hausse du Cac 40 à la Bourse de Paris (+5 %). Démontrant par la même occasion que la persévérance paye : la décision du prince Albert faisait suite à l’annulation du premier projet d’extension du territoire au Larvotto en pleine crise financière, fin 2008 : « Il y avait eu un premier concours, où le projet Bouygues avait été refusé pour des raisons écologiques », rappelait également François Bertière.

Cinq étapes
En février démarrent donc les négociations avec le géant du BTP français. Avant de retrouver le silence propre aux négociations, Marie-Pierre Gramaglia a accepté de dévoiler à Monaco Hebdo les coulisses de la première phase de la consultation pour le Portier.
Flashback. Suite à un avis d’appel à candidature européen, lancé le 3 mai 2013, 4 candidats avaient répondu présent. Fincantieri Offshore spa, Vinci Concessions, le groupement Bouygues TP/Le Portier SCA et Terraforma/Gildo Pastor. « Les services techniques de l’Etat ont procédé à l’analyse de ces dossiers de candidatures, conformément à la procédure fixée dans le règlement de consultation qui comportait cinq étapes », indique le conseiller de gouvernement pour l’équipement. Dans un premier temps, « deux dossiers (Terraforma et Fincantieri Offshore) ont été éliminés car incomplets, nonobstant les demandes de compléments qui ont été émises », précise-t-elle. Une vérification de capacités a ensuite été opérée pour les grouppements restants. Bouygues TP/Le Portier Holding SCA et Vinci Concessions ont alors été « mis en compétition ». « Un classement, provisoire, des candidats a été effectué* » avant qu’ils ne soient soumis à une audition. « Cette audition a permis aux deux candidats de présenter de vive voix leur groupement : composition, organisation, compétences et références, garanties produites… Mais aussi d’apporter les précisions qu’ils ont souhaité fournir sur les points de leur dossier que la Principauté avait évoqués dans la convocation », ajoute Marie-Pierre Gramaglia. A l’issue de ces auditions et d’un réexamen des dossiers de candidature, il a été procédé à un nouveau classement. Juste avant que la Commission de pilotage ne soumette à l’examen d’Albert II ses conclusions. En substance, cette commission a jugé la qualité des groupements constitués pour répondre à la consultation lancée par la Principauté et ainsi « manifester leur capacité et leur volonté de relever le challenge de la réalisation de ce projet d’envergure ». Estimant au passage que la présence, dans la dernière ligne droite, « des deux groupes français leader mondiaux dans le domaine du bâtiment et des travaux publics est une marque de confiance appréciable dans l’avenir de la Principauté ». Si ces deux candidats avaient, pour la commission, « tous deux, les compétences et capacités techniques pour entreprendre l’étude du projet et la réalisation de l’infrastructure maritime et de ses aménagements de viabilisation pour créer la surface exondée (sortie hors des eaux, N.D.L.R.) utile au projet sur laquelle viendront s’édifier les superstructures », c’est une question de méthode qui semble avoir pesé dans la balance. Selon Marie-Pierre Gramaglia, « la commission a relevé des différences dans la méthodologie proposée pour aboutir à la définition globale du projet et notamment dans le niveau de définition de ses superstructures à l’issue de la période de négociation. » Elle a également pointé « des différences de propositions d’approches pour réunir l’importante capacité de financement utile à la réalisation du projet ainsi que dans les garanties produites pour la participation des entreprises monégasques ». Il va sans dire que la sélection s’est jouée aussi sur « le haut niveau d’implication des entreprises monégasques dans le projet et les garanties produites par les groupements pour leur participation dans la réalisation de ce nouveau quartier sur la mer ». Un argument de choc. Lors d’une interview à Monaco-Matin, le chef d’Etat monégasque a en effet souligné à quel point « l’implication des entreprises locales dans le projet d’extension en mer a été un élément déterminant » dans le choix de Bouygues TP**.

12 à 18 mois de négociations
Commence aujourd’hui une nouvelle phase pour l’Anse du Portier. La négociation avec l’Etat, démarrant en février, pourrait durer de 12 mois à 18 mois. « Au titre de cette phase, deux cas de figure pourront se présenter », détaille le conseiller pour l’équipement. Soit les négociations aboutissent à un accord et donc à la signature du contrat. Soit elles achoppent et dans ce cas, « le deuxième au classement (soit Vinci Concessions) sera invité à entrer en négociation avec l’Etat pour une durée de 12 mois. » Mais aujourd’hui, il est temps pour le groupement choisi de retourner à ses chères études. « Une masse considérable d’études reste à effectuer car l’objectif est de définir et mettre au point consensuellement le projet à contractualiser à l’issue de cette phase », prévient Marie-Pierre Gramaglia. Ce n’est qu’à partir d’aujourd’hui que devrait se dessiner le projet sur le plan technique, environnemental, urbanistique, paysager, architectural, économique, financier et juridique. « La procédure de sélection qui vient de s’achever par le classement des candidatures était uniquement fondée sur les aspects liés à la composition des groupements, aux compétences rassemblées et aux garanties offertes. Aucune proposition de projet ne devait être produite à ce stade. Seules les grandes lignes du projet étaient explicitées dans le règlement de consultation », rappelle le conseiller. Ce qui avait d’ailleurs étonné, en son temps, le conseil national.

* 3 listes A, B et C ont été établies successivement pour classer les candidats durant les 5 étapes de la consultation.
** Le groupement de Bouygues TP réunit de nombreux promoteurs-constructeurs monégasques.

La fin des travaux entre 2020 et 2030

Monaco Hebdo : Quand peut-on espérer une présentation des maquettes ?
Marie-Pierre Gramaglia : Si la négociation exclusive aboutit et que le projet est effectivement contractualisé dans un délai maximum de 12 à 18 mois à compter de son initiation courant février 2014, des maquettes et photomontages du projet pourront être produits à cet horizon.

M.H. : Pouvez-vous rappeler les prochaines étapes du calendrier ? La date du premier coup de pioche ? La fin des travaux ?
M.-P.G. : La prochaine étape est donc constituée par la phase de négociation exclusive qui va pouvoir s’étendre jusqu’au courant février 2015 voire courant août 2015. Par la suite, si cette négociation aboutit, il conviendra d’entreprendre les études détaillées du projet. Le début des travaux préliminaires pourrait ainsi intervenir fin 2016. La durée des travaux et aménagements jusqu’à l’achèvement complet de ses superstructures est estimé à environ 10 années. L’horizon de fin de projet se situe donc au milieu de la décennie 2020-2030.

M.H. : Quelle est l’estimation de ces travaux ?
M.-P.G. : Le projet reste à définir dans le cadre de la procédure de négociation exclusive qui va bientôt débuter. L’estimation du coût des travaux n’est donc pas établie à ce jour. Seul un ordre de grandeur, de 1 milliard d’euros, a été évoqué, à titre indicatif et de référence, dans la consultation, pour l’ensemble des infrastructures, hors superstructures (immeubles et bâtiments).