mardi 23 avril 2024
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Théorie du genre 
« Eviter l’intox »

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En marge d’une conférence tenue à l’EDHEC de Nice, le généticien Axel Kahn évoque pour Monaco Hebdo les épineuses questions de l’IVG et la théorie du genre, avec son traditionnel franc-parler.

Propos recueillis par Romain Massa.

Monaco Hebdo : Le débat autour de ce qu’on appelle « la théorie du genre » est entouré de fantasmes. Il est difficile d’y démêler le vrai du faux. Pouvez-vous expliquer ce terme ?
Axel Kahn : Ce n’est pas vraiment une théorie. L’interrogation sur la composante sociale et culturelle de la féminité vient notamment du roman de Simone de Beauvoir : Le deuxième sexe. Elle y écrivait : « On ne naît pas femme, on le devient ». Aux Etats-Unis, dans les années 80, des études féministes vont être appelées des « études de genre ». L’un de leurs objectifs était de débusquer ce qui est à l’origine de la domination ancestrale des femmes par les hommes. Il est évident que nous naissons tous hommes ou femmes mais derrière cela, il existe toute une série de stéréotypes construits par la culture, les traditions et l’éducation.

M.H. : Et l’école doit les combattre ?
A.K. : Pas exactement. L’école permettrait de différencier ce qui vient du stéréotype ou de la biologie de l’individu. Et de rejeter les stéréotypes qui ont une responsabilité dans l’infériorisation de la femme. Par exemple, la galanterie est un stéréotype. Je suis un homme galant mais aussi conscient que ce n’est inscrit dans notre masculinité. L’idée selon laquelle les femmes sont naturellement plus douces ou faites pour servir et donc inaptes à des postes à hautes responsabilités en est un autre. L’école permettra de les identifier et posera cette question : est-ce que vous êtes d’accord de baser la supériorité des hommes sur les femmes par des stéréotypes et non sur une dimension objective ? Ces interrogations ont toute leur place à l’école dont un des rôles est d’apprendre la valeur de l’être, qu’il soit masculin ou féminin.

M.H. : Vous comprenez les parents qui ont retiré les enfants de leur école à l’issue d’une rumeur un peu folle ?
A.K. : Les parents ont été victimes d’une campagne mensongère. On leur racontait que leurs garçons allaient apprendre à se masturber en classe ou être déguisés en filles. Je comprends la crainte de ces adultes… J’aurais été paniqué également ! La société doit se préoccuper de ces sujets-là tout en évitant l’intox et la provocation. C’était notre rôle au Comité consultatif national d’éthique : débroussailler des problématiques très complexes, donner les références, les tenants et les aboutissants pour que la société puisse en débattre. Mais quand ils sont empoisonnés par des mensonges, il n’y a plus de débat.

M.H. : Autre sujet d’actualité : l’abandon de la notion de « situation de détresse » pour les femmes désireuses d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), vous inquiète t-il ?
A.K. : Quand j’étais jeune médecin alors interne dans un service de réanimation, je m’occupais de femmes victimes d’insuffisance rénale. Nombre d’entres elle avaient eu recours à l’avortement clandestin. J’en ai vu une demi-douzaine mourir entre mes mains. La dépénalisation de l’IVG signifiait pour moi une assistance à femmes en danger et je ne souhaite évidemment aucun retour en arrière. En revanche, j’ai toujours eu la crainte que l’IVG devienne un moyen de contraception et je comprends très bien les catholiques pour qui l’avortement n’est jamais un acte anodin.