samedi 20 avril 2024
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Campagnes électorales : des budgets sous contrôle

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Meeting de l'UPM
© Photo UPM

Le 21 juin, le conseil national a adopté à l’unanimité le projet de loi sur le financement des campagnes électorales. Seule réserve émise par les élus : le fait qu’aucune disposition n’ait été prise pour encadrer le temps de parole des candidats, l’accès aux médias ainsi que le statut des partis politiques.

Fini la course au sponsoring, les dépenses somptuaires engagées par les candidats ou l’absence de contrôle dans les comptes de campagne… Ces dérives observées lors des élections nationales de 2003 et 2008, devraient désormais faire parti du passé. Monaco dispose désormais d’un texte clair encadrant le financement des campagnes électorales, nationales et communales. Un projet de loi en ce sens a en effet été adopté à l’unanimité au conseil national le 21 juin en séance publique. Un bon moyen de mettre fin à la surenchère budgétaire et à une franche tendance à la politique-spectacle que le Greco (1) avait d’ailleurs épinglé sans ménagement, dans un récent rapport. Ce groupement avait en effet pointé du doigt « des campagnes électorales à l’américaine », des « budgets exorbitants » pouvant aller jusqu’à 800?000 euros, ainsi « qu’une forte pression financière pesant sur les responsables des listes et les candidats. »

Menaces
A 8 mois des prochaines élections nationales, cette nouvelle loi bouleverse donc l’organisation politique et financière de la campagne, dont le coup d’envoi sera donné après l’été. « Aucune liste ne sera tentée de tomber dans le trop de communication qui coûte cher et sert peu. Pas une enveloppe, pas une brochure ne va pouvoir échapper à un comptage minutieux », a notamment souligné l’élue UP Anne Poyard-Vatrican. Alors que pour le ministre d’Etat, Michel Roger, c’est « une nouvelle règle du jeu dans le processus électoral et pré-électoral » qui va s’instaurer. Un texte qui, selon les élus, met également fin à plusieurs menaces qui planaient jusqu’alors sur la vie politique. Entres autres?: que des décisions publiques de la majorité au pouvoir puissent être influencées par les intérêts privés de sponsors, et que seuls les Monégasques disposant de moyens financiers importants puissent s’engager en politique. Bref, une sorte de « dérive censitaire » du système électoral dépeinte par le rapporteur UDM du texte Alexandre Bordero.

Contrôles
C’est sur la base de réflexions menées par un universitaire français, le professeur Cotteret, que le gouvernement et le conseil national ont donc mis sur pied un cadre légal. Premières dispositions phares du texte?: un plafonnement des dépenses a été fixé par arrêté ministériel à 400?000 euros. Le remboursement des frais de campagne par l’Etat a de son côté été fixé à 80?000 euros. « Un effort satisfaisant, selon l’élu de la majorité Pierre Lorenzi. N’oublions pas que jusqu’à ce jour, la situation était bien différente?: pas de plafond de dépenses, et un remboursement à hauteur de 27?500 euros?! Alors, lorsque l’Etat accepte de quasiment tripler ce montant, en le portant à 80?000 euros, sous certaines conditions, je crois que nous pouvons nous en satisfaire. » Autre mesure phare?: la loi prévoit désormais des sanctions administratives et pénales — voire une peine complémentaire d’inéligibilité — en cas d’irrégularité dans les comptes. Des comptes qui seront désormais étudiés au peigne fin. Le texte prévoit en effet que tout candidat devra désigner un mandataire financier. Son rôle?: tenir un compte de campagne retraçant de manière détaillée et journalière l’ensemble des dépenses. Et c’est une commission autonome de vérification des comptes de campagne qui sera chargée de constater toute fraude ou irrégularité.

Temps de parole
Si le texte a créé un consensus général, plusieurs élus ont toutefois émis une réserve. En cause?: le fait qu’aucune disposition n’ait pour l’heure été prévue pour encadrer le temps de parole, l’accès aux médias des candidats, ainsi que sur le statut des partis politiques. « C’est un projet de loi un peu incomplet, a lancé l’ex-présidente de l’UP Anne Poyard-Vatrican. Nous regrettons que ce point reste en suspens. D’autant que cela donne un avantage important à l’UDM », rajoute cette élue qui estime que, du fait de sa présence au conseil national, la majorité aurait un accès facilité et plus important aux médias. « Faux », rétorque dans la foulée le président du conseil national Jean-François Robillon. « Je ne peux pas laisser dire que l’UDM aurait une priorité en tant que parti majoritaire. Il y a deux choses distinctes, la communication institutionnelle d’une part qui fait part des travaux de l’assemblée parlementaire, et la communication partisane d’autre part », a-t-il indiqué. Ce à quoi l’élue UP a de nouveau rétorqué?: « C’est votre point de vue, je ne le partage pas. »

Parité
Un Jean-François Robillon qui a terminé de façon assez inattendue son intervention par un discours sur la parité. « Ce texte ne mettra pas fin à une autre injustice que nous vivons pourtant depuis plusieurs années, celui de l’insuffisance de la représentation des femmes en politique, a-t-il indiqué, tout en rappelant que l’hémicycle compte aujourd’hui 4 femmes contre 6 au lendemain des élections nationales de 2008. Sans parler de parité, et peut être serons nous un jour contraints d’y arriver, je pense qu’il faut saisir à bras le corps ce problème. » Un élan oratoire que s’est empressé de commenter l’élue Brigitte Boccone Pages?: « Je trouve ce discours sur les femmes totalement inapproprié et hors de propos par rapport au projet de loi de ce soir. Mais pour ce que vous en avez dit, je vous en remercie. Il est vrai qu’il n’est pas facile de mener une vie politique et une vie familiale. »

(1) Groupe d’Etats contre la corruption, auquel Monaco a adhéré en 2007.

Discorde sur les dépenses d’équipement

Le vote du projet de loi autorisant un prélèvement sur le fonds de réserve, destiné à découvrir le déficit budgétaire, a donné lieu à une passe d’armes sur les baisses des dépenses d’équipement.

Autre projet de loi adopté à l’unanimité?: celui autorisant un prélèvement sur le fonds de réserve constitutionnel. Une somme de 61 millions d’euros sera donc ponctionnée dans le bas de laine de l’Etat. Objectif?: couvrir l’excédent des dépenses sur les recettes du budget 2009. « Ce budget est celui d’un exercice qui a connu une crise sans précédent, que beaucoup d’économistes ont comparé à celle de 1929 », a d’ailleurs rappelé le ministre d’Etat Michel Roger. Durant les débats, l’élu sans étiquette Christophe Spiliotis-Saquet a de nouveau mis sur le tapis les coupes effectuées dans les dépenses d’équipement?: « Il ne faut pas se leurrer. Les déficits ont été contenus uniquement en coupant les branches les plus faciles?: celles des dépenses d’équipements. Et ce sont nos entrepreneurs, les commerçants, et l’économie qui en pâtissent », a-t-il indiqué. Réponse de Marco Piccinini?: « Chiffres à la main, on a pu démontrer que les montants qui sont consacrés aux équipements sont en ligne avec ceux des dernières années. », a indiqué le conseiller aux finances. Le ministre d’Etat a quant à lui ajouté que « si l’on compare les crédits vraiment dépensés en 2007, 2008, et 2?009 et ceux qui sont votés aujourd’hui, il n’y pas de diminution des crédits d’équipements et d’investissement dans le pays, contrairement à ce que l’on dit souvent ».

Béton en baisse
Pas si simple pour Philippe Ortelli, président de la fédération patronale, qui conteste ces données. « Les faits sont têtus. On note 40 % de m3 de béton consommés en moins depuis deux ans. Cela suit une baisse de 10 années, où la quantité de béton produit a été divisée par deux. C’est un élément mesurable et quantifiable ». Pour Philippe Ortelli, « il est indispensable pour l’avenir du pays de revenir vraiment à des dépenses d’équipement représentant 30 % des dépenses budgétaires totales. C’est le gage de la prospérité future du pays. » Un dossier entre les mains du conseiller pour l’Equipement Marie-Pierre Gramaglia.