vendredi 29 mars 2024
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Le pétrole revient
jouer les trouble-fêtes

Publié le

Carte Libye-Egypte
« Les marchés vont croiser les doigts pour que l'agitation ne gagne pas l'Arabie saoudite (20% des réserves totales), l'Iran (10%), l'Iraq (9%), le Koweit (8%) ou les Emirats arabes unis (7%) ».© Photo D.R.

L’accélération de la flambée des cours du pétrole sur fond de crise au Moyen-Orient fragilise les marchés d’actions… exception faite des valeurs énergétiques.

De 75 dollars début septembre, le baril de brent s’affichait à plus de 110 dollars fin février. Si l’accélération de la croissance dès la fin 2010 et l’inertie de l’Opep ont alimenté cette tendance, la crise au Moyen-Orient, notamment en Lybie, est venue l’amplifier. « En termes réels, le pétrole est proche d’un record absolu, note l’équipe Global Multi Asset Group de J.P. Morgan Asset Management. Selon les données historiques de la Revue statistique sur l’énergie dans le monde de British Petroleum, à 110 dollars le baril, le Brent afficherait son prix corrigé de l’inflation le plus élevé depuis 1864. En valeur réelle, le prix du brut excéderait les pics de 2008, lorsque le prix au comptant s’était hissé à 150 dollars le baril, et de 1980 après la chute du Shah d’Iran. Cette comparaison suppose que le pétrole reste au niveau actuel, ce que les saoudiens affirment vouloir empêcher en augmentant la production. »

Nouvelles turbulences

Cette flambée des prix du pétrole en phase de fragile reprise économique dans les pays industrialisés et la montée du risque géopolitique dans les pays producteurs ont provoqué de nouvelles turbulences sur les marchés financiers. Car la question en suspens est de savoir qu’elles seront les conséquences de cette flambée sur la reprise économique et les actifs dits « risqués » comme les actions.

L’impact de la hausse du prix du pétrole sur le PIB réel mondial est, de l’avis de tous, incertain et fonction de sa durabilité. En règle générale, il est dit qu’une hausse durable de 10 dollars le baril ampute la croissance mondiale d’environ 0,5 %. « Pour que la situation actuelle reste gérable au regard de son impact économique potentiel, les marchés vont croiser les doigts pour que l’agitation ne gagne pas l’Arabie Saoudite (20 % des réserves totales), l’Iran (10 %), l’Iraq (9 %), le Koweït (8 %) ou les Emirats Arabes Unis (7 %) », souligne-t-on chez JP Morgan AM. « Le risque de contagion à d’autres régimes de la région a considérablement amoindri la visibilité des investisseurs sur cette zone ainsi que sur l’évolution des prix du pétrole, ajoute David Kalfon, responsable de la gestion chez EFG AM France. Contrairement à l’Egypte, qui intervient principalement en tant qu’approvisionneur du marché, la Lybie est, en effet, un important producteur, ce qui explique l’impact très fort de cette crise sur les cours du pétrole. » Ce stratège estime par ailleurs que le royaume saoudien ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre pour ouvrir les vannes de l’Opep, d’autant plus que d’autres pays producteurs,– l’Algérie et des « petits » royaumes du Golfe (le Bahreïn, notamment), sont également touchés par des révoltes.

Prudence sur les marchés d’actions

Dans un tel contexte, les stratèges conseillent la prudence à court terme sur les marchés d’actions, d’autant que d’autres facteurs de risque pointent?: flambée des prix des matières premières alimentaires, ralentissement économiques dans les pays émergents, réactions des banques centrales à la reprise économique et négociations pour une gouvernance économique au sein de l’Union européenne. Pour autant, la flambée des prix du pétrole n’est pas néfaste à l’ensemble des marchés d’actions et conforte, selon les spécialistes, l’intérêt des valeurs du secteur de l’énergie. « Alors que nombre d’observateurs voient dans les événements politiques la principale explication de l’envolée récente des cours du pétrole, nous pensons que cette appréciation s’explique également par des facteurs plus fondamentaux, souligne Robin Batchelor, gérant du fonds BGF World Energy de BlackRock. Avec une économie mondiale solide en 2010, le marché du pétrole commence à montrer des signes de tension, poursuit-il. L’offre peine à progresser à un rythme suffisamment rapide pour compenser la baisse relativement sévère des taux de production et satisfaire une croissance soutenue de la demande dans de nombreuses parties du monde. »

La demande mondiale de pétrole a d’ailleurs enregistré un nouveau record au troisième trimestre 2010 avec un taux de croissance annuel parmi les plus élevés de ces trois dernières décennies. Et la demande pétrolière hors OCDE pourrait, tirée par la Chine, surpasser dès 2013 celle de l’OCDE. « Nous sommes convaincus que nous amorçons un cycle haussier de l’énergie. Pourtant, les valorisations des sociétés du secteur restent raisonnables. Il semble donc que le marché n’intègre pas encore pleinement le potentiel bénéficiaire de ce secteur », conclut Robin Batchelor.

Nomura optimiste sur l’avenir de la zone Euro
Dans une étude intitulée « L’Europe fonctionnera », la banque d’investissement internationale Nomura livre un point de vue optimiste sur l’avenir de la zone Euro. « Il est de plus en plus probable que les politiques qui seront annoncées par les décideurs européens lors du Sommet de l’UE du 24 mars 2011 contribuent à résoudre une grande partie des failles que connait l’union monétaire de la zone euro depuis ses débuts, estiment les auteurs de l’étude. L’Europe sera alors plus apte à maitriser les problèmes qu’elle subit depuis plusieurs années et plus à même de supporter de nouveaux chocs éventuels. »
Nomura insiste sur l’importance d’une volonté politique forte pour prendre les décisions nécessaires à la survie et à l’évolution de la zone euro vers une union monétaire solide. « Force est de constater que cette volonté politique existe et risque de perdurer, soulignent-ils. Il est difficile d’imaginer que le Chancelier allemand et le Président français ne s’efforceraient pas, par tous les moyens, à préserver la zone euro. » Nomura examine de façon globale le projet européen ainsi que ses perspectives de marché, en prenant en compte les intérêts des investisseurs. « La crise actuelle pourrait ne pas être la dernière. L’Europe étant un rassemblement de nations distinctes et individualistes, une crise est souvent nécessaire pour engendrer des réformes fondamentales. L’Europe continuera néanmoins à se construire progressivement et à démontrer sa viabilité, à condition que sa dimension politique soit préservée », concluent-ils