jeudi 18 avril 2024
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Immobilier : comment le marché a changé

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En 2013, le secteur libre a poursuivi son embellie sur les marchés du neuf et de l’ancien. Selon une étude publiée en février par l’Institut monégasque des statistiques et des études économiques, en huit ans, le marché s’est transformé et les prix ont flambé.

Spacieux et très haut de gamme. C’est le profil type de l’appartement actuellement plébiscité en principauté sur le marché du neuf dans le secteur libre. L’an dernier, 15 ventes (première cession dans les cinq ans suivant l’achèvement du bien) ont été conclues dont 9 ont concerné des biens de cinq pièces et plus, selon les données publiées en février par l’IMSEE. Soit autant que sur l’ensemble des sept années précédentes (2006-2012). 2009 et 2010, années noires de l’immobilier monégasque où seulement trois appartements avaient été vendus, semblent loin. Mais le marché du neuf doit en grande partie (60 % plus exactement) son embellie à cette catégorie de biens d’exception. Car en dehors du grand luxe, seuls 4 trois pièces et 2 deux pièces ont été vendus. Il lui doit aussi ce montant de ventes record, plus de 140 millions d’euros, qui a battu celui de 2012. « Les “records” successifs du marché du neuf s’expliquent par la construction d’appartements de plus en plus grands et d’un standing toujours plus élevé […] Ce montant 2013 représente en valeur 93 % des transactions effectuées dans le “neuf”, de 2006 à 2012 », précise l’IMSEE. En remontant dans le temps, il s’agit même du montant le plus gros enregistré sur les vingt dernières années.

Renversement
Dans notre dossier consacré à l’immobilier en novembre 2011, nombre de directeurs d’agences et le président de la Chambre immobilière de Monaco, Michel Dotta, avaient pointé du doigt le défaut de la principauté : pas assez de biens d’exception, vastes et luxueux, en vente. Comment ne pas se souvenir aussi de la raillerie de Marco Piccinini à la même période. L’ancien conseiller de gouvernement aux Finances s’était fendu d’une sortie peu amène sur l’immobilier de luxe en principauté lors d’une séance budgétaire au conseil national. Il suggérait alors que les grosses fortunes ne se déplaçaient pas « pour un trois pièces et une kitchenette. »
Depuis, le marché du neuf a opéré le tournant qui s’imposait. L’Oiseau Bleu ou encore le Monte-Carlo View sont sortis de terre, comportant des prestations très élevées destinées à satisfaire la demande des ultra-riches, notamment la clientèle de la nouvelle Europe (Russie et ex-URSS) prompte à investir à prix d’or. « Depuis quelques années, on assiste à une hausse du niveau qualitatif des appartements neufs commercialisés », écrit l’IMSEE, qui observe du coup un renversement du marché : « Dans les années d’avant la crise, de 2006 à 2008, le marché était dominé par des transactions portant sur des biens de « petite taille », majoritairement des studios et des 2 pièces. En 2013, 60 % des ventes concernent des appartements de 5 pièces et +.»
Dans ce contexte, l’IMSEE constate forcément une flambée des prix dans le neuf. « Le prix moyen d’une transaction dans le “neuf” est passé de 2,9 millions d’euros en 2011 à 7,9 millions d’euros en 2012 puis 9,3 millions d’euros en 2013. Ce phénomène s’explique par la typologie des biens vendus. En effet, les appartements commercialisés sont plus vastes. La courbe du prix médian a toujours suivi celle du prix moyen, sauf cette année. En effet, en 2013 la moyenne est fortement impactée par une transaction portant sur un bien d’exception (un triplex de 9 pièces) », détaille l’Observatoire. 50 % des ventes portent sur des biens dont la valeur dépasse 6 millions d’euros. Soit 500 000 euros de moins que l’an dernier.

L’ancien se revend cher
Sur le marché de l’ancien, 404 reventes (deuxième cession ou première après un délai supérieur à cinq ans suivant l’achèvement du bien) ont été enregistrées. Entre 2012 et 2013, le nombre de transactions a augmenté de 17,1 %. « Depuis 2010, le nombre de transactions immobilières est fortement orienté à la hausse (+17,1 % en 2013 après +29,2 % en 2012) sans toutefois retrouver son niveau d’avant la crise », relève l’IMSEE. La situation profite surtout aux appartements dont la taille est inférieure ou égale à trois pièces. « Il représente 81 % du nombre de transactions contre 73 % en 2012. »
Montant global des transactions de l’ancien : plus d’1,2 milliard d’euros. Là encore, un nouveau record. Le précédent datait de 2008 sur la période étudiée. « Après la forte progression du montant des reventes jusqu’en 2008, le marché a considérablement chuté en 2009. La reprise amorcée en 2010 se poursuit », note l’IMSEE. « Plus de 45 % du chiffre d’affaires sont réalisés sur des appartements d’au moins 4 pièces », indique-t-elle. Par rapport à 2006, le montant total des reventes a augmenté de 103 % alors même que le nombre de transactions est inférieur. Côté prix, le tarif moyen d’une transaction dans l’ancien s’élève à plus de 3 millions d’euros. En huit ans, il a augmenté de 121 %. Le prix médian, lui, a baissé en 2013. « 50 % des reventes portent sur des biens dont le prix est inférieur à 1,9 million d’euros », détaille le rapport, qui constate cependant une progression de 105 % du prix médian en huit ans.

Le prix du m2 à la hausse dans l’ancien
Dans son Observatoire, l’IMSEE a évalué à 31 750 euros le prix moyen au m2 d’un appartement revendu. « Il repart à la hausse après la légère baisse de 2012. Le prix moyen du m2 dans l’ancien a plus que doublé depuis 2006 (+115 %) », calcule l’institut. Cependant, le m2 est moins coûteux qu’en 2012 pour les studios (27 073 euros) et les deux pièces (28 744 euros). C’est l’inverse pour les autres biens. L’IMSEE estime à 28 984 euros le m2 dans les trois pièces, 33 373 euros le m2 dans les quatre pièces et 41 085 euros le m2 dans les cinq pièces et plus. « La hausse des prix depuis 2006 se situe entre +79 % pour un studio et +165 % pour un 5 pièces et + », mentionne l’Observatoire.

Les reventes selon les quartiers

Dans son étude immobilière portant de 2006 à 2013, l’IMSEE a innové en incluant un chapitre dédié aux quartiers. Se basant sur les reventes, le service a estimé que « les logements représentent plus de 61 % des surfaces construites en principauté. » Presque un appartement ancien du secteur libre sur deux se trouve dans les quartiers Monte-Carlo et La Rousse. C’est donc logiquement qu’en 2013, ces deux secteurs concentraient la majorité des transactions (58 %). Fontvieille arrive en troisième position avec 13,6 % des reventes. Suivent le Jardin Exotique (11,1 %), la Condamine (8,4 %), les Moneghetti (5,2 %), Monaco-Ville (3 %) et le Larvotto, quartier majoritairement locatif (0,7 %). Le nombre de reventes a baissé entre 2012 et 2013 dans les quartiers suivants : La Rousse, les Moneghetti et Monaco-Ville. A noter qu’entre 2006 et 2013, Fontvieille est le quartier qui a connu le plus fort taux de revente (+161,9 %). En huit ans, il n’avait jamais dépassé la barre des 40 transactions. L’an dernier, 55 biens y ont été revendus.

Michel Dotta :
« Il faut une offre diversifiée »

Le président de la Chambre immobilière de Monaco Michel Dotta analyse les données de l’Observatoire de l’immobilier 2013 publié par l’IMSEE.

Michel-Dotta-CDE
Michel Dotta © CDE

M.H. : Le rapport de l’IMSEE note que la structure du marché du “neuf” a changé entre 2006 et 2013, que les biens plus vastes (5 pièces et plus) sont plébiscités aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
M.D. : La tendance est logique. C’est la preuve que les promoteurs se sont adaptés au marché. La demande d’investissement existe. L’onshore se développe. De plus en plus de personnes veulent s’installer avec leurs familles à Monaco et recherchent par conséquent des biens de taille plus importante. La scolarité est un indicateur significatif. Il y a une forte demande d’inscription dans les écoles.

M.H. : Faut-il plus de biens de 5 pièces et plus sur le marché, selon vous ?
M.D. : Non. Je trouve que le marché du “neuf” n’est pas significatif. Etablir des statistiques sur quinze ventes, c’est dangereux. On ne peut pas travailler sur quinze ventes. D’une année sur l’autre, les chiffres sont trop petits. Quant au marché de l’“ancien”, je préfère utiliser le terme de reventes. Et si l’on regarde la répartition des appartements au niveau des reventes, elle est différente. L’équilibre est plus important. Globalement, vous avez trois appartements de type studios, 2 ou 3 pièces pour un appartement de quatre ou cinq pièces et plus. C’est du 75/25.

M.H. : La Principauté doit-elle miser davantage sur des programmes de haut standing ?
M.D. : Non, il faut que l’offre soit diversifiée. Un immeuble de haut standing peut être construit en fonction de divers paramètres, dont son emplacement à Monaco. Il faut qu’il y ait certains agréments autour comme des jardins. Un terrain entouré d’industries ne se prête pas à la construction d’un tel immeuble. En outre, il ne serait pas sain et pas souhaitable que le marché ne propose que des cinq pièces et plus. Il n’y aurait personne pour les acheter ou pour les louer. Il n’y a pas que des familles qui veulent s’installer en principauté, il y a aussi des célibataires, des couples sans enfants.

M.H. : Sur le marché de l’“ancien”, l’IMSEE constate que le prix du m2 a baissé pour les studios et les 2 pièces, contrairement aux autres biens. Qu’en est-il ?
M.D. : Nous n’avons pas bien compris cela car ce n’est pas notre sentiment. Au contraire, il monte de 1 à 3 %. Je n’ai pas vu de prix à la baisse dans l’ancien pour les studios et les 2 pièces.

M.H. : A quoi faut-il s’attendre pour 2014 ?
M.D. : Le marché de la location est extrêmement tendu. Nous dénombrons énormément de demandes de résidence. Sur le marché des reventes, j’ai le sentiment que 2014 sera peut-être une année un peu moins exceptionnelle que l’année dernière.

M.H. : Selon vous, les marchands de biens continuent-ils à gonfler les prix ?
M.D. : Les marchands de biens ont effectivement tendance à gonfler les prix du marché. Cette activité reste très floue en principauté. Je ne comprends pas d’ailleurs que le gouvernement n’ait pas encore légiféré sur le sujet.

M.H. : L’IMSEE s’est intéressé aux achats en viager dans son étude. Ce n’est pas une pratique courante en principauté ?
M.D. : A Monaco, il n’y a pas une grande attirance des vendeurs pour les viagers. La dernière fois qu’un client est venu me voir pour un viager, c’était il y a dix ans. A part en France, je ne sais pas si cette pratique existe dans d’autres pays.