samedi 27 avril 2024
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Fabrice Cavallera : « Pour les taxis niçois, c’est un échec complet »

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Le président du syndicat des taxis niçois, Fabrice Cavallera, réagit aux nouvelles règles de prise en charge pour les taxis. Déçu, ce professionnel en appelle aux autorités françaises pour réglementer un secteur encore non protégé. Interview (1).

De nouvelles règles de prise en charge pour les taxis viennent d’être entérinées après de longs mois de discussions. Êtes-vous satisfait ?

Je ne peux pas dire que je suis l’homme le plus heureux de cette Terre, pas du tout. Nous avons dû trouver un compromis entre mes demandes et celles des Monégasques, qui s’est arrêté à 28 vignettes.

Vous en espériez davantage ?

Un compromis de 35 vignettes me paraissait cohérent pour une décision un peu pérenne, et qu’on n’ait pas besoin d’y revenir dans les années à venir. Au final, il y a 28 vignettes, avec une clause de revoyure au mois d’octobre 2023. Nous pourrons donc revoir tout ça à ce moment-là.

Comment se sont passées les discussions entre toutes les parties concernées ?

Ce marchandage dure depuis tellement d’années… Tous les ans, nous devons trouver un nombre de vignettes, refuser des dispositifs… C’est long, c’est usant. Tous les ans depuis 5 ans, nous tournons toujours autour du même pot, à savoir le nombre de vignettes.

Vous bénéficiez l’année dernière de 30 vignettes, pourquoi ce chiffre est-il en baisse en 2023 ?

Parce qu’ils [les autorités monégasques — NDLR] jugent qu’il n’y a que 25 taxis qui prennent la vignette à l’aéroport. Mais moi, la vignette à l’aéroport, je l’achète aussi. Et on ne comptabilise pas les taxis qui travaillent en France. Tout ça est mis de côté, les calculs ne sont basés que sur les chiffres de l’aéroport. C’est le point négatif pour moi.

Lire aussi l’article Taxis et VTC français : « Le gouvernement n’a pas souhaité surévaluer le nombre de vignettes à délivrer »

Pourquoi avez-vous cédé sur ce nombre de vignettes, qui visiblement ne vous satisfait pas ?

J’ai cédé à titre de consultant et de médiateur, parce qu’il y a un département entier. Il y avait une petite pression de certaines grandes villes qui m’entourent qui ont de la clientèle d’excursion ou de croisiéristes. Il y avait le besoin de garder un système de mise à disposition avec le client sur le territoire monégasque. J’ai donc essayé de trouver le meilleur compromis pour tout le monde. Voilà pourquoi j’ai cédé encore avant la ligne d’arrivée.

Finalement, combien de taxis monégasques pourront accéder à l’aéroport Nice Côte d’Azur ?

Comme nous disposons de 28 vignettes, nous avons limité à 28 taxis monégasques à l’aéroport. Mais ils ne sont pas 28, parce que, de toute manière, les taxis monégasques vont se cacher dans les parkings pour travailler. Donc, ils n’ont pas tous besoin d’acheter une vignette.

« Un compromis de 35 vignettes me paraissait cohérent pour une décision un peu pérenne, et qu’on n’ait pas besoin d’y revenir dans les années à venir. Au final, il y a 28 vignettes, avec une clause de revoyure au mois d’octobre 2023. Nous pourrons donc revoir tout ça à ce moment-là »

Fabrice Cavallera. Président du syndicat des taxis niçois

Quel rôle ont joué le préfet des Alpes-Maritimes et l’ambassade de France à Monaco ?

Monsieur le préfet a tenu bon. Il est resté médiateur et il a été un soutien indéfectible pendant des mois et des mois. Monsieur Schuster [premier conseiller — NDLR] avec l’ambassade de France à Monaco, également. J’essaie aussi de trouver des compromis pour ces gens, qui ont œuvré et travaillé depuis des mois, et même des années, maintenant.

Le 29 mars 2023, le gouvernement monégasque avait annoncé au cours d’une conférence de presse la mise à disposition de 20 vignettes pour les taxis : en aviez-vous été informé en amont ?

Personne n’avait été informé, ni invité. Sur le moment, ça a été un petit peu un passage en force. C’était l’incompréhension pour tout le monde, car nous étions en négociations. Quand c’est arrivé, nous nous sommes retrouvés embêtés. Surtout moi au niveau de ma corporation, parce que je n’avais rien à leur annoncer puisque nous étions en train de négocier pour trouver une solution. Aucune porte n’était fermée. Nous étions vraiment en tractations.

Fabrice Cavallera Syndicat des taxis niçois
© Photo DR

Comment interprétez-vous ce « passage en force » du gouvernement monégasque ?

Il faut leur demander (1). Ils ont fait une annonce le mercredi [29 mars 2023]. Le lendemain, le préfet nous a convoqués d’urgence, et nous avons été reçus le vendredi [31 mars 2023] sur le territoire monégasque. Nous sommes restés 6 heures, mais nous n’avons pas eu d’explication. Toutefois, par rapport au texte qu’ils avaient sorti deux jours avant, tout n’était pas fermé quand nous sommes arrivés en principauté. C’est la raison pour laquelle nous avons rediscuté entre personnes professionnelles. La presse a relayé les informations que Monaco avait sorti, alors que nous ne sommes pas du tout à ce qu’ils avaient présenté la première fois.

Y voyez-vous un moyen de pression, alors que les négociations duraient depuis plusieurs mois ?

Si c’est une façon de travailler, peut-être. En tout cas, on peut dire que ça a marché, puisque deux jours après, nous étions sur le territoire monégasque, et nous avons dû trouver des solutions.

Le tarif de ces vignettes vous convient-il ?

Le tarif de ces vignettes a été fixé sur une base de 750 euros annuels. Bien sûr, j’ai essayé de négocier le prix. On met les taxis au même niveau que les grandes remises monégasques et VTC français. Mais nous ne pratiquons pas le même métier, ni les mêmes tarifs. À un moment donné, il va falloir commencer à accepter de nous dissocier dans les négociations. Nous avons des prix réglementés, c’est-à-dire que nous avons un forfait de 95 euros pour aller à Monaco, alors que les grandes remises et les VTC ont des prix libres. Les prix sont variables, ils ne sont pas réglementés par un tarif. Nous, nous le sommes. Donc oui, j’aurais aimé être dissocié d’un tarif VTC français.

Combien peut rapporter une licence à Monaco ?

Je n’en sais strictement rien et ça ne m’intéresse pas. Jamais de la vie, j’irai leur récupérer un client. Je ne veux même pas savoir. Je pense que ça intéresse des taxis, parce que s’ils s’engagent à acheter cette vignette, j’imagine qu’ils ont fait les calculs pour que ça leur soit rentable. L’un des taxis qui a fait le plus de prises en charge l’année dernière, c’était un peu plus de 200 prises en charge dans l’année. Je n’ai aucune idée de ce que ça peut représenter. Il y a des taxis qui en ont besoin. Mais je ne cherche pas à savoir si c’est rentable ou pas, même si j’imagine que ça l’est.

Combien de taxis recensez-vous à Nice et dans les Alpes-Maritimes ?

À Nice, nous sommes 437, et dans le département, nous sommes environ 1 200.

Comment vont être attribuées ces 28 vignettes destinées aux taxis ?

[Rires] C’est le gouvernement monégasque qui va gérer ça. Les taxis qui souhaitent bénéficier de cette vignette doivent s’inscrire sur un site. Ensuite, le gouvernement décide de valider, ou pas, la vignette. Au début, il y avait un problème avec la distribution sur des taxis limitrophes, je trouvais ça un peu trop discriminatoire. Donc, maintenant, les 28 vignettes sont ouvertes à tout taxi du département qui le désire. La délivrance ne nous est pas propre. On dépend d’une enquête.

« Ce marchandage dure depuis tellement d’années… Tous les ans, nous devons trouver un nombre de vignettes, refuser des dispositifs… C’est long, c’est usant. Tous les ans depuis 5 ans, nous tournons toujours autour du même pot, à savoir le nombre de vignettes »

Fabrice Cavallera. Président du syndicat des taxis niçois

Êtes-vous en contact avec votre homologue monégasque ?

Très peu. Lors des réunions. Il défend son beurre, je défends le mien. À mes yeux, ils en demandent trop, comme d’habitude. Mais je n’ai rien à dire. Je ne suis qu’un petit taxi français.

Une clause de revoyure est prévue en octobre 2023 : cela signifie donc que de nouvelles négociations devront être menées en fin d’année ?

Je ne serai pas là éternellement. Je suis au bureau de la chambre du syndicat depuis 2006, et j’en suis devenu le président depuis cinq ans. Je finis ma cinquième année. Ça prend du temps et de l’énergie. Je ne suis pas certain d’être encore aux manettes en octobre 2023. Mais en tout cas, j’apporterai l’énergie nécessaire à mon successeur.

L’objectif des négociations était d’aboutir enfin à un dispositif pérenne, ce qui n’est pas le cas : peut-on considérer qu’il s’agit d’un échec ?

À titre personnel, ça restera un échec. Mais je dois penser, réfléchir, et travailler pour un département entier. Comme j’avais un peu sur les épaules la charge d’être l’interlocuteur, je devais aussi réfléchir pour que tout le monde trouve un bon consensus. Mais égoïstement, pour les Niçois, c’est un échec complet, parce qu’ils vont voir débouler à l’aéroport toutes les grandes remises et taxis monégasques sous leur nez.

Que faut-il pour qu’un dispositif pérenne puisse être trouvé ?

Un dispositif pérenne, c’est chacun chez soi et on n’en parle plus. Point barre. Dans l’histoire, la loi française ne nous protège pas, elle n’interdit pas et ne cherche pas à comptabiliser un nombre de quoi que ce soit. L’aéroport, ça n’a rien à voir car c’est une société privée. Mais tant que nous n’avons pas une loi française qui protège les transporteurs français par rapport aux pays limitrophes, ce sera compliqué. Que ce soit pour le département 06, à côté de Genève, l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne, Andorre… en fin de compte tous les départements frontaliers, ça va rester compliqué. Il va falloir qu’un jour le ministre des transports tape [du poing sur la table — NDLR] et protège ses chauffeurs.

1) Contactée par la rédaction de Monaco Hebdo, l’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco (AETIM) n’avait pas répondu à nos sollicitations à l’heure où nous bouclions ces lignes, mardi 18 avril 2023.