vendredi 19 avril 2024
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Marc Mourou : « Il est important d’accentuer des actions concrètes pour mieux comprendre les troubles »

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Comment évolue l’encadrement des troubles “dys” chez les jeunes de la principauté ? Marc Mourou, président de la commission de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports du Conseil national, a sollicité le gouvernement à ce sujet, en fin d’année 2021. Interview.

Que sont les troubles spécifiques du langage et des apprentissages, aussi appelés troubles « dys » ?

Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages regroupent les différentes pathologies des élèves ayant des difficultés d’apprentissage pendant leur scolarité, telles que la dyslexie, dysphasie, dyspraxie, etc. Le point commun de tous ces troubles est une altération de la capacité à retenir, comprendre et à reconnaître les mots qui sont écrits ou dits par le professeur. Souvent considérés comme un handicap invisible, les enfants atteints de ces troubles du langage et de la compréhension peuvent se sentir exclus ou en décalage par rapport à leurs camarades. Il est donc crucial de les détecter au plus tôt, afin que le parcours de chaque enfant soit adapté en fonction de son trouble, pour lui éviter d’être en situation d’échec et de développer, petit à petit, un manque de confiance en lui.

La commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports du Conseil national s’est réunie récemment avec une délégation du gouvernement et des professionnels de santé en charge de ces troubles : quelle a été la teneur de vos échanges ?

Cela fait maintenant plus de deux ans que ce sujet des troubles « dys » a été discuté en séance publique entre Conseil national et gouvernement. Il était donc normal, qui plus est en période Covid, qu’un suivi soit effectué au sein de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports, où nous avons invité une délégation du gouvernement à nous présenter leurs derniers chiffres et avancées concernant cette thématique en principauté. Cela a permis d’échanger de manière constructive et active avec de nombreux témoignages, et de faire un point sur les dispositifs mis en place aujourd’hui, mais aussi sur les axes d’améliorations possibles dans le futur pour les élèves. Le Conseil national, à sa place, a donc joué tout son rôle, en étant force d’alerte et de proposition sur les points qui peuvent encore être ajustés, et ce, dans l’intérêt des jeunes. C’est dans ce sens, qu’avec le président du Conseil national, Stéphane Valeri, nous avons pu insister lors des dernières discussions budgétaires.

Qu’en est-il de l’ordonnance souveraine du 23 novembre 2021, permettant d’augmenter le nombre d’orthophonistes ?

Les orthophonistes de Monaco jouent un rôle très important dans l’accompagnement des troubles « dys » chez les jeunes. Ils sont de plus en plus sollicités et ils reçoivent leurs patients à de nombreuses reprises. Les suivis sont longs et faute de prise en charge, les répercussions peuvent être lourdes de conséquences. L’ordonnance souveraine n° 8924, relative aux modalités d’association entre orthophonistes, constitue une réelle avancée, puisqu’elle permet à un orthophoniste titulaire de s’associer avec un ou deux autres orthophonistes. Bien que deux confrères seulement soient autorisés à exercer simultanément au sein du lieu d’exercice professionnel commun, cela permet d’assurer une meilleure continuité et offre pour les enfants qui suivent des séances régulières.

Manque-t-il encore de professionnels en principauté ?

Les orthophonistes de Monaco rencontrent une réelle problématique de locaux, ou encore une saturation de leurs créneaux horaires. Concernant les autres professionnels de santé, il existe encore un manque de pédopsychiatres, neuropsychologues ou psychomotriciens en principauté. Ce sont des profils très recherchés et où le besoin se fait de plus en plus ressentir, notamment pour prendre en charge la santé mentale des jeunes.

« L’importance du dépistage précoce contribue grandement à limiter les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe, et permet aux jeunes de suivre ainsi une scolarité quasi-normale »

La « télé-orthophonie » a-t-elle pu être mise en place à Monaco comme en France, notamment depuis le début de la crise sanitaire ?

La France a pu proposer la télé-orthophonie dès le premier confinement de mars 2020 pour des cas bien spécifiques. Cela avait permis d’assurer une continuité et un suivi bénéfique auprès de leurs patients. Cette demande avait fait l’objet d’un examen attentif par la direction de l’action sanitaire (DASA), en lien avec l’association monégasque des orthophonistes, à cette période. Elle n’avait finalement pas été retenue, puisque Monaco, a contrario de la France, n’avait plus connu de confinements, et que les cabinets d’orthophonies étaient restés ouverts en privilégiant le présentiel, qui a toujours été le meilleur moyen de traiter les différentes pathologies. Cependant, la demande des familles monégasques et résidentes a pu revenir, en raison des interruptions liées aux mises à l’isolement, aux cas contacts, ou encore aux périodes de vacances.

La « télé-orthophonie », ça marche vraiment ?

Les retours des professionnels de santé sur la télé-orthophonie sont hétérogènes, certains émettant beaucoup de réserves quant à ses bénéfices, d’autres étant persuadés du rôle complémentaire, et temporaire, qu’elle pourrait apporter aux patients dans des cas bien précis. Selon ces derniers, elle permettrait un accès facilité et supplémentaire aux séances classiques. Concernant les outils, les nouvelles technologies peuvent apporter un soutien additionnel à nos jeunes, avec des applications et des logiciels pour aider les enfants et les adolescents à une meilleure lecture et écriture.

Plus globalement, Monaco est-il pourvu de suffisamment de dispositifs de prise en charge pour lutter contre les troubles « dys » ?

Monaco est doté d’un grand nombre de dispositifs et de prises en charge médicales pour les élèves dont la situation le nécessite. De nouveaux programmes ont vu le jour, afin d’assurer un meilleur suivi et traitement des troubles dys. Cependant, Monaco se doit de continuer à répondre de plus en plus finement aux besoins des élèves ayant des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, et de mettre tout en œuvre pour en limiter les conséquences. L’importance du dépistage précoce contribue grandement à limiter les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe, et permet aux jeunes de suivre ainsi une scolarité quasi-normale. Enfin, sur le plan de la communication et des formations, il est important d’accentuer des actions concrètes pour mieux comprendre les troubles spécifiques des apprentissages, les détecter et de transmettre une meilleure connaissance de leurs impacts. Il faut continuer de renforcer les liens entre les différents acteurs, à savoir enseignants, médecins, et parents, et développer de nouvelles pédagogies actives et collaboratives.

Pour lire la suite de notre dossier consacré aux troubles DYS à Monaco, cliquez ici.