samedi 27 avril 2024
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Monaco gravite autour de la conquête spatiale 

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L’aérospatial est en plein décollage, et Monaco compte bien s’accrocher aux fusées de cette économie florissante. Avec trois entreprises spécialisées et un nouveau bureau des affaires spatiales, la principauté veut se donner les moyens de répondre aux appels d’offres de la NASA, pour participer à ses programmes d’exploration spatiale. Ce sera peut-être possible en 2024, pour rejoindre la Lune.

Ils vont marcher à nouveau sur la Lune, et peut-être sur Mars. Non pas que le drapeau rouge et blanc flottera bientôt sur le sol rocheux de la Lune dont nous sommes séparés par 384 399 kilomètres de distance, mais la principauté entend bien contribuer à cette reconquête spatiale, lancée par la National aeronautics and space administration (NASA), l’agence spatiale américaine, et le Pentagone américain, depuis 2017, sous l’impulsion du président Trump. Pour le programme spatial Artemis, qui prévoit d’amener à nouveau un équipage sur le sol lunaire d’ici 2025, le groupe monégasque Venturi pourrait, en effet, figurer prochainement dans la liste des fournisseurs en équipement des missions régulières. Plus exactement, Venturi Lab, la filiale suisse du groupe monégasque, et sa consœur 100 % américaine, Venturi Astrolab, travaillent sur la construction d’un rover pour les prochaines missions lunaires de la NASA, mais aussi de SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, spécialisée dans l’astronautique et le vol spatial. Alors que ce programme Artemis se précise, l’opportunité de rejoindre par la suite les missions sur la Lune et Mars, est une aubaine pour Monaco. D’autant que la principauté compte une cinquantaine de collaborateurs spécialisés dans l’économie de l’aérospatial sur son sol.

© Photo SSI

« En s’approchant de la NASA, Venturi s’est retrouvée bloquée. C’est une entreprise monégasque, et la NASA consulte des entreprises américaines en priorité »

Christophe Pierre. Directeur du bureau des affaires spatiales

Un bureau d’influence

Pour faire avancer ce dossier lunaire, mais très terre-à-terre, et contribuer à faire naître de nouveaux partenariats depuis la principauté, un bureau des affaires spatiales (BAS) a ainsi vu le jour le 2 août 2021, avec Christophe Pierre à sa tête, également directeur des plateformes et des ressources numériques au gouvernement. Comme l’expliquait ce directeur à Monaco Hebdo, participer à des programmes d’exploration n’est pas si simple, pour un acteur non américain comme Venturi. D’où le besoin de créer un bureau spécialisé pour l’accompagner : « En s’approchant de la NASA, Venturi s’est retrouvée bloquée. C’est une entreprise monégasque, et la NASA consulte des entreprises américaines en priorité. Il a donc fallu créer une succursale aux États-Unis. Mais il y a également besoin d’un porte-parole gouvernemental, pour créer des ponts et des liens au-delà de nos frontières. C’est donc ce qui explique la genèse du BAS. » Par l’intermédiaire de ce BAS, Monaco entend ainsi gagner en influence, et en crédibilité, à l’international, pour intégrer de futurs programmes spatiaux, et aux appels d’offres de la NASA : « Nous avons pour projet d’apporter un cadre juridique à nos futures actions. Au préalable, un acteur privé, comme un État, a besoin de sécurité juridique. Nous travaillons donc sur la ratification du traité de l’espace de l’ONU, pour que notre activité dans l’espace soit bien délimitée. Ratifier n’est pas long, en soi. Mais, derrière, il faut y faire refléter notre droit national. Quand on va opérer dans l’espace, il faudra, en effet, que nos acteurs soient responsables. » Car il n’y a pas que Venturi à Monaco. Plusieurs entreprises sont, elles aussi, spécialisées dans l’aérospatial.

Le prix moyen des billets pour l’espace oscille entre 250 000 dollars et plusieurs millions de dollars. En 2006, le Hongrois Charles Simonyi avait déboursé 25 millions de dollars pour séjourner quinze jours à bord de la station spatiale internationale (SSI)

Des satellites monégasques

Qui imaginerait qu’un État de 2 km2 soit capable de réunir différents spécialistes de l’espace ? C’est pourtant le cas à Monaco, depuis 2008. Le premier acteur à s’être spécialisé sur le secteur se nomme Space Systems International (SSI) MonacoSAT, un opérateur satellite, avec pour président-directeur général (PDG) le docteur Ilhami Aygun. Pas question d’exploration spatiale ici, puisque cette entreprise monégasque se consacre à la télécommunication. SSI a obtenu la licence d’exploiter les fréquences dans l’espace, à 52° Est. Pour schématiser, cela se situe à peu près entre Madagascar et l’Afrique. Concrètement, ses antennes envoient de la puissance pour communiquer dans les zones plus reculées dans le monde. Mais, s’il ne s’agit pas d’exploration, c’est toutefois par l’intermédiaire de cette entreprise que le premier satellite de télécommunications monégasque a été lancé, le 27 avril 2015 [lors de la mission Turkmenalem52E/MonacoSAT par Space X — NDLR] depuis le cap Canaveral, et mis en exploitation en juillet 2015. La seconde entreprise à s’être consacrée à l’aérospatial à Monaco se nomme Orbital Solutions Monaco (OSM). Elle est dirigée par Francesco Bongiovanni. Depuis 2019, elle conçoit des nano-satellites, aussi petits qu’une boîte à chaussure, qui gravitent à 800 kilomètres de la Terre, en orbite basse. Contrairement à SSI, qui entend améliorer l’accès à Internet dans les territoires reculés, les satellites d’OSM sont consacrés à l’observation pure et dure de la planète. Cette petite entreprise fait ainsi de l’imagerie, pour observer l’évolution des végétaux, ou encore les niveaux de CO2 et de méthane répartis sur une partie du globe. Ces observations permettent de mieux comprendre les évolutions du climat et des différents types de pollutions. Selon Christophe Pierre, deux nouveaux lancements de satellites sont prévus pour 2023 et 2024, dans le cadre du programme gouvernemental MonacoSAT. Alors que Venturi est attendue au tournant, avec le programme Artemis de la NASA, courant 2024.

Christophe Pierre (à gauche), directeur du bureau des affaires spatiales, et le docteur Ilhami Aygun, président directeur général de SSI. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« L’enjeu est de contribuer à ce que tout homme sur la Terre ait le même accès à l’information et au savoir. C’est un sujet qui nous intéresse, et nos relations extérieures œuvrent en ce sens »

Christophe Pierre. Directeur du bureau des affaires spatiales

Formations et tourisme spatial

L’avenir semble prometteur pour les professionnels du secteur de l’aéronautique, et les opportunités sont multiples. Les objectifs ne sont d’ailleurs pas que spatiaux. Monaco vise en effet à former les prochains talents, et à faire connaître cette branche de l’économie, qui n’est plus uniquement réservée aux grandes entreprises, comme l’a montré OSM. Avec l’éducation nationale, cette entreprise participe, par exemple, à un programme intégré pour les 13-17 ans, avec des cours d’ingénierie et des travaux pratiques, pour trois écoles de la principauté, et même une école suisse. Lors de ces cours, les élèves conçoivent eux-mêmes des ballons stratosphériques, et des petits satellites. Une manière de prouver que le domaine spatial, bien que loin des yeux, est à portée de main. De là à démocratiser le tourisme spatial dans un futur proche ? « Pourquoi pas, nous répondait Christophe Pierre, dans une précédente interview. Ce sera sûrement un potentiel dans l’avenir. C’est un tourisme réservé à certaines personnes fortunées pour l’instant, mais il faut faire envie à nos jeunes. » À l’heure actuelle, le prix moyen des billets pour l’espace oscille entre 250 000 dollars et plusieurs millions de dollars. En 2006, le Hongrois Charles Simonyi a même déboursé 25 millions de dollars pour séjourner quinze jours à bord de la station spatiale internationale (SSI), par l’intermédiaire d’une fusée russe Soyouz. Cette même fusée qui avait permis au premier touriste de l’espace, le millionnaire californien Dennis Tito, de rejoindre la SSI en 2001. Ces touristes étaient clients de l’entreprise Space Adventures, le tour-opérateur qui avait signé un contrat d’exclusivité avec la NASA russe, le RFSA. Selon Space Adventures, l’avenir du tourisme spatial passera avant tout par des vols dits « suborbitaux », à cent kilomètres d’altitude, le temps d’une quinzaine de minutes en apesanteur. Et plusieurs dizaines d’entreprises travaillent au développement de ce type de voyages. À quand, alors, une agence spécialisée sur le territoire monégasque ? En attendant, Monaco mise plutôt sur l’utile, avec le développement de satellites qui permettront demain de faire du biomédical à distance, et de réduire la fracture numérique : « L’enjeu est de contribuer à ce que tout homme sur la Terre ait le même accès à l’information et au savoir. C’est un sujet qui nous intéresse. Et nos relations extérieures œuvrent en ce sens », souligne Christophe Pierre. Histoire de garder les pieds sur Terre.

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