jeudi 25 avril 2024
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Christophe Spiliotis-Saquet : “On ferme les yeux sur l’utilisation du fonds de réserve”

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Christophe Spiliotis-Saquet
« Pour ma part, la certitude, c’est d’être candidat pour 2013. » © MH

Monaco Hebdo poursuit son tour d’horizon de l’actualité par les groupes parlementaires du conseil national. Cette semaine c’est au tour de Christophe Spiliotis-Saquet, un élu indépendant qui ne pratique pas la langue de bois. Pour l’ex-président de l’UP, la recomposition de l’échiquier politique ne fait que commencer.

2013

M.H.?: 2013 c’est déjà demain. Nouvion a annoncé qu’il serait probablement candidat aux élections nationales, Robillon qu’il serait leader de la majorité sortante. Et vous??
C.S.S.?: Pour ma part, la certitude, c’est d’être candidat pour 2013, sur une liste qui prendra forme dans les deux années qui viennent. Aujourd’hui, personne ne peut s’autoproclamer leader de quoi que ce soit. D’ici deux ans la recomposition de l’échiquier politique va se poursuivre. Les sourires et les alliances de façade ne dureront pas.

M.H.?: Pour être clair, quand vous parlez d’alliances de façade, vous visez l’UP?? Vous pensez que la coexistence pacifique qui règne ne peut durer??
C.S.S.?: Elle ne peut pas durer. Tout comme l’alliance de 2003 avec trois leaders comme Valeri, Boisson et Giordano qui se haïssaient viscéralement et n’avaient pas les mêmes idéologies et méthodes. Quand on est plusieurs à vouloir arriver au même endroit, forcément ça pose problème…

M.H.?: Comment voyez-vous ces recompositions du paysage politique monégasque??
C.S.S.?: La majorité est éclatée. Il n’y a qu’à compter les départs depuis 2005, de la scission de PFM jusqu’à l’implosion récente de l’UPM… Je ne la vois pas tenir jusqu’à la fin du mandat. En interne, il y a des tensions. Les gens vont devoir choisir leur camp. Il ne faut pas croire que les clans Poyard et Robillon vont arrêter les hostilités. Ce qui s’est passé cet été est symptomatique. Robillon se déclare dans vos colonnes et la semaine qui suit, Poyard-Vatrican le descend en flamme et sort un communiqué pour le lâcher publiquement… Aujourd’hui, on a affaire à des opportunistes. En voyant cette situation difficile, certains anciens élus vont vouloir revenir.

M.H.?: On est bien loin de l’unité de 2003 voire 2008…
C.S.S.?: Tout ce petit monde est en quête de reconnaissance. Ils veulent être adulés par les Monégasques et surtout par le gouvernement. Plus que jamais on a un conseil national conciliant avec le gouvernement. Ce dernier sait que contre quelques compensations, il aura la majorité de l’assemblée. Robillon n’est pas un type vindicatif. J’étais un de ses soutiens de la première heure car je le pensais doté d’une certaine rigueur morale. Il devait s’entourer d’un cabinet pour que le pouvoir du conseil national ne soit pas concentré dans les mains du président, comme sous l’ère Valeri. Mais il m’a fait un coup tordu.

M.H.?: Quel coup tordu??
C.S.S.?: Il y a eu un jeu de chaises musicales en avril dernier. Quand il était certain que l’Unam soit balayé de la majorité, je me suis proposé comme vice-président même si je n’étais plus à l’UP. Robillon m’a dit oui. Parallèlement, il a mis en place son dispositif avec Notari à la vice-présidence et des postes de présidents de commission distribués en fonction des amitiés et des intérêts pour garder les gens qui devenaient nerveux et menaçaient de quitter la majorité, comme Lavagna et Lorenzi.

M.H.?: Du coup comment se positionnent les indépendants, Svara et vous-même?? L’Unam vous a fait un appel du pied. Vous pourriez basculer du côté de R&E??
C.S.S.?: Aujourd’hui, je ne me positionne pas. Je connais pertinemment ceux avec qui je n’irais pas car ils ont fait la preuve de leur absence totale de convictions pour Monaco. Il va se passer beaucoup de choses. En avril prochain, il y a des élections au conseil national. Rien n’est joué.

ROLE DU CONSEIL

M.H.?: Vous contestez en tout cas le mode de gouvernance actuel du conseil national??
C.S.S.?: Nous avons un rôle de contrôle des finances de l’Etat. Or, le conseil national ferme les yeux sur le pillage du fonds de réserve et sur des changements de programme d’appartements. Il accepte sans sourciller toutes les facéties du gouvernement, la dernière en date étant le changement du projet d’hôpital.

M.H.?: Et vous, êtes-vous favorable à la révision du projet d’hôpital??
C.S.S.?: Je suis favorable à une révision à la baisse de cet hôpital mais je souhaite surtout qu’on conserve l’hôpital où il était prévu, sur le site initial, qui est très accessible par la moyenne corniche et à terme, par le tunnel descendant. Je trouve tout de même étrange qu’en 2006, le projet était accepté par tous et que la T2A n’était pas un problème?; elle était même de nature, si elle était bien gérée, à rapporter de l’argent. Aujourd’hui, après 26 mois d’études, le projet est remis en question. On passe un coup d’éponge. Le personnel trouve soudain que c’est une hérésie, on s’inquiète. Le budget passe de 235 millions d’euros à 700 millions d’euros. Bref, on amène tous les arguments pour remettre à plat le projet. Et qu’est ce qu’on propose?? Des terrains où les appartements coûtent 40?000 euros le m2, à savoir Annonciade et Testimonio. En fait, on déboulonne le projet hôpital car on a autre chose en tête.

M.H.?: Qu’est-ce qui peut motiver ce changement de programme selon vous??
C.S.S.?: Il fallait geler l’échange Agaves-Testimonio qui était pourtant quasiment entériné et qui aurait dû aboutir si le gouvernement s’était positionné en patron avec les promoteurs. C’était mieux de récupérer 100 logements domaniaux aux Agaves plutôt que de promettre 80+40 appartements ici ou là et de sucrer du même coup la médiathèque?! (Le gouvernement a annoncé en juin la réalisation de 80 logements sur les délaissés SNCF à la place de la médiathèque et 40 avenue Pasteur à l’emplacement des immeubles HBM, ndlr).

ODEON

M.H.?: Pas de regrets d’avoir quitté l’UP en tout cas??
C.S.S.?: L’affaire Odéon a été le catalyseur. L’Etat de Monaco s’est fait spolier de 8?300 m2. Le compte d’appartements n’y est pas. Il y a eu une redéfinition des surfaces a posteriori de l’accord. Selon l’accord avec le promoteur, pour acheter 1 m2, il fallait acheter 1,65 m2 car il nous avait collé toutes les parties communes. Donc à 40?000 euros le m2, je vous laisse imaginer… Pourtant qu’on aille chez un notaire ou un architecte, un m2 habitable est un m2 habitable?!
Par ailleurs, il y a eu un engagement du fonds de réserve très important pouvant atteindre 500 millions d’euros, sans consultation de la commission de placements des fonds. C’était une raison suffisante pour faire table rase de ces négociations.

M.H.?: L’assemblée avait demandé un audit. Qu’a-t-il donné??
C.S.S.?: Cet audit nous a été remis quelques jours avant le vote du budget. D’ailleurs, la plupart des élus n’ont pas pris la peine d’en prendre connaissance. L’audit lui-même a reconnu de graves dysfonctionnements de la part du gouvernement ainsi qu’un avantage accordé au promoteur en termes de taux d’intérêt et de facilité de caisses. Je pense que tous ces éléments méritaient un veto de notre part. On avait voté un projet dans des conditions bien définies. On s’est retrouvé 6 mois après avec une nouvelle donne.

M.H.?: Vous vous êtes trouvé très isolé?? Aujourd’hui aussi??
C.S.S.?: Je me suis trouvé isolé car la majorité est complètement à l’ouest sur les questions financières. Ils se satisfont des bonnes nouvelles qu’on annonce au conseil national. Il n’y a que les élus R&E qui font un peu de ramdam. Pourtant, quand on nous annonce que la partie liquide du fonds de réserve n’a même pas rapporté 2 % en 2009 alors que la plupart des placements ont surperformé et qu’il y a eu des envolées boursières terribles, il y a un problème?! Il faut y remédier vite fait. On est en train de glisser sur une pente dangereuse.

M.H.?: Cette sous-performance explique peut-être pourquoi on ne veut pas rendre plus transparente la rentabilité du fonds??
C.S.S.?: On nous rabâche qu’à Monaco il faut être éthique et moral. Parfait. Il faut aussi être compétent et payer les gens à la hauteur de leurs compétences pour pouvoir les débaucher du privé. A Monaco, un ministre a le même salaire qu’un directeur du casino alors qu’il a des responsabilités très lourdes.

ASM

M.H.?: Au conseil national, on vous a beaucoup entendu sur le financement de l’ASM. Vous savez où on en est??
C.S.S.?: On n’a pas simplement demandé aux entreprises parties prenantes dans le pool d’investisseurs Monaco Sport Partner de participer, on les a rackettées?! Ce qui me gêne, c’est que lorsqu’on rackette les entreprises, il faut penser un jour à une contrepartie. Quand un membre du gouvernement demande de venir avec 5 millions d’euros pour MSP, à un moment il faut rendre cette somme. Et de quelle manière on leur rend?? Je préfèrerais que l’Etat finance et qu’il ne doive rien à personne. Sinon il y a toujours une suspicion de contrepartie dans des marchés publics. Pourquoi on attribue des marchés à des entreprises qui n’auraient jamais du être consultées??

M.H.?: Avez-vous avancé sur le secteur intermédiaire??
C.S.S.?: Il faut trouver un moyen pour que les Monégasques de cœur qui sont nés, ont vécu et fait carrière à Monaco puissent y loger et rester dans des conditions décentes. L’Etat doit faire preuve de plus d’agressivité dans les acquisitions de préemption. Plutôt que de faire une villa Ida au beau milieu d’un quartier qui ne tient plus debout comme Plati, on devrait réaliser un programme plus large qui ratisse de la rue Plati à la rue Rainier III. Cela aurait permis de travailler sur une volumétrie beaucoup plus importante et de consacrer un nombre conséquent d’appartements au secteur intermédiaire.

M.H.?: La rentrée a été marquée par l’agacement de la population face aux problèmes de circulation. Vous êtes favorable à quel type de mesure?? Fermer Monaco aux voitures ou instaurer un Monsieur circulation??
C.S.S.?: On attend à chaque fois d’être pris à la gorge pour échafauder des solutions. Il faut prendre des mesures de grande envergure comme des parkings de dissuasion même provisoires avec deux bus qui descendent toutes les 15 minutes sur Monaco. Le dossier de funiculaire de l’association MC2D avait été complètement enterré pendant 5 ans. Aujourd’hui on le ressort pour faire des effets de manche. On ne rattrapera pas le retard pris mais il faut agir. On a un gouvernement qui se dit stable mais qui se comporte comme s’il avait des échéances électorales.

REMANIEMENT

M.H.?: Vous parlez de stabilité du gouvernement. Que pensez-vous du nouveau remaniement qui devrait intervenir d’ici fin septembre??
C.S.S.?: On a l’impression depuis 2003 que c’est comme un tir aux pigeons. Ça tourne et on ne sait jamais où ça va tomber. A force de couper des têtes, il faut puiser en bas. Il ne naît pas un ministre tous les jours. Résultat, on se trouve avec des gens débordés qu’on met ailleurs au bout de quelques mois. C’est difficile de pouvoir travailler avec le gouvernement dans ces conditions. Il faudrait que les chasseurs de tête se mettent en branle.

M.H.?: Il y a toujours le problème de recruter des Monégasques à ces postes pour préserver l’équilibre gouvernemental entre nationaux et Français??
C.S.S.?: Quand ça va mal, il faut se raccrocher à toutes les branches. Autant je me bats à longueur d’années pour la priorité nationale, autant pour les hautes fonctions, quand on a des carences, il vaut mieux aller chercher des gens à l’extérieur. On a besoin de mercenaires qui redressent les comptes de la société Monaco.

SBM

M.H.?: La SBM est-elle toujours politisée selon vous??
C.S.S.?: Sous prétexte de dépolitiser la SBM, Stéphane Valeri l’a politisée à son profit. Si l’on ajoute les membres du conseil d’administration, les intervenants extérieurs qui tirent les ficelles de ce CA, il n’y a jamais eu autant de personnes qui s’immiscent dans la gestion et les nominations de la SBM. On reprochait au conseil national et à Francis Palmaro d’avoir la main sur la SBM, mais au final, on n’avait pas les problèmes actuels de nominations.