vendredi 26 avril 2024
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« Un centre à Monaco d’ici à 2013 »

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Le Professeur Eliane Gluckman
Le Professeur Eliane Gluckman intervenait dans une conférence organisée par Femmes Leader Monaco. © Photo D.R.

Le Professeur Eliane Gluckman est une pionnière dans le prélèvement de sang de cordon ombilical et des cellules souches. En 1988, elle réalisait la première greffe de sang de cordon sur un enfant atteint d’une maladie sanguine. Elle revient sur l’actualité et l’avenir de ses travaux pour Monaco Hebdo.

Propos recueillis par Romain Chardan.

Monaco Hebdo : Où en sont les travaux sur le sang de cordon depuis votre première greffe en 1988 ?

Eliane Gluckman : En vingt ans, l’évolution a été assez rapide je dirais. Depuis la première greffe, 50 000 autres ont eu lieu dans le monde. Les banques de stockage se sont multipliées, ce qui a facilité l’utilisation des cellules souches. Cette solution thérapeutique tend à remplacer la greffe de moelle osseuse. Il nous reste cependant des progrès à faire.

M.H. : Quels sont ces progrès ?

E.G. : Ils se situent dans la médecine réparatrice et régénératrice. Pour la médecine réparatrice, nous pourrons fabriquer un bout d’os, un nouveau muscle à partir d’une cellule souche. Pour ce qui est de la régénératrice, les cellules issues du sang de cordon pourraient avoir des vertus cicatrisantes. Par exemple, l’utilisation de ces cellules permettrait de réparer des dommages au niveau du cerveau, ou sur des vaisseaux du cœur. Nous avançons lentement sur ces sujets du fait des difficultés de financement des banques de sang de cordon.

M.H. : Il se dit beaucoup de choses sur ces banques, comment fonctionnent-elles ?

E.G. : Les banques de sang de cordon travaillent en partenariat avec des maternités. Ces établissements sont destinés à un don anonyme et gratuit, dans le but de greffer un patient atteint d’une maladie hématologique. Les prélèvements doivent répondre à des critères de qualité et de quantité. Une fois le sang prélevé, nous avons 24 à 48h pour le transporter en banque. Malheureusement, nous ne gardons que 10% de ces prises de sang. Le reste est détruit ou envoyé à la recherche.

M.H. : Qu’en est-il des banques dites privées ?

E.G. : Elles sont interdites en France, car elles n’ont pas une indication thérapeutique reconnue. Ces banques sont un sujet à controverse. Nous ne connaissons pas leurs critères de qualité. On ne sait donc pas ce qu’ils stockent ni ce qu’ils vendent.

M.H. : Combien de temps les prélèvements se conservent-ils ?

E.G. : Indéfiniment. Actuellement, nous avons testé un échantillon de trente ans qui était en parfait état. Il n’avait rien perdu au cours de ses années de congélation. Il faut savoir que pour conserver une cellule, nous la miniaturisons, puis elle est congelée et maintenue sous azote liquide à -180 degrés.

M.H. : Vous êtes actuellement sur un projet  de centre à Monaco. Où en êtes vous ?

E.G. : Le projet a été retardé, mais il est lancé. Nous développons un axe Nord/Sud. Notre travail sera axé sur la Drépanocytose*, très répandue dans les pays d’Afrique. Cette maladie, curable par greffe, est devenue plus importante en Europe du fait de l’immigration. L’objectif est donc de monter un observatoire afin d’établir un registre des patients, un suivi des femmes enceintes. Nous installerons une banque familiale afin de traiter les cas recensés.

M.H. : Par banque familiale, vous entendez une banque privée ou publique ?

E.G. : Cette banque sera publique. Mais dans le cas précis de cette maladie, le don intrafamilial est fortement recommandé.

M.H. : Comment comptez-vous vous organiser ?

E.G. : Nous avons déjà commencé à travailler. Même si nos locaux ne seront prêts que début, voire mi 2013, les relations Nord/Sud sont en marche, avec l’installation de centres pilotes en Afrique, en Asie et au Brésil. On travaille avec le centre scientifique et médical de Monaco. Nous sommes appuyés par l’OMS et l’Unesco. J’ai bon espoir d’obtenir les subventions nécessaires.

*Maladie génétique due à une anomalie de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges. La greffe de cellules souches permet de remplacer les globules rouges déficients par des globules rouges normaux formés par la moelle osseuse du donneur.