vendredi 19 avril 2024
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Théo Christine : « JoeyStarr m’a accueilli comme si j’étais son fils »

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Tête d’affiche du film Suprêmes (2021) dans lequel il incarne brillamment le rappeur JoeyStarr, Théo Christine a vu sa carrière de comédien décoller, grâce à ce biopic consacré au groupe NTM. Présent en principauté à l’occasion du festival de télévision de Monte-Carlo, pour recevoir la première Nymphe d’Or du meilleur espoir international, il s’est confié à la presse avec décontraction et humilité. Interview.

En 2021, vous montiez les marches du festival de Cannes et un an plus tard, vous obtenez une Nymphe d’Or au festival de télévision de Monte-Carlo : mesurez-vous l’impact du film Suprêmes ?

La mission première de ce film était de rendre hommage à toute cette génération qui a connu NTM et l’émergence du hip-hop en France. Quand les gens de cette génération qui ont connu les concerts nous disent qu’ils ont été touchés, ça me rend fier. Et Didier Morville [alias JoeyStarr — NDLR] et Bruno Lopes [alias Kool Shen — NDLR] sont super fiers du film. Donc on se dit qu’on a fait le job, et qu’on n’est pas passé à côté. C’était important, parce qu’on avait une petite pression (rires).

C’est beaucoup de pression que d’interpréter un personnage comme JoeyStarr ?

Avec Sandor Funtek qui joue Kool Shen, on avait la sensation d’être seuls contre le reste du monde. Comme NTM à leurs débuts, en fait. On s’est retrouvé dans le même schéma. Il y avait de la pression, surtout que je ne connaissais pas trop le groupe au début du projet. Je ne savais pas grand-chose. Pour moi, ce n’était que deux rappeurs. J’ai donc abordé le travail sans pression. Mais, en travaillant, je me suis rendu compte de tout ce qu’ils avaient traversé, et la pression est arrivée. Mais on était très bien entouré avec des coaches de rap, de danse, ou de graffitis. Audrey Estrougo [la réalisatrice du film — NDLR] nous faisait complètement confiance, et nous laissait une grande liberté dans le travail. Nous avions du temps pour ce film, et c’est rare dans des projets français. C’était un luxe.

« La mission première de Suprêmes était de rendre hommage à toute cette génération qui a connu NTM et l’émergence du hip-hop en France »

Comment s’est passée votre rencontre avec JoeyStarr ?

Tout s’est très bien passé. Il m’a invité un soir chez lui. Il projetait la saison 2 de La Route de la soif [une série documentaire avec JoeyStarr – NDLR]. Il m’a très bien accueilli, et il a été très généreux, comme si j’étais son fils. C’était comme si j’étais déjà venu quinze fois chez lui. Dans le travail, lui et Kool Shen sont venus après deux mois de tournage, et ils nous ont donné beaucoup de conseils. On a su qu’on était sur le bon chemin quand on a eu leur soutien. On avait toutes les clés en main pour faire du bon travail.

En interprétant ce rôle, avez-vous eu le sentiment d’appartenir au mythique groupe de rap ?

Non, je ne prétends pas cela. Nous avons retranscrit ce qu’ils ont fait, et cette histoire leur appartient. C’était une autre époque, en revanche, j’ai eu l’impression de vivre ce qu’ils vivaient, avec toute l’équipe de tournage. Nous étions plongés à 100 % dans notre rôle, et j’ai le sentiment que pendant un an, nous avons été les petits NTM de 2021.

« S’il y avait un autre Suprêmes, je ne suis pas sûr que j’y retournerais non plus même si j’ai pris beaucoup de plaisir. Je me lasse très vite (rires), je suis toujours à la recherche de nouveautés. » Théo Christine. Acteur. © Photo Festival de télévision Monte-Carlo

Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans ce rôle ?

La scène. Il y avait des archives de leurs concerts. Ils sont connus aussi pour mettre le feu sur scène, donc la comparaison allait être immédiate. Alors que pour les scènes plus intimes, je pouvais aussi apporter de ma cuisine, ma fragilité. Mais les scènes de concert étaient un vrai challenge. C’est d’ailleurs ce qui a pris le plus de temps. Il fallait apprendre tous les textes, car les sons du premier album Authentik (1991) vont très vite. Il fallait aussi appréhender le corps de Didier, le lien avec Kool Shen, le contexte des années 1980, où les mouvements en concert sont beaucoup plus terrestres, moins aériens.

« [Concernant son absence aux César] Il y avait un peu de frustration et de déception. Surtout qu’il y avait tous mes potes dans les cinq nominés, et qu’en mettant Sandor, ils nous ont séparés (rires) ! »

Vous serez à l’affiche de BRI, la prochaine série de Canal+ : Pouvez-vous en dire plus sur ce projet ?

Cette série raconte le quotidien d’une équipe de la BRI Versailles, qui opère sur tout le territoire français. Il y a les corrélations avec les voyous, les braqueurs, et les terroristes. Et, en parallèle, on s’intéresse à la vie privée de chaque personnage. Jérémie [Guez, le réalisateur — NDLR] ne voulait pas uniquement une série de flics. Il voulait que les personnages deviennent attachants, qu’on comprenne leur vie, leurs motivations à faire ce job, et les risques qu’il comporte. Je joue Socrate, un jeune issu de la brigade anti-criminalité (BAC) qui débarque à la brigade de recherche et d’intervention (BRI). Le casting est super : Sofian Khammes, Ophélie Bau, Rabah Naït Oufella, Sami Outalbali, et c’est réalisé par Jérémie Guez qui est passionné par la voyoucratie.

Accepteriez-vous de refaire une apparition dans la série Skam ?

Pas forcément, parce que j’ai tourné la page Skam (2018 — en production). S’il y avait un autre Suprêmes, je ne suis pas sûr que j’y retournerais non plus, même si j’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai envie d’autre chose maintenant. Je me lasse très vite (rires). Je suis toujours à la recherche de nouveautés.

Vous avez fait partie de la présélection des 32 meilleurs espoirs aux César 2022, mais vous n’avez finalement pas été retenu parmi les cinq nominés dans la catégorie meilleur espoir masculin : comment l’avez-vous vécu ?

Sur le moment, il y avait un peu de frustration et de déception. Surtout qu’il y avait tous mes potes dans les cinq nominés, et qu’en mettant Sandor, ils nous ont séparés (rires) ! Mais c’est le jeu. Je n’ai pas fait Suprêmes pour avoir des prix. Je l’ai fait pour rendre hommage à toute cette génération, et au hip-hop français. Et puis, honnêtement, Ben [Benjamin Voisin, César du meilleur espoir masculin en 2022, NDLR] le mérite tellement. Il aurait même dû l’avoir l’année dernière. C’était son tour.

Vous avez reçu la première Nymphe d’Or du meilleur espoir international du festival de télévision de Monte-Carlo : qu’est-ce que ce prix représente pour vous ?

Ça fait plaisir de le recevoir, mais je n’étais pas tout seul. Il y avait tous les autres comédiens, les techniciens, la réalisatrice, nos coaches… Le prix devrait revenir à toutes ces personnes. Je ne peux pas me l’approprier, parce que sans eux, je n’aurais jamais fait ce film, donc je n’aurais jamais eu ce prix. C’est quelque chose de collectif. Je dédierai toujours mes récompenses au collectif. Le festival de télévision de Monte-Carlo, ce n’est peut-être pas les César, mais je suis content, car il y a un très gros pôle international, et pour quelqu’un qui souhaite s’exporter, c’est hyper intéressant. J’ai rencontré des acteurs comme Ricky Whittle qui joue dans Les 100 (2014-2020), ou Michael Hirst qui est le créateur de la série Vikings (2013-2020). Je suis un peu comme un gosse. C’est la découverte, et je suis très heureux d’être là.

« Le festival de télévision de Monte-Carlo, ce n’est peut-être pas les César, mais je suis content, car il y a un très gros pôle international, et pour quelqu’un qui souhaite s’exporter, c’est hyper intéressant »

Qui sont vos modèles ?

J’ai plein de modèles : Denzel Washington, Will Smith, Marion Cotillard, Tahar Rahim, Joaquin Phoenix, Jim Carrey, Al Pacino, ou Travis Finnel qui joue Ragnar dans la série Vikings, et que je trouve incroyable.

Vous dites vous « lasser » très vite : ça se matérialise comment ?

J’ai dû mal à rester en place. Je suis assez intense. Quand je vais dans un truc, je vais y aller à fond. Mais comme j’y vais à fond et que je découvre tout d’un coup, il y a ensuite une petite baisse de régime. Le métier d’acteur me convient donc parfaitement, car les possibilités sont infinies.

Vous avez pourtant découvert ce métier sur le tard ?

Oui, à 20 ans. Mais je n’aurais pas forcément voulu le connaître avant. Je trouve ça assez dangereux de faire ce métier très jeune. Je me suis lancé, car je me suis rendu compte que je ne pourrais pas être surfeur professionnel. Je devais trouver autre chose. Alors je suis parti à Paris pour découvrir le théâtre et la littérature au cours Florent.

Jouer le rôle d’un surfeur comme dans Point Break (1991), ça vous plairait ?

J’ai déjà fait une série, qui s’appelle La dernière vague (2019), où je surfais. Mais les films de surf sont compliqués, car il faut qu’ils parlent à tout le monde. Or, quand ça parle à tout le monde, ça parle un peu moins à la petite communauté [de fans et de pratiquants — NDLR]. C’est un peu frustrant. Je préfère laisser ça à d’autres. Moi je sais ce que c’est, j’ai fait du surf pendant longtemps. Et il y a tellement d’autres rôles à interpréter.

Quelles sont vos séries préférées ?

Vikings est incroyable. J’aime aussi The Wire (2002-2008), Euphoria (2019 — en production), Top Boy (2011 — en production), Ozark (2017-2022), Gomorra (2014 — en production), We own this city (2022 — en production) sur OCS. Je suis très manga aussi. Il y a toujours une morale à l’intérieur, qui est importante et très motivante.