samedi 27 avril 2024
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Retraites en Europe : « Un combat commun pour une protection sociale plus juste »

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La principauté de Monaco a accueilli, jeudi 15 juin 2023, la deuxième conférence des organisations européennes des pensionnés et retraités. L’occasion pour les syndicats internationaux, Union des syndicats de Monaco (USM) et Union des retraités de Monaco (URM) en tête, de réaffirmer leur opposition aux réformes des retraites qui secouent actuellement le Vieux Continent.

C’est dans un contexte de protestation et de tension sociale autour de la réforme des retraites que s’est déroulée, jeudi 15 juin 2023, au Novotel de Monaco la deuxième conférence européenne des organisations de pensionnés et retraités de la Fédération syndicale mondiale (FSM), dont font partie depuis 2018 l’Union des syndicats de Monaco (USM) et l’Union des retraités de Monaco (URM), organisateurs de cet événement. « Ce n’est pas un hasard si cette conférence a lieu sur le sol européen. Car, à l’heure actuelle, il y a des enjeux importants sur la retraite. À l’image de ce qui se passe dans le pays voisin [en France — NDLR] : 6 mois de bataille et plus de 14 actions interprofessionnelles pour lutter contre les politiques d’austérité mises en place au niveau européen. Parce que c’est l’Union européenne (UE) qui menace les gouvernements à mener ce type de réformes », explique Olivier Cardot, secrétaire général de l’USM. Au total, les délégations de 21 pays ont participé à cette journée de débats et d’échanges, auxquels se sont également greffés des actifs et retraités de la principauté à la grande satisfaction des organisateurs. « Cette conférence fera date dans l’histoire de nos organisations. Car elle rassemble trois générations : celle qui a bâti le système de retraite, les retraités eux-mêmes mais aussi les actifs, se félicite Olivier Cardot. Nous avons un combat commun à mener, pour une protection sociale plus juste, à l’avenir. Ces attaques contre les retraites concernent au plus haut point les actifs ».

« Si nous n’arrivons pas à lutter ensemble, dans quelques années, nous aurons des retraités pauvres. Et cela aura aussi des conséquences très graves pour nos enfants et pour nos petits-enfants »

Pierpaolo Leonardi. Responsable européen de la Fédération syndicale mondiale

« Il y a une vie après le travail »

Responsable européen de la FSM, Pierpaolo Leonardi ne dit pas autre chose : « Ce sont les actifs qui paieront le plus lourd tribut de ce qui se passe aujourd’hui. Si nous n’arrivons pas à lutter ensemble, dans quelques années, nous aurons des retraités pauvres. Et cela aura aussi des conséquences très graves pour nos enfants et pour nos petits-enfants », met en garde le syndicaliste italien. « Les gouvernements ont mis l’humain de côté depuis bien longtemps pour s’approprier et accroître les profits. Les inégalités n’ont jamais été aussi grandes dans notre monde », renchérit Olivier Cardot qui appelle donc à faire front commun contre ce qu’il juge être une « régression sociale ». Les représentants de pensionnés craignent tout particulièrement une privatisation totale des systèmes de retraites, comme aux Etats-Unis, où « nos camarades doivent choisir entre se soigner et se nourrir. Ce qui se passe là-bas, ils veulent le transférer en Europe », s’inquiète Quim Boix, secrétaire général de l’Union internationale des syndicats des pensionnés et retraités de la FSM, qui revendique « une longue et digne vie pour les retraités ». « Il y a une vie après le travail. Il faut donner les moyens à nos retraités de vivre dignement de leur retraite, et abroger cette loi honteuse », poursuit Olivier Cardot. Plus mobilisées que jamais, les délégations internationales ont donc profité de ce rassemblement en principauté pour réaffirmer et renforcer leurs liens de solidarité, mais aussi pour faire émerger des revendications communes qu’elles ont toutes signées à l’issue de la conférence jeudi dernier. On retrouve parmi elles l’« âge de départ à la retraite à 60 ans, le salaire minimum pour toutes les pensions, l’égalité homme-femme, la prise en charge de la santé assurée par l’État », énumère Quim Boix. Ces revendications pourraient, à terme, faire l’objet d’une « intervention auprès des instances européennes, voire mondiales », avance Olivier Cardot. « L’ambition est de donner une ligne de conduite et de former un front uni face à l’Union européenne ». Comme « exemple-type de ce qui arrive quand les organisations syndicales sont solidaires entre elles », le représentant de l’USM garde notamment en mémoire la création de la caisse monégasque de retraite complémentaire, dont le lancement est prévu au 1er janvier 2024 [à ce sujet, lire notre interview de Franck Lobono : « À Monaco, en matière d’emploi et de retraite, nous avons les capacités d’être autonomes »].

« Beaucoup ont des carrières mixtes. Donc, la réforme mise en place en France va les toucher de plein fouet, et la réforme mise en place à Monaco va les toucher de plein fouet. C’est le double effet »

Olivier Cardot. Secrétaire général de l’Union des syndicats de Monaco

« Un recul social » aussi à Monaco

Mais Olivier Cardot n’oublie pas, non plus, la réforme des retraites de 2012 qui a marqué, à ses yeux, « un grave recul social ». « Avant 2012, il y avait un barème d’acquisition de points. Mais, avec cette réforme et l’effet de levier qui y a été associé, les actifs paient aujourd’hui plus cher le point de retraite qu’ils ne le payaient auparavant. Résultat, quand ils partiront à la retraite, ils auront une pension qui sera inférieure d’environ 40 % à celle qu’ils auraient gagnée avant la réforme de 2012 ». Avec ce vent de réforme qui souffle sur les retraites en Europe, la principauté pourrait-elle, à son tour, revoir son système de protection sociale ? Le secrétaire général de l’USM n’écarte pas cette hypothèse (1) : « On peut clairement se poser la question, d’un point de vue stratégique. Réforme des retraites en France en 2023, à quand une nouvelle réforme des retraites à Monaco ? ». À l’heure actuelle, l’âge légal de départ à la retraite demeure fixé à 65 ans en principauté, et à partir de 60 ans en cas de carrière complète. Ce qui, selon Olivier Cardot, concernerait seulement « 5 % de la population salariée ». « Beaucoup ont des carrières mixtes. Donc, la réforme mise en place en France va les toucher de plein fouet, et la réforme mise en place à Monaco va les toucher de plein fouet. C’est le double effet », dénonce ce syndicaliste qui invite par conséquent à rester mobilisé. « Dans les prochains mois, nous pourrons enfin disposer d’un système de retraite typiquement monégasque [avec la future création de la caisse monégasque de retraite complémentaire — NDLR], qui permettra d’augmenter les pensions, car il y en a besoin. Il ne faut pas oublier qu’à Monaco aussi, dans un pays où il y a 7 milliards d’euros de PIB, des retraités peinent à se nourrir et à se loger. Monaco a les moyens, mais il a d’autres priorités que d’aider les aînés qui aspirent à une retraite plus juste ». Le message est passé.

1) A ce sujet, lire la réponse du conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Christophe Robino, publiée dans ce numéro.