vendredi 26 avril 2024
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Réforme des retraites
Le calendrier et les mesures font débat

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© Photo D.R.

La réforme des retraites ne passera pas comme une lettre à la poste. Les élus annoncent déjà la couleur.

C’est bien une patate chaude. Un « bâton merdeux » selon la formule de l’ancien vice-président du conseil national Bernard Marquet. Stéphane Valeri le savait parfaitement quand il a pris ses fonctions au gouvernement début 2011. La réforme du système des retraites de la CAR ne se fera pas par un coup de baguette magique. Si le conseiller pour les Affaires sociales s’est fixé une obligation de résultat quant à l’aboutissement de cette réforme, au nom de « la responsabilité politique » et de la Realpolitik, chaque jour démontre davantage la difficulté de l’adoption de telles mesures. A peine Stéphane Valeri vient-il d’annoncer le calendrier de la réforme que les cailloux se multiplient dans la chaussure du conseiller de gouvernement. Premier point d’achoppement?: l’absence de consensus. On le savait déjà mais la convergence semble impossible à trouver chez les partenaires sociaux sur les mesures de précaution à adopter pour « sauver » le système des retraites et les faire entrer en vigueur au début de l’automne. Il y a deux semaines, dans nos colonnes, l’Union des syndicats réaffirmait d’ailleurs son objection de principe à toute réforme « précipitée » (voir MH n° 781), proposant au gouvernement de puiser dans le fond de réserve de la CAR. Ou au pire des cas, de « modifier la loi ayant créé un taux additionnel dont la cotisation est à la charge de l’employeur afin de compléter, si besoin, la fraction du fonds de réserve utilisée. » Et selon nos sources, la Fédération patronale n’est pas franchement emballée par les pistes évoquées par le conseiller.

« Calendrier inopportun »
Aujourd’hui, c’est au conseil national d’émettre des réserves. Lors de la dernière conférence de presse mensuelle de l’assemblée, le 7 mars, le président de la commission des Finances Alexandre Bordero a été des plus clairs?: « Nous sommes gênés par le calendrier de la réforme. Le mois de juillet ne nous semble pas le meilleur moment pour voter ce type de loi qui peut entraîner des mouvements sociaux. Qu’on ne se retrouve pas avec une menace de grève à la veille du bal de la Croix-Rouge?! Ce ne serait pas productif et quelle image cela donnerait de Monaco au moment où la fréquentation touristique est au maximum et où nous engrangeons le plus de recettes. »
Et si le conseil national estime que le « calendrier n’est pas bon sur le plan économique », c’est encore pire d’un point de vue politique. Jean-François Robillon le juge carrément « inopportun ». D’autant que les élus, informés par la presse sur la teneur des mesures envisagées, n’ont toujours pas eu de communication officielle de la réforme gouvernementale?: « Nous sommes dans l’expectative. Il est urgent que le gouvernement nous présente ce dossier. Quelles sont les propositions possibles?? Les pistes envisagées?? Je n’ai jamais reçu aucun courrier du gouvernement », tempête Jean-François Robillon pour qui le dossier est géré dans la « précipitation ». Car une fois le projet de loi déposé, a priori en avril, il faudra que les élus tâtent le pouls, eux aussi, des partenaires sociaux. Ce qui ne se fera pas en deux temps trois mouvements. Sur le fond de la réforme, Jean-François Robillon pose déjà une condition non négociable?: « Elle ne devra pas pénaliser les petits retraités ». Politiquement, on peut imaginer que voter un tel texte en juillet, en douce durant les vacances d’été, à quelques mois des élections, ne soit pas très populaire. Même si Robillon juge « qu’en politique, il faut savoir prendre ses responsabilités », il est impensable de voter en dernière minute une masse de textes capitaux pour l’avenir de Monaco. La session extraordinaire de juillet doit déjà permettre d’avaliser le fameux « code de l’économie » qui exige pas moins de 3 séances. Or le texte est toujours dans les cartons du gouvernement…
« Embouteillage législatif »
Même son de cloche du côté de l’opposition?: « Dans les 6 mois qui viennent, il y a un réel embouteillage législatif avec des lois à voter aussi disparates les unes que les autres. Par nature je déteste qu’on me mette la pression. Un parlement ne travaille pas dans l’urgence, on ne lui dicte pas son timing », déclare ainsi Laurent Nouvion, élu R&E. Et ce même s’il est d’accord avec le gouvernement sur la nécessité de modifier le régime?: « Depuis 2008, notre position n’a pas varié. Nous souhaitons une mise à plat équitable pour tous. » Pour autant, faute d’information, l’opposant se voit mal voter un texte dans la précipitation?: « A ce stade, nous n’avons toujours pas reçu la dernière étude 2011 sur le résultat du régime général et du fonds de réserve de la CAR. Nous attendons des données actualisée qui ne feront que confirmer nos préoccupations d’agir sur la CAR de manière responsable et équitable. » S’il a déjà démarré la consultation des partenaires sociaux, Nouvion sait aussi que trouver un terrain d’entente est délicat?: « Devant les positions très antinomiques de l’USM et de la Fédération Patronale, nous considérons qu’il est maintenant temps d’être « adultes » c’est à dire que les partenaires sociaux, comme leur nom l’indique, se parlent et travaillent vite ensemble pour trouver un compromis salutaire, sans idéologie ni dogme préconçu, d’un côté comme de l’autre. » Vite mais pas trop tout de même.

Vote en septembre??
Ces positions très tranchées pèseront-elles sur le calendrier de la réforme?? Interrogé par Monaco Hebdo, le conseiller pour les affaires sociales confirme la nécessité de voter la loi avant l’automne. « Si une nouvelle loi n’est pas votée avant le 30 septembre 2012, compte-tenu de l’important déficit entre les cotisations perçues et les pensions versées, la part des intérêts du Fonds de réserve de la CAR, que les textes nous permettent de consacrer à l’allocation de salaire unique, versée aux plus modestes des retraités, imposerait de diminuer cette aide indispensable de plus des 2/3 », explique Stéphane Valeri. Avant d’affirmer?: « Rien ne pourra nous détourner de notre devoir, qui est de préparer l’avenir, avec pragmatisme et avec comme seul objectif la défense de l’intérêt général. » Et d’envoyer la balle dans le camp du conseil national?: « Ce sera alors au tour des élus de prendre leurs responsabilités. »
Sur le timing, le conseiller Valeri consent néanmoins à décaler le vote en septembre?: « Ce n’est pas juillet, mais septembre 2012, qui nous impose une échéance importante, ce qui laissera près de 5 mois au conseil national pour étudier ce projet de loi. On ne peut donc parler d’examen en urgence. » Avec une petite justification au passage?: « Si j’ai parlé d’un possible examen en juillet, c’est parce qu’une session extraordinaire devrait avoir lieu à cette date pour voter la loi sur la modernisation du droit des affaires et qu’il semble alors logique d’en profiter pour débattre également du projet sur les retraites. »
L’occasion aussi de tacler Jean-François Robillon?: « J’ajoute que lors d’un déjeuner de travail récent, j’ai informé le président du conseil national et son chef de cabinet de ce calendrier probable », indique Stéphane Valeri. D’ailleurs quand on demande au conseiller s’il compte informer les élus des mesures envisagées, le message est très clair sur la répartition des tâches?: « A chacun son rôle et ses prérogatives. Conformément à nos institutions, c’est au gouvernement et à lui seul qu’il revient de préparer les projets de loi. Il est donc normal que ce soit l’Exécutif qui conduise la concertation avec les partenaires sociaux et prépare les mesures de sauvegarde du régime. A son issue, nous déposerons dans les prochaines semaines un texte sur le bureau du conseil national. Viendra alors le temps de sa présentation, de l’information exhaustive, de la concertation et du débat avec les élus. » Compte-tenu de l’importance de ce dossier pour Monaco, le gouvernement se dit tout de même disposé à participer le jour même du dépôt du projet de loi, à une commission plénière d’étude avec l’ensemble des conseillers nationaux.