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Emploi, dépendance, accès aux soins, handicap… Christophe Robino présente sa feuille de route

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Jeudi 3 novembre 2022, le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Christophe Robino, a convié les médias locaux à une conférence de presse au cours de laquelle l’ancien élu au Conseil national a dévoilé les grandes priorités de son département. De la question de la dépendance à la protection des plus vulnérables, en passant par l’emploi et l’accès aux soins… Monaco Hebdo fait le point sur les principales déclarations.

Emploi — « Des minima salariaux » pour l’hôtellerie-restauration

Au rayon des bonnes nouvelles, le conseiller-ministre s’est félicité de l’accord trouvé entre les syndicats des Hôtels, Cafés et Restaurants (HCR), celui des Cuisiniers et Pâtissiers et l’Association des Industries Hôtelières Monégasques (AIHM) pour l’application de grilles de salaires minimum. On se rappelle qu’en mai 2022, une centaine de salariés de la branche hôtellerie de la Société des bains de mer (SBM) avait débrayé pendant le Grand Prix historique pour réclamer de meilleures conditions salariales. « Les négociations avaient pour but de remettre en place, dans le cadre de la convention hôtelière, des minima salariaux. Et même si certains étaient pessimistes sur l’aboutissement de ces négociations, l’avenant à la convention a été signé le 18 octobre 2022. Il permet d’avoir des grilles de salaires avec des minima revalorisés, qui se basent en partie sur les grilles françaises et qui en sont aussi décorrélés puisque nous nous sommes autorisés à réévaluer les grilles en fonction du contexte économique », précise Christophe Robino.

Cet accord représente, à ses yeux, un « événement marquant » dans la mesure où « ces grilles n’avaient pas été réactualisées depuis 1999 ». « Mais ce n’est pas une fin en soi », estime le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, qui prévoit désormais de s’attaquer à l’amélioration des conditions de travail. Dans son collimateur, les « coupures en milieu de journée » qui selon lui alourdissent la charge de travail et compliquent la question des transports. Afin de rendre plus attractifs les emplois en principauté, les services de l’État envisagent également de mettre à jour les dispositifs de formation professionnelle. « La formation professionnelle fait un peu défaut à Monaco et doit être développée », affirme Christophe Robino qui milite en faveur d’une révision des conditions de financements. « Nous avons débuté des discussions avec un certain nombre de représentants des employeurs, en particulier la chambre patronale du bâtiment qui nous a fait une proposition intéressante sur laquelle nous réfléchissons ». Dans le même temps, le gouvernement princier a repris les discussions avec la France afin d’identifier les moyens à mettre en place pour mutualiser la formation.

Économie — Le marché de l’emploi « au beau fixe » à Monaco

Malgré des perspectives économiques qui plongent, sur fond de crise énergétique et d’inflation, le marché de l’emploi se porte bien en principauté, comme en atteste le dernier baromètre (1) publié en septembre 2022 par l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (Imsee), et confirmé par le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé ce jeudi 3 novembre 2022. « Nous avons dépassé les 60 000 emplois salariés en juin 2022, qui est un chiffre jamais atteint. Y compris en 2021, et même en 2019 où l’emploi fin décembre était aux alentours de 57 000 salariés à Monaco », souligne Christophe Robino. Dans le même temps, le nombre d’heures travaillées continue d’exploser puisqu’en juin dernier, il dépassait allègrement les 47 millions, « ce qui n’a jamais été atteint auparavant » précise le conseiller-ministre. Et il devrait selon toute vraisemblance franchir les 90 millions d’ici la fin de l’année 2022 pour atteindre des niveaux inédits en principauté. Cette résistance du marché du travail se traduit aussi par un chômage historiquement bas avec 625 chômeurs recensés sur le territoire national en septembre 2022.
1) Bulletin de l’économie du deuxième trimestre 2022. À retrouver sur le site Internet de l’Imsee.

Santé — Hôpital de jour de Beausoleil : ouverture espérée en janvier 2023

Si les discussions semblent en bonne voie concernant la convention de sécurité sociale, il arrive parfois que la coopération entre les deux pays se grippe. Cela a été le cas dernièrement pour le nouveau centre d’accueil de jour de Beausoleil destiné aux enfants et adolescents souffrant de troubles du comportement. L’établissement devait initialement accueillir ses premiers élèves à partir de la rentrée scolaire de septembre 2022 mais des lenteurs administratives sont venus contrecarrer les plans, comme l’explique Christophe Robino : « Les négociations en cours portent essentiellement sur les accords administratifs et certaines lenteurs font que nous n’avons pas encore pu conclure cet accord. Néanmoins, j’ai bon espoir qu’il soit conclu d’ici la fin de l’année avec une ouverture du centre en janvier 2023 ».

« Le gouvernement monégasque a préféré s’aligner sur ce budget global, donc les ambiguïtés sont levées »

Christophe Robino. Conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé

La construction de cet établissement est financée à part égale entre la France et Monaco. Mais les modes de calcul différeraient entre les deux pays, ce qui a suscité quelques incompréhensions à l’origine de ce retard : « La France finance ce genre de structure sur un budget global, soins et fonctionnement. Alors qu’à Monaco, le gouvernement finance la partie fonctionnement et les caisses sociales la partie soins. Finalement, le gouvernement monégasque a préféré s’aligner sur ce budget global, donc les ambiguïtés sont levées, et la France a l’assurance que le financement se fera sous un format budget global, et non plus ventilé entre la part gouvernementale et la part assurance maladie ». Ce centre doit accueillir 35 jeunes en difficulté d’insertion scolaire issus pour moitié de Monaco (résidents ou scolaires de la principauté). Les équipes médicales et paramédicales étant mises à disposition par l’hôpital Lenval.

International — Convention franco-monégasque de sécurité sociale : l’optimisme règne

Des discussions avec la France, Christophe Robino en a aussi entamées au sujet de la convention franco-monégasque de sécurité sociale. Alors que des inquiétudes étaient apparues quant à la pérennité de cette convention, le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé monégasque s’est voulu rassurant jeudi 3 novembre : « Je suis assez optimiste, car les discussions que nous avons pu avoir avec les pouvoirs publics français, notamment à l’occasion de la commission de coopération franco-monégasque, puis de la commission mixte [qui se sont tenues à Paris les 10 et 11 octobre 2022 — NDLR] nous ont permis de faire valoir les conséquences de la révision de cette convention, qui existe depuis 1952 et qui jusqu’à présent a donné pleine satisfaction. Je ne crois pas aujourd’hui qu’il soit envisagé de revenir sur la possibilité pour les résidents des Alpes-Maritimes d’accéder librement aux structures de santé monégasques », a déclaré Christophe Robino.

Au début du mois d’octobre 2022, le député Les Républicains (LR) Éric Ciotti s’était ému, dans une lettre adressée au ministre français de la santé François Braun, de possibles modifications dans cette convention. L’élu maralpin y faisait mention d’un projet de disposition « selon lequel la Caisse primaire d’Assurance maladie ne rembourserait plus les actes prodigués aux ressortissants français dans les établissements de santé monégasques sans entente préalable ». Une telle mesure ne devrait donc pas être adoptée selon le ministre monégasque, qui envisage, au contraire, de renforcer davantage la coopération entre les deux pays. « Je suis tout à fait favorable à ce que l’on puisse construire un projet régional, ensemble et pour tous, concernant le développement des offres de soins à Monaco et dans le département voisin. Il est nécessaire que nous nous coordonnions, en sachant que nous sommes complémentaires », a fait savoir Christophe Robino citant en exemple le plus récent, la participation du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) à la prise en charge de l’épidémie de bronchiolite pour soulager les structures voisines saturées.

Solidarité — Régime de retraite : une soulte de 2 milliards d’euros à payer

Autre chantier d’envergure du département des affaires sociales et de la santé, la création d’une caisse de retraite complémentaire à Monaco. À ce sujet, le ministre de la santé a annoncé, jeudi, qu’un projet de loi allait être déposé au Conseil national d’ici la fin de l’année 2022. Le rapatriement, lui, ne devrait pas avoir lieu avant janvier 2024, car l’État monégasque est encore engagé dans d’âpres négociations avec l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) – l’Association des régimes de retraite complémentaire des salariés (ARRCO), qui réclame une soulte conséquente, estimée à plus de 2 milliards d’euros. « Nous essayons de négocier le délai le plus long possible. Cela permettra de rembourser les pensions déjà liquidées et qui continueront d’être versées par l’AGIRC-ARRCO à ceux qui en bénéficient. Seules les pensions à venir seront prises en charge directement par la caisse monégasque de retraite complémentaire quand elle ouvrira ses portes », explique Christophe Robino. L’État a fait savoir qu’il se porterait garant en cas de défaut de paiement. « Mais nous espérons ne pas en arriver là, tient à rassurer le conseiller-ministre. La soulte sera remboursée au travers des cotisations qui sont perçues par ce régime de retraite complémentaire et qui devraient permettre la constitution d’un fonds de réserve de trois ans ». Christophe Robino a finalement conclu son intervention en appelant à la patience dans ce dossier épineux : « Je sais que certains regrettent que ça n’aille pas assez vite mais il faut mesurer l’enjeu et l’importance de l’investissement fait par l’État en faveur des salariés du privé ».

Santé — L’accès aux soins, « une priorité absolue »

Ancien chef du service de spécialités médicales néphrologie-hémodialyse au centre hospitalier princesse Grace (CHPG), Christophe Robino entend faire de la qualité et de l’accès aux soins en principauté son cheval de bataille. Le nouveau conseiller-ministre les a en effet érigés en « priorités absolues » et a d’ores et déjà avancé des pistes d’amélioration. Au premier rang desquelles la nécessité de réinvestir et redynamiser la médecine de ville. « Pendant des années, la politique a été de regrouper l’offre de soins sur la structure hospitalière ce qui, à mon sens, est une erreur. Cela a pour effet des délais de rendez-vous extrêmement longs, et ce, quand les spécialistes acceptent de prendre de nouveaux patients », constate-t-il citant en exemple la pédiatrie et la gynécologie.

« Pendant des années, la politique a été de regrouper l’offre de soins sur la structure hospitalière ce qui, à mon sens, est une erreur », constate Christophe Robino, citant en exemple la pédiatrie et la gynécologie

Pour relancer les soins de proximité, le département travaille donc en étroite collaboration avec l’Ordre des médecins pour faciliter l’installation de nouveaux praticiens « peut-être en créant des structures spécifiques à l’exemple des maisons médicales en France. Il faut trouver des solutions pour que des médecins puissent s’installer en ayant des loyers raisonnables, assumables, et que cela ne soit pas un facteur de refus d’installation en principauté ». Pour faire face à la saturation des cabinets de médecine générale, le département a par ailleurs pris deux mesures : autoriser les praticiens installés à avoir deux associés au lieu d’un, et donner la possibilité aux généralistes de se faire remplacer par des médecins récemment retraités. Et ce, afin d’éviter la fermeture des cabinets pendant les vacances. Concernant son ancienne maison, le conseiller-ministre s’est enfin félicité de l’application du Ségur de la santé, version monégasque, qui offre désormais aux salariés de l’hôpital une rémunération net supérieure à +34 % par rapport aux salaires français, « à profession et échelon équivalents ». Sans oublier les régimes indemnitaires plus favorables à Monaco. De quoi renforcer l’attractivité du CHPG, aujourd’hui confronté à des difficultés de recrutement.

Législation — Abrogation de l’article 6 : « Je n’y suis pas du tout favorable »

Invité à se prononcer sur la proposition faite par la Fédération des syndicats de salariés de Monaco (F2SM) d’abroger l’article 6, qui permet à un employeur de licencier un salarié sans motif, Christophe Robino n’y est pas allé par quatre chemins. « Je n’y suis pas du tout favorable », a répondu le nouveau conseiller aux affaires sociales et à la santé, qui juge que « cet élément offre, lorsqu’il est bien utilisé, une certaine souplesse au marché de l’emploi à Monaco ». Le conseiller-ministre reconnaît toutefois que cet article 6 est « surutilisé » en l’absence de « possibilité de se mettre d’accord sur un départ négocié du salarié ». La création de modes alternatifs est donc à l’étude.

Parmi les pistes évoquées, la rupture conventionnelle figure en bonne position : « L’intérêt est évident : les délais sont plus courts, on négocie la prime de départ, et surtout on s’évite beaucoup de recours » estime Christophe Robino

Parmi les pistes évoquées, la rupture conventionnelle figure en bonne position : « Il s’agit d’une solution raisonnable à laquelle il faut vraiment réfléchir, assure Christophe Robino. L’intérêt est évident : les délais sont plus courts, on négocie la prime de départ, et surtout on s’évite beaucoup de recours. Cela simplifierait la relation entre l’employeur et l’employé au moment de la cessation de leur collaboration ». En parallèle, le département des affaires sociales et de la santé travaille également sur l’encadrement légal de l’intérim.

Économie — Nouveau CHPG : un chantier à plus d’un milliard d’euros ?

Lancé au milieu des années 1990, le projet de nouvel hôpital a connu bien des feuilletons et rebondissements. Et d’année en année, son budget n’a cessé d’évoluer, passant au fil du temps de 230 à 700 millions d’euros. Aujourd’hui, selon le nouveau conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, il est estimé à 950 millions d’euros. Et il devrait, selon toute vraisemblance, encore augmenter d’ici l’achèvement du chantier prévu pour 2032. Faut-il alors craindre un chantier à un milliard d’euros ? « En 2014, j’avais donné une interview avec Jean-Michel Cucci à Monaco Hebdo. Nous parlions à l’époque d’un chantier à 1,2-1,4 milliard d’euros. Je pense que nous y serons », estime Christophe Robino. Les délais devraient en tout cas être respectés, assure le membre du gouvernement : « Les travaux de terrassement sont terminés. Nous en sommes à construire les parkings. Mais aujourd’hui, il n’y a pas lieu d’envisager des retards particuliers. La phase I devrait normalement être livrée entre 2025-2026. Et la fin des opérations tiroirs et de l’aménagement devrait avoir lieu en 2032 ».

Santé — Obligation vaccinale : 18 personnes toujours suspendues au CHPG

Alors que l’Italie vient d’autoriser les soignants non-vaccinés à reprendre le travail, le gouvernement monégasque n’a, pour le moment, pas prévu de revenir sur cette mesure. « Aujourd’hui, comme la France, tant que les mesures “exceptionnelles” perdurent, l’obligation vaccinale se maintient », a indiqué Christophe Robino, rappelant que la durée d’application de la loi était de 18 mois, soit jusqu’au 30 avril 2023. « Nous réexaminerons la situation à ce moment-là, sauf si entre-temps l’arrêté ministériel [relatif à l’urgence sanitaire — NDLR] est abrogé ». À l’heure où Monaco Hebdo bouclait ces lignes, mardi 8 novembre 2022, 18 personnes étaient toujours suspendues au centre hospitalier princesse Grace (CHPG), car non-vaccinées contre le Covid-19. Ce qui représente environ 2 % du personnel de l’hôpital, qui compte quelque 2 800 salariés.

Dépendance — La protection des plus vulnérables au cœur des réflexions

Au cours de ce point presse, le conseiller-ministre s’est longuement attardé sur l’accompagnement des plus vulnérables. À commencer par les seniors, pour lesquels il a rappelé le besoin criant de construire plusieurs établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d’ici 2040. Le département des affaires sociales et de la santé réfléchit dans le même temps à des mesures pour retarder l’institutionnalisation. L’une d’elles mène à la mise en place de gardes itinérantes : « Des auxiliaires de vie ou aides-soignantes auront pour mission de se rendre, la nuit, à leur domicile pour s’assurer qu’il n’y a pas de souci particulier », présente Christophe Robino. Autre piste explorée, la création de structures intermédiaires à l’image de la Villa Spéranza, qui accueille des personnes en hôpital de jour pour retarder l’évolution de leur maladie. Le conseiller-ministre entend aussi améliorer la communication entre l’hôpital et la ville afin d’organiser les retours à domicile dans les meilleures conditions possibles, et ainsi éviter les rechutes et réhospitalisations. Concernant la protection de l’enfance, le membre du gouvernement a annoncé travailler sur une loi-cadre « qui a pour objectif de coordonner l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance sur le terrain, d’améliorer la situation des enfants suivis, notamment dans les modalités de placement, et enfin d’améliorer le repérage et le traitement de situations de mises en danger ou de risques pour les enfants au travers des signalements ».

Enfin, l’action en faveur des personnes en situation de handicap se poursuit avec la publication, dans les prochains jours, d’un arrêté ministériel officialisant la déconjugalisation de l’allocation adultes handicapés. « De plus, en collaboration avec l’AMAPEI, nous avons décidé de la construction d’un foyer de vie avec neuf chambres dans le cadre l’opération Grand Ida. Il sera livré en même temps que le bloc A, probablement au second semestre 2024 », détaille Christophe Robino. Un projet similaire est également envisagé au Devens : « Il viendra se substituer au foyer vieillissant de l’AMAPEI à Cap d’Ail, et accueillera 19 résidents. Nous attendons désormais l’autorisation de construction ».