Jean-Michel Ughes, architecte du cabinet ArchiStudio, est en charge de la construction du nouveau Conseil national qui sera inauguré le 12 septembre. Pour Monaco Hebdo, il revient sur l’élaboration du projet.
Monaco Hebdo?: Comment avez-vous obtenu le projet du nouveau Conseil national??
Jean-Michel Ughes?: Nous étions 4 architectes en concurrence. Lors de la présentation du concours (voir photo), j’étais assez anxieux. Je pensais que, au-delà de mes idées, la réponse que j’apportais n’était pas assez conservatrice. Mais au final, je l’ai remporté. Il y a ensuite eu un arbitrage du prince, qui a suggéré quelques modifications qui nous ont amené à la version finale.
M.H.?: Quelles ont-été vos inspirations pour ce projet??
J-M.U.?: A la base, mon credo était de construire la maison pour les Monégasques. Je voulais que l’on puisse lire la fonction du bâtiment depuis l’extérieur, d’où l’idée de l’hémicycle. Il y a une partie classique. Je ne voulais pas tomber dans le pastiche, mais vraiment proposer une écriture en rapport avec notre époque. J’ai donc repris des bases d’architecture classique, sans pour autant y ajouter de fioritures. Je voulais aussi que le bâtiment symbolise un peu l’histoire passée et à venir, qu’il soit en rapport avec sa fonction. Pour la partie contemporaine, je voulais une réelle transparence pour créer un sentiment d’invitation à pénétrer, puisque, pour moi, c’est un édifice qui est ouvert aux Monégasques. Ensuite, pour l’hémicycle, j’ai pensé à ce cône inversé. De plus, pour l’occasion, j’étais également en charge du mobilier, ce qui m’a permis d’uniformiser le tout.
M.H.?: Etiez-vous totalement libre, ou aviez-vous des contraintes à respecter??
J-M.U.?: En terme d’architecture, nous étions complètement libres. Le programme établi était uniquement fonctionnel. Après il faut savoir qu’il existe un règlement urbain, mais qui est relativement sommaire pour Monaco-Ville. C’est pourquoi, par exemple, nous avons dû respecter les règles d’intégration du bâtiment?: celui-ci devait être de 3 à 4 étages maximum (le Conseil national est sur 4 étages, N.D.L.R.), avec un repli de deux mètres.
M.H.?: Pourquoi le nouveau Conseil national est-il si grand par rapport à l’ancien??
J-M.U.?: L’ancien bâtiment ne pouvait pas accueillir toute la partie administrative, ce qui obligeait l’ensemble des équipes à se trouver sur 2 sites. Aujourd’hui, tout est centralisé. La capacité d’accueil du public a augmenté elle aussi. Les conseillers disposent de 3 salles de réunion, alors qu’ils utilisaient la salle de délibération dans l’ancien CN. Tous les conseillers ont un bureau, et l’espace d’accueil est plus important que par le passé. Tout ceci répond à un programme très précis qui a été établi en amont.
M.H.?: Pourquoi le bâtiment est-il uniquement sur des nuances de blanc et de gris??
J-M.U.?: J’étais parti sur des matériaux un peu rouge pour représenter la couleur nationale. Aujourd’hui, on est sur une finition moins colorée, plus sobre, qui résulte des modifications demandées sur la version concours. De même que le cône inversé est devenu horizontal, alors qu’il était prévu en tulipe, et qu’un pilastre maçonné forme l’angle de la façade. Mais je trouve que le résultat final est plutôt heureux.
M.H.?: L’idée d’écrire la constitution sur le mur de verre, est-ce de vous?? Pourquoi??
J-M.U.?: C’est bien mon idée. D’ailleurs, comme on peut le voir, elle apparait déjà sur la maquette du concours. C’est la constitution actuelle. J’ai fait ce choix pour deux raisons. Tout d’abord, pour renforcer la lecture de la fonction du bâtiment. Ensuite, cela rajoute un côté graphique à la façade, sans pour autant l’obstruer. Cela permet de faire vivre la façade sans réellement afficher un but en ce sens.
M.H.?: Ne craignez-vous pas de créer une polémique similaire à ce qui s’était passé pour la pyramide du Louvre??
J-M.U.?: Je ne pense pas. En terme de symbolique, ce n’est pas la même échelle, que ce soit par rapport au Louvre ou à la pyramide elle-même. Je n’ai de toute manière pas cherché à faire l’unanimité, je sais bien que cela est impossible. Cependant, je me rappelle que lors de la journée portes ouvertes organisée à l’ancien Conseil national, j’avais rencontré un bon nombre de citoyens. Certains étaient déjà conquis par le projet, d’autres y étaient opposés ou s’étaient montrés sceptiques. Mais après avoir vu la maquette et le film de présentation, une bonne partie d’entre eux avait changé d’avis. Pas la totalité bien sûr, mais l’opinion avait tout de même évolué.
M.H.?: Que représente un projet comme celui-ci en terme d’investissement dans le travail??
J-M.U.?: C’est énorme. Que ce soit en temps ou en termes de personnes, j’ai investi environ 80 % de mon agence dans la réalisation de ce projet. Les deux mois qui ont précédé la présentation de la version concours ont été très très denses notamment. Mon chef d’agence et moi avons passé le plus clair de notre temps dessus…
M.H.?: Quand on réalise ce genre de projet, quel est le sentiment qui prédomine une fois finalisé??
J-M.U.?: Il y a surtout une certaine satisfaction d’arriver au bout. Le planning un peu chamboulé nous a obligé à faire l’impasse sur de petits détails, mais nous aurons le temps d’y revenir. Il n’y a pas de fierté particulière, simplement un grand plaisir d’avoir mené l’opération à bien, d’avoir donné un outil à la Principauté. Je ne suis pas non plus tout seul à l’avoir fait, mais il est encore un peu tôt pour pouvoir parler de ce ressenti. Nous verrons au moment de l’inauguration (rires).