jeudi 25 avril 2024
AccueilActualitésSociétéIsabelle Bonnal : « La capacité à s’adapter est devenue un enjeu clé...

Isabelle Bonnal : « La capacité à s’adapter est devenue un enjeu clé de notre système éducatif »

Publié le

Après plus d’un an de pandémie de Covid-19, la directrice de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Isabelle Bonnal, revient pour Monaco Hebdo sur les multiples adaptations qui ont dû être mises en œuvre pour faire face à cette crise sanitaire hors normes. 

Comment jugez-vous l’impact de la crise due au Covid-19 sur la jeunesse à Monaco ?

L’impact est réel, bien sûr. Quand on est jeune, on aime la liberté. Les contraintes imposées par l’épidémie de Covid-19 sont nécessairement frustrantes, à Monaco comme ailleurs. Toutefois, en principauté, les mesures sanitaires en vigueur demeurent raisonnables et permettent aux jeunes de vivre au mieux dans ce contexte épidémique. Contrairement à beaucoup de pays en Europe, les établissements scolaires sont ouverts normalement, ce qui permet aux jeunes de rester en relation avec leurs professeurs, mais aussi avec leurs camarades. Et nous savons que ce lien humain est très important.

À cause de cette pandémie, Monique Dagnaud, directrice de recherche au CNRS, interrogée récemment par Le Monde, estime que « toutes les étapes initiatiques qui accompagnent l’entrée dans l’âge adulte sont brouillées » : partagez-vous cette analyse ?

Évidemment. Le terme « brouillées » me paraît tout à fait approprié. Les étapes initiatiques d’un adolescent ne sont plus comme avant, mais elles n’ont pas disparu pour autant. Les jeunes agissent en fonction de l’espace et du temps de liberté qui leur sont encore donnés. Il est certain que l’arrêt des activités sportives, par exemple, est difficile à vivre pour de nombreux jeunes. De même, la suspension des voyages scolaires, moment phare dans une scolarité, est une frustration bien compréhensible pour nos élèves. Mais il faut aussi voir tout ce que la jeunesse peut encore faire à Monaco.

© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

« Les étapes initiatiques d’un adolescent ne sont plus comme avant, mais elles n’ont pas disparu pour autant. Les jeunes agissent en fonction de l’espace et du temps de liberté qui leur sont encore donnés »

Comme quoi, par exemple ?

Ainsi, toutes les activités culturelles et éducatives ont été maintenues dans les établissements scolaires en partenariat avec les lieux culturels, les associations et les institutions de la principauté : visite de musées, interventions d’auteurs, ateliers théâtre, spectacles, actions de sensibilisation au développement durable, avec même la création du Conseil national Junior. De même, le Pass’Sport Culture est proposé à chaque période de vacances pour les jeunes de 11 à 25 ans, qui peuvent ainsi se construire un programme de loisirs personnalisé, selon leurs goûts et leurs disponibilités.

Avez-vous constaté une hausse des signes de détresse psychologique dans les établissements de la principauté ?

Les psychologues scolaires, les assistantes sociales et les infirmières scolaires ont été sensibilisés à cette question, qui fait l’objet d’une attention particulière dans chaque établissement scolaire. Ces personnels ont constaté une certaine dégradation du bien-être chez les élèves entrant dans l’âge adulte, en particulier chez les élèves de Terminale et les étudiants en brevet de technicien supérieur (BTS). Cela se traduit par un degré d’anxiété plus élevé, une alimentation et un sommeil perturbés, ainsi qu’un changement significatif des relations entre les élèves, qui parfois se sont dégradées.

Que prévoit votre dispositif ?

En cas de détresse ou de besoins d’écoute, les équipes psycho-sociales et de santé reçoivent, informent et orientent ces élèves en difficulté. J’ajoute que, pendant cette période difficile, toutes les séances de prévention ont continué à être organisées dans les établissements scolaires : interventions d’Action Innocence Monaco, actions de sensibilisation par la sûreté publique, après-midi du zapping… Une intervention de sensibilisation sur la gestion des émotions est également prévue au lycée Albert Ier par un psychologue du centre hospitalier princesse Grace (CHPG), responsable de la consultation « jeunes consommateurs ».

« Le corps enseignant a pris conscience au cours de l’année écoulée de ses besoins de formation en matière de numérique pédagogique. Aussi, avons-nous engagé de nombreux moyens dans ce but : ateliers de prise en main des outils, support technique, formations sur les usages pédagogiques du numérique… » Isabelle Bonnal. Directrice de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. © Photo Michael Alesi / Direction de la Communication

« Pendant cette période difficile, toutes les séances de prévention ont continué à être organisées dans les établissements scolaires […]. Une intervention de sensibilisation sur la gestion des émotions est également prévue au lycée Albert Ier par un psychologue du CHPG »

Pour notamment gérer ces questions, le président de la commission de l’Éducation, de la jeunesse et des sports du Conseil national, Marc Mourou, et le président du Conseil national, Stéphane Valeri, ont proposé la création d’un poste de délégué interministériel chargé de la jeunesse : qu’en pensez-vous ?

La création de ce type de poste ne relève pas de mes prérogatives, et je laisse donc le soin au gouvernement princier de donner à cette proposition les suites qu’il jugera pertinentes. Pour répondre plus largement à votre question, je crois que chacun peut constater que la jeunesse constitue depuis très longtemps un axe prioritaire de la politique du gouvernement. Et, bien évidemment, cette priorité donnée à la jeunesse doit se poursuivre. Comme vous le savez, conformément à ses missions inscrites dans les textes officiels, la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, que j’ai l’honneur de diriger, met en œuvre la politique gouvernementale en faveur de la jeunesse de l’âge de 3 ans jusqu’aux études supérieures. Ma direction dispose ainsi d’une vision globale et des outils pour accompagner chaque jeune dans son parcours d’études et l’aider dans la construction de sa future vie d’adulte. Je précise que cela se traduit par des actions concrètes et tangibles.

Lesquelles ?

Aujourd’hui, les jeunes de 3 à 25 ans bénéficient d’une offre très large d’activités tout au long de l’année. Ainsi, chaque élève participe en moyenne à 5 activités culturelles et éducatives au cours de l’année. En ce qui concerne le centre de loisirs prince Albert II, ce sont en moyenne 150 enfants qui sont accueillis chaque jour d’ouverture. Quant au Pass’Sport Culture, 320 adolescents y sont inscrits à l’année. Cette offre est sans cesse améliorée : élargissement du public accueilli dans le cadre du Pass’Sport Culture et ce, pour toutes les périodes de vacances, nuitées au centre de loisirs, sans compter l’ajout de nouvelles activités…

Quoi d’autre ?

De plus, une politique active de prévention et de santé auprès des jeunes est mise en œuvre par le biais d’actions de terrain, ainsi que la sensibilisation des élèves en matière d’égalité homme-femme. Par ailleurs, une attention très forte est portée sur le phénomène de harcèlement en milieu scolaire pour lequel des initiatives importantes ont été prises depuis 2015 : organisation de la journée « non au harcèlement », mise en place d’une procédure de traitement des cas de harcèlement, formation des personnels, sensibilisation au cyber-harcèlement… Je n’oublie pas aussi tout ce qui est proposé dans le cadre du sport scolaire et amateur, dont l’offre est exceptionnelle en principauté.

Il existe aussi une politique d’aides financières ?

La priorité accordée à la jeunesse se traduit également par des aides financières conséquentes permettant à chaque étudiant de suivre les études de son choix, quelle que soit sa situation sociale. C’est ainsi plus d’un millier de dossiers de demandes d’aides financières qui sont traités par ma direction chaque année. De même, cette dernière instruit les demandes d’admission à la cité internationale universitaire à Paris. Ma direction est également chargée de préparer et d’organiser les instances qui traitent des questions liées à la jeunesse : la commission consultative des jeunes et le comité de l’éducation nationale. Comme vous le voyez, la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports est le service officiel en charge de la politique en faveur de la jeunesse, clairement identifié comme tel par tous les acteurs institutionnels, administratifs et associatifs. Au sein de mon équipe, je dispose de référents reconnus et experts dans leur domaine pour répondre à toutes les questions relatives à la jeunesse avec la réactivité et l’efficacité attendues.

© Photo Michael Alesi / Direction de la Communication

« L’école n’est pas qu’une boîte à savoir, c’est aussi un lieu où se construit la personnalité de chaque jeune. C’est pourquoi, tant que la situation sanitaire le permettra, nous favoriserons toujours l’enseignement en présentiel »

Les vacances scolaires de printemps ont été avancées de deux semaines et cette décision n’a pas satisfait les élus du Conseil national : quelle est votre position ?

Le gouvernement princier a engagé une concertation sur ce sujet avec les élus du Conseil national, les représentants des parents d’élèves et des professeurs ainsi que les chefs d’établissement. Après avoir écouté toutes les parties, le gouvernement princier a décidé d’avancer les vacances de printemps 2021. Le rôle de la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports est de mettre en œuvre cette décision dans les meilleures conditions pour les élèves, les parents et les personnels.

Pourquoi a-t-il été décidé de maintenir absolument ouvertes les écoles de la principauté à partir de mai 2020 ?

La principauté est touchée par l’épidémie de Covid-19, mais sa circulation demeure maîtrisée à Monaco. Dans ces conditions, fermer les écoles ne se justifie pas. On sait l’importance d’une relation quotidienne entre professeurs et élèves pour apprendre. Il est aussi important de continuer à permettre aux élèves de rencontrer leurs camarades pour créer du lien et développer leurs compétences sociales. L’école n’est pas qu’une boîte à savoir, c’est aussi un lieu où se construit la personnalité de chaque jeune. C’est pourquoi, tant que la situation sanitaire le permettra, nous favoriserons toujours l’enseignement en présentiel.

Des classes ont ensuite été fermées suite à des contaminations au Covid-19 : cette position qui consiste à laisser les établissements scolaires ouverts malgré la pandémie, est-elle trop dogmatique ?

Non : certainement pas, il ne s’agit pas d’une position dogmatique, mais plutôt d’une approche pragmatique. Les établissements scolaires restent ouverts, car les mesures sanitaires qui ont été prises dès le retour des élèves en classe ont montré leur efficacité : le respect des gestes barrières, le port du masque, le lavage pluri-quotidien des mains, le renforcement des plans de désinfection et de nettoyage des locaux. Tout le monde est très attentif à l’application de ces mesures. Je tiens d’ailleurs à féliciter les élèves et à remercier les personnels sur ce point. La direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports travaille quotidiennement avec la direction des affaires sanitaires afin de suivre la situation dans les établissements scolaires dans le cadre de protocoles précis et désormais éprouvés. Au retour des vacances de février 2021, nous avons pu constater que le nombre de cas positifs était davantage contenu qu’au retour des vacances de la Toussaint et de Noël.

À combien est estimé le taux de contamination au Covid-19 dans les écoles de la principauté ?

En principauté, les taux d’incidence et de positivité sont communiqués par le gouvernement princier. Ils ne distinguent pas les scolaires du reste de la population. Ces informations sont centralisées à la direction des affaires sanitaires.

Comment a évolué le nombre de classes fermées depuis septembre 2020 ?

Les fermetures de classes ont été prononcées par le gouvernement, à l’issue des enquêtes épidémiologiques et au regard des protocoles sanitaires en vigueur. La principauté n’a enregistré aucune fermeture de classe jusqu’à la fin du mois de janvier 2021. Un pic a été constaté sur une période d’un mois, du 20 janvier au 17 février 2021, qui s’est traduit par la fermeture de 7 classes. À ce jour, par principe de précaution, le gouvernement princier a décidé de fermer au total 14 classes. En grande majorité, il s’agit de classes de maternelles, où les protocoles sanitaires prévoient qu’un seul cas d’élève positif entraîne la fermeture de la classe en raison du non-port du masque par ces tout jeunes élèves. Cela concerne ainsi 11 classes sur les 14 fermées jusqu’à présent.

© Photo Michael Alesi / Direction de la Communication

« À ce jour, par principe de précaution, le gouvernement princier a décidé de fermer au total 14 classes. En grande majorité, il s’agit de classes de maternelle, où les protocoles sanitaires prévoient qu’un seul cas d’élève positif entraîne la fermeture de la classe en raison du non-port du masque par ces tout jeunes élèves. Cela concerne ainsi 11 classes sur les 14 fermées jusqu’à présent »

Combien de tests salivaires sont réalisés dans les écoles de la principauté chaque semaine, et selon quelle logique ?

En principauté, il n’y a pas de test systématique pour les élèves. Conformément aux protocoles en vigueur, les tests salivaires sont réalisés en cas de contact avec une personne testée positive. Désormais, les élèves du CP à la classe de Troisième bénéficient de tests salivaires en remplacement des PCR-nasopharyngés. Le nombre de tests salivaires et nasopharyngés réalisés chaque semaine dépend du nombre de personnes testées positives. Le décompte est donc variable d’une semaine à une autre, en fonction du nombre de cas révélés.

Les tests antigéniques nasopharyngés sont généralement peu acceptés par les adolescents : cela complique-t-il la bonne visibilité de la circulation du virus dans les lycées de la principauté ?

Il ne faut pas confondre tests antigéniques et tests PCR. À Monaco, dans les lycées, ne sont pratiqués que les tests PCR-nasopharyngés. Si je puis me permettre, ces tests sont plutôt bien tolérés par les lycéens. Les refus sont donc à la marge. La grande majorité du problème concernait les élèves plus jeunes, notamment de niveau élémentaire. Mais les tests salivaires ont pu résoudre cette difficulté, et la réticence éventuelle des parents à faire tester leur enfant a notablement diminué. Les infirmiers scolaires sont attentifs à tout cas positif signalé ou à toute apparition de symptômes chez les élèves et les personnels. Les gestes barrières et les mesures sanitaires ont permis, jusqu’à présent, de contrôler la propagation du virus et d’éviter la fermeture d’établissement. Par ailleurs, je tiens à souligner que les familles contribuent de manière efficace à cette veille sanitaire collective, en signalant la positivité de leurs enfants aux infirmiers scolaires, et/ou en ne les envoyant pas en cours en cas d’apparition de symptômes ou de contact avec une personne positive au Covid-19.

Entre mars 2020 et aujourd’hui, combien de professeurs ont été contaminés par le Covid-19 ?

La direction ne dispose pas du nombre d’enseignants contaminés entre mars 2020 et fin août 2020. En revanche, depuis la rentrée scolaire de septembre 2020, environ 8,5 % des enseignants des établissements scolaires publics et privés sous contrat ont été testés positifs au Covid-19.

© Photo Michael Alesi / Direction de la Communication

« Depuis la rentrée scolaire de septembre 2020, environ 8,5 % des enseignants des établissements scolaires publics et privés sous contrat ont été testés positifs au Covid-19 »

Comment faites-vous face aux « absents du Covid », c’est-à-dire les enseignants malades, vulnérables ou cas contacts ?

Comme je viens de vous le dire, le nombre de professeurs absents demeure — heureusement — limité. En cas d’absences d’enseignants, nous faisons généralement appel à des suppléants. Nous disposons d’une liste régulièrement actualisée de personnels suppléants dans de nombreuses disciplines. En raison de la crise sanitaire, il a davantage été fait appel cette année à des suppléants. Nous pouvons aussi mobiliser des étudiants qui préparent les concours de l’enseignement. Il peut aussi nous arriver de confier certaines heures de cours à d’autres enseignants de la même discipline, afin que les élèves continuent d’avoir cours. Concernant les écoles élémentaires, nous faisons aussi appel aux répétiteurs, qui travaillent tout au long de l’année avec les professeurs des écoles et qui sont en mesure de prendre en charge une classe dans le cadre d’une absence de courte durée. Bref, vous le voyez, tout est mis en œuvre pour assurer une continuité de l’enseignement.

Les enseignants et les personnels des établissements sont des professions qui sont exposées et à qui on demande des efforts : quel pourcentage des enseignants et des personnels des établissements a déjà été vacciné contre le Covid-19 ?

Vous avez raison, les personnels des établissements scolaires sont au front tous les jours et il convient d’en tenir compte pour la vaccination. Comme vous le savez, la campagne de vaccination se fait progressivement. Nous savons déjà que les infirmières scolaires pourront toutes être vaccinées prochainement. Pour les autres personnels, je ne dispose pas encore de visibilité à mon niveau. Quand le département des affaires sociales et de la santé nous aura fait connaître les dispositions prises, nous en informerons les personnels concernés.

Avec la lassitude qui s’installe désormais, le port du masque dans les établissements scolaires est de moins en moins facile à faire respecter : que faire ?

Je tiens à dire que le port du masque est bien accepté par les élèves au sein des établissements. Ils respectent les consignes, ce qui montre leur sens des responsabilités. Le personnel de direction, de surveillance, les infirmiers scolaires, et bien entendu les enseignants, participent au respect du port du masque par les scolaires, qui demeure — ne l’oublions pas — la première protection contre la propagation du Covid-19. Les équipes font preuve de pédagogie chez les plus jeunes, et parfois d’un peu plus de fermeté lorsque le non-port du masque est manifeste par un élève plus âgé, ou ne souffrant pas de pathologie particulière.

Alors que des classes ont été fermées ces dernières semaines, la gestion de la pandémie de Covid-19 dans les établissements scolaires est-elle suffisamment stabilisée et sous contrôle ?

Oui, la gestion de cette crise sanitaire est stabilisée et sous contrôle dans les établissements scolaires. Les mesures sanitaires mises en œuvre depuis la rentrée scolaire ont prouvé leur efficacité. La direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports est particulièrement attentive à l’évolution de la situation sanitaire, en lien constant avec la direction des affaires sanitaires. Fidèle à sa démarche pragmatique, le gouvernement princier adapte les mesures, en fonction de l’évolution de la circulation de l’épidémie.

La pratique du sport a été remise en cause pendant cette crise sanitaire, ce qui peut jouer sur la santé physique et psychologique des jeunes : que faire ?

Effectivement, la pratique d’une activité physique, tant dans le milieu scolaire que dans le cadre associatif, a été fortement réduite ou perturbée en raison de la crise sanitaire. Toutefois, du côté associatif, plus de 200 athlètes de haut niveau ont été autorisés à poursuivre leurs entraînements, afin de préparer leurs grands rendez-vous nationaux et internationaux. De plus, depuis que la pratique sportive en extérieur est de nouveau possible, ma direction permet à certains clubs, lorsque cela est possible, de reporter leurs entraînements sur les installations sportives « extérieures ».

Et pour les scolaires ?

S’agissant des scolaires, la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a œuvré pour que les cours d’éducation physique et sportive (EPS) des élèves de Terminale soient de nouveau dispensés en vue de l’examen du baccalauréat. Les professeurs d’EPS se sont également adaptés à la situation en proposant des cours théoriques. C’est ainsi que les élèves ont pu approfondir en classe certaines thématiques, comme la culture du sport, ou les mesures de sécurité en milieu aquatique. Ma direction est aussi partenaire de la fondation princesse Charlène de Monaco sur le projet « 15 minutes avec Paula ». Dans des vidéos, l’athlète Paula Radcliffe propose des exercices pour toute la famille. L’information a été relayée auprès des scolaires, pour les inviter à suivre ces cours.

« Rien ne peut remplacer un enseignant et la relation unique qu’il développe avec ses élèves. Ce facteur humain est essentiel pour l’efficacité de la transmission, en particulier auprès des élèves les plus jeunes, pour lesquels l’affectif joue beaucoup »

D’autres possibilités existent pour faire du sport ?

Les jeunes Monégasques peuvent aussi pratiquer des activités physiques sur les installations sportives de plein air, comme celles de la digue. Enfin, conscient de l’importance de la pratique sportive pour nos jeunes, le département de l’intérieur a demandé à la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports d’élaborer un plan de reprise des activités sportives « en extérieur » des scolaires qui sera mis en œuvre dès la rentrée scolaire des vacances de printemps 2021.

Les parents d’élèves vous ont-ils fait part de certaines doléances depuis le début de cette crise sanitaire ?

Au début de la crise sanitaire, la première inquiétude des familles était la poursuite des enseignements, ce qui a été mis en œuvre très rapidement à distance, et ce, de la maternelle à l’enseignement supérieur, par le biais des outils numériques. La question de l’évaluation aux épreuves du diplôme national du brevet et du baccalauréat a également été posée par les familles. Une solution leur a été apportée par la notation en contrôle continu et la suppression des épreuves en présentiel. Lors de la reprise des cours en mai 2020, la direction a eu de nombreux appels de parents d’élèves qui s’interrogeaient sur les mesures sanitaires mises en œuvre afin de préserver la santé de chacun. Ceux-ci manifestaient une certaine crainte à remettre leurs enfants à l’école. La direction a répondu à chaque interrogation des familles, notamment en leur explicitant ces mesures et en leur donnant des exemples concrets. Nous avons fait preuve d’une grande pédagogie et de tolérance.

Et lors de la rentrée 2020 ?

À la rentrée de septembre 2020, quelques familles ont fait part de leur désaccord quant au port du masque, surtout chez les plus jeunes. Les établissements scolaires et la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ont rappelé aux familles qu’il s’agissait d’une mesure édictée par le gouvernement princier, au regard de la situation sanitaire, et qu’il constitue le premier rempart à la contamination.

Il y a aussi eu la question de l’arrivée des tests salivaires ?

Après les annonces de l’État français concernant le déploiement des tests salivaires chez les scolaires, des familles ont fait part à la direction de leur souhait d’une extension de cette mesure en principauté. Le gouvernement princier travaillait alors depuis de nombreuses semaines sur cette question, afin de mettre en place ces tests salivaires, moins invasifs que les tests PCR nasopharyngés. Leur mise en œuvre effective a donc répondu aux attentes des parents. Dans ce type de crise, il faut dialoguer en permanence avec les parents d’élèves pour répondre à leurs questionnements et à leurs inquiétudes bien légitimes. Je remercie les chefs d’établissement qui jouent, à ce titre, un rôle essentiel.

« L’enseignement à distance nous a rappelé que parmi les compétences à développer chez les élèves, la place de l’autonomie est fondamentale. Évidemment, on ne va pas attendre d’un enfant de 7 ans qu’il soit autonome, mais au collège ou au lycée, l’acquisition de l’autonomie devient une priorité »

Depuis mars 2020, l’enseignement à distance et en « présentiel » se sont succédé : quel bilan en faites-vous ?

Le premier constat est que rien ne peut remplacer un enseignant et la relation unique qu’il développe avec ses élèves. Ce facteur humain est essentiel pour l’efficacité de la transmission, en particulier auprès des élèves les plus jeunes, pour lesquels l’affectif joue beaucoup. Cette relation n’est optimale qu’en présentiel. Le deuxième constat est tiré de l’expérience de l’enseignement à distance, l’an dernier. Le corps enseignant a ainsi pleinement pris conscience au cours de l’année écoulée de ses besoins de formation en matière de numérique pédagogique. Aussi, avons-nous engagé de nombreux moyens dans ce but : ateliers de prise en main des outils, support technique, formations sur les usages pédagogiques du numérique… Ensuite, l’enseignement à distance nous a rappelé que parmi les compétences à développer chez les élèves, la place de l’autonomie est fondamentale. Évidemment, on ne va pas attendre d’un enfant de 7 ans qu’il soit autonome, mais au collège ou au lycée, l’acquisition de l’autonomie devient une priorité. Et c’est peut-être un point que nous pouvons améliorer, nous qui avons l’habitude de choyer nos élèves.

D’autres enseignements ont été tirés depuis le début de cette crise sanitaire, en mars 2020 ?

Malgré les difficultés rencontrées et les pistes d’amélioration identifiées, cette crise inédite a mis en lumière la capacité d’adaptation remarquable des élèves et de tous les acteurs du système éducatif. Les résultats exceptionnels du diplôme national du brevet et du baccalauréat lors de la session 2020 l’attestent. Mais nous ne nous satisfaisons pas seulement de la réussite. Nous veillons aussi à ce qu’aucun élève ne décroche ou n’accumule de lacunes. C’est pourquoi, pendant le confinement, les élèves ayant d’importants troubles des apprentissages ont été maintenus en présentiel. Nous avons mis en place des dispositifs inédits comme « Parkours », proposé à chaque période de vacances scolaires depuis l’été 2020, et qui permet aux familles qui le souhaitent, grâce à un financement du gouvernement princier, de faire bénéficier leurs enfants de cours de révision ou de remise à niveau en lettres, langues et sciences pour un coût réduit.

Comment vont se dérouler le brevet et le bac 2021 ?

Je rappelle que ceux-ci sont des examens français et que les établissements scolaires de la principauté de Monaco se doivent d’appliquer, en la matière, les directives du ministère français de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Concernant le diplôme national du brevet, pour l’heure, les épreuves de la session 2021 devraient se dérouler normalement les lundi 28 et mardi 29 juin 2021. La seule nouveauté réside dans le fait que désormais, pour éviter le brassage des élèves, il y aura deux centres d’examen : l’un au collège Charles III et l’autre au collège François d’Assise-Nicolas Barré (FANB).

Et pour le bac 2021 ?

Pour ce qui est des baccalauréats général et technologique, le Covid-19 a entraîné plusieurs ajustements qui ont d’ores et déjà été communiqués aux familles : les trois évaluations communes (E3C) de Première et de Terminale de l’année 2020-2021 ont ainsi été annulées et remplacées par les moyennes des bulletins scolaires. Ensuite, les épreuves de spécialité des baccalauréats général et technologique prévues en mars 2021 ont été annulées. Pour l’obtention du diplôme, les notes de ces épreuves seront remplacées par les notes obtenues par les lycéens dans le cadre du contrôle continu. En EPS, le nombre d’activités évaluées est réduit en fonction des contraintes des établissements. À ce stade, sont maintenus le grand oral et l’épreuve écrite de philosophie pour les Terminales, ainsi que l’écrit et l’oral de français en Première. Quant aux épreuves écrites du baccalauréat professionnel, elles se dérouleront normalement du 16 au 23 juin 2021.

« Les épreuves de la session 2021 du brevet devraient se dérouler normalement les lundi 28 et mardi 29 juin 2021. La seule nouveauté réside dans le fait que désormais, pour éviter le brassage des élèves, il y aura deux centres d’examen : l’un au collège Charles III et l’autre au collège François d’Assise-Nicolas Barré »

En France, des rixes entre bandes rivales ont eu lieu ces derniers mois : quelle est la situation dans les écoles de la principauté concernant l’insécurité chez les jeunes ?

La sécurité dans et aux abords des établissements scolaires est à l’image du niveau de sécurité de la principauté : excellent ! Les phénomènes que vous décrivez n’existent pas en principauté. Ce n’est pas le fruit du hasard. Les établissements scolaires jouissent d’un fort taux d’encadrement des élèves : professeurs, conseillers d’éducation, surveillants, équipes psycho-sociales, infirmiers… Ce qui permet de détecter les problèmes en amont, et de pouvoir y apporter des réponses appropriées, avant qu’une situation ne dégénère. Ensuite, la présence de réservistes dans les écoles et le lien direct entre le conseiller technique de ma direction et la direction de la sûreté publique permettent d’agir vite en cas de suspicion de bagarre ou de harcèlement. Nous avons également la chance de bénéficier d’une justice efficace pour les cas les plus lourds, avec un partenariat de qualité avec le parquet général et le juge tutélaire. Tous ces acteurs et ces procédures concourent à un climat scolaire réellement apaisé en principauté.

Gérer une crise sanitaire de cette ampleur reste une tâche complexe, qui nécessite une constante remise en question : avec le recul, entre mars 2020 et aujourd’hui, y a-t-il des décisions que vous regrettez ?

Je ne parlerai pas en termes de regrets ou de remords. Vous savez, gérer une crise est toujours un exercice délicat. Avons-nous toujours agi comme il le fallait ? Souvent, oui ; parfois non. Ce qui est certain, c’est que nous avons tiré des enseignements de tout cela. Surtout, cette crise a montré la capacité de résistance des personnels et des élèves, mais également leur résilience. Malgré les obstacles, le travail qui a été fourni, tant par mes proches collaborateurs que sur le terrain, est tout à fait admirable. L’engagement des personnels a été total : cours à distance, micro-garderies, mise en place des mesures sanitaires… Ces quelques exemples témoignent de la mobilisation face à cette crise. Je redis ma profonde reconnaissance à tous ceux, personnels enseignants et non enseignants, qui ont contribué à assurer la continuité pédagogique et à permettre aux personnels d’importance vitale de pouvoir travailler sans se soucier de la garde de leurs enfants. Monaco peut être fière de son école !

« À ce stade, sont maintenus le grand oral et l’épreuve écrite de philosophie pour les terminales, ainsi que l’écrit et l’oral de français en première. Quant aux épreuves écrites du baccalauréat professionnel, elles se dérouleront normalement du 16 au 23 juin 2021 »

D’après des modélisations publiées le 6 avril 2021 sur le site de l’Institut Pasteur, 90 % de la population adulte française devra être vaccinée d’ici le 1er septembre 2021 pour envisager un relâchement complet des mesures de contrôle de l’épidémie : du coup, pensez-vous que le retour à « la vie d’avant », y compris dans les écoles, reste incertain ?

J’aimerais pouvoir vous dire qu’à telle date, tout redeviendra comme avant, mais ce serait vous mentir. Bien sûr, et nous le souhaitons tous, grâce à la vaccination, une vie plus normale sera enfin possible. Mais la crise sanitaire restera dans nos mémoires, et nous aurons énormément appris de cet épisode. L’importance de l’enseignement présentiel a été confirmée. La nécessité de maîtrise des compétences numériques par les élèves et les professeurs est devenue évidente car les usages des technologies de l’information et de la communication en éducation (TICE), dans et hors de l’éducation, se sont accélérés. La capacité à s’adapter est devenue un enjeu clé de notre système éducatif. Comme le disait Héraclite : « Rien n’est permanent, sauf le changement ». Il sera temps de faire le bilan de cette crise. En attendant, restons tous mobilisés pour respecter les gestes barrières, et ne baissons pas la garde face au Covid-19.

« Gérer une crise est toujours un exercice délicat. Avons-nous toujours agi comme il le fallait ? Souvent, oui ; parfois non. Ce qui est certain, c’est que nous avons tiré des enseignements de tout cela »