vendredi 26 avril 2024
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Yvan Griboval : « Être utile à la santé humaine »

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Entre le 15 et le 29 octobre 2020, Yvan Griboval est parti, avec son équipage et à bord d’un bateau multicoque, en mer Méditerranée afin de recueillir des échantillons destinés à une étude scientifique réalisée par l’Ifremer.

Le navigateur prévoit de reprendre le chemin des eaux profondes en mars 2021, avec un nouvel objectif : être utile, de façon concrète, à la santé humaine. Pour Monaco Hebdo, il revient sur sa dernière expédition et évoque ses projets.

Vous êtes rentré, le 29 octobre 2020, d’une expédition scientifique de 15 jours en Méditerranée : qu’est-ce qui vous a motivé à l’idée de prendre la mer, le 15 octobre 2020 ?

Il y a eu plusieurs raisons, plusieurs envies. J’avais fait un tour du monde en solitaire, en monocoque. Or, pour être plus efficace d’un point de vue scientifique, il faut être plusieurs, naviguer avec un équipage de confiance. J’ai donc souhaité me mettre dans cette configuration. Pour cela, il fallait un changement au niveau du bateau : j’ai fait toute ma carrière en monocoque, et là, il s’agissait de passer sur un multicoque. Nous avons donc loué un navire de ce type, le maxi-catamaran Amaala Explorer [le plus grand catamaran de course océanique au monde – NDLR], afin de voir s’il pouvait correspondre à nos besoins et à nos désirs de navigation.

Pour la partie scientifique de votre expédition, que recherchiez-vous ?

Dès que j’ai une idée de parcours en mer, je la transmets à nos partenaires scientifiques, afin de voir si l’un d’eux peut y trouver un intérêt. Ils sont toujours à la recherche de nouvelles données, et c’est un besoin, pour moi, que de donner un sens à mes sorties en mer. Dans le cas de cette expédition, nous avons travaillé avec l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer), afin de collecter des échantillons permettant d’étudier la nature de la pollution maritime. C’est d’autant plus intéressant que nous sommes dans une période particulière : avec le confinement, les restrictions de circulation et la baisse de la consommation dans le monde, le trafic en mer a considérablement ralenti. Il s’agissait donc de voir l’impact de ce phénomène unique dans l’histoire récente sur les eaux. Est-il le même que ce que l’on a pu voir pour la pollution atmosphérique en France et dans le monde pendant le premier confinement ? C’est une des questions à laquelle les scientifiques chercheront à répondre.

Quel a été votre parcours en mer ?

Nos quinze jours de navigation nous ont mené, sur 1 500 milles marins, de Monaco à Monaco, en passant par des escales en Italie, près de l’embouchure du Tibre, à Porto Cervo en Sardaigne, à Barcelone et, enfin, à la Seyne-sur-Mer. À chaque fois, nous avons organisé un moment d’échange avec des associations et des fondations locales, afin que celles-ci puissent prendre la parole, faire des présentations et des expositions. Ainsi, nous avons collaboré avec One Ocean Foundation à Porto Cervo ; avec la Fundación Ecomar et avec la Fundació Navegació Oceànica Barcelona (FNOB) en Espagne ; avec la métropole Toulon Provence Méditerranée et ses huit ports, dont celui de La Seyne-Brégaillon. Sans oublier le soutien fidèle de la fondation prince Albert II de Monaco, qui a apporté son concours à l’exposition de la fresque de plancton réalisée sur le quai du Yacht Club de Monaco par l’association OceanoScientific Monaco avec les photos du photographe sous-marin Greg Lecœur. Le prince Albert II était d’ailleurs présent au départ comme à l’arrivée de notre expédition, ainsi qu’à la remise des échantillons, et je tiens à l’en remercier vivement.

Quand seront publiés les résultats des études menées grâce à vos échantillons ?

En mars-avril 2021, des résultats préliminaires devraient être publiés. Pour une étude complète, il faudra probablement patienter deux ou trois ans. Ce n’est pas surprenant : plus le travail des scientifiques est précis, plus il est long ! Nous serons néanmoins attentifs à ce qu’ont donné les résultats, et communiquerons sur le sujet.

Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

Après cinquante années à naviguer en monocoque, je vais passer au multicoque. J’ai été totalement convaincu par cette expérience. Cela permet de vivre dans des conditions plus agréables lorsque l’on est plusieurs. Et les sensations de navigation sont excellentes. C’est aussi plus pratique lorsque l’on utilise un drone : le faire décoller, c’est facile, le récupérer, ça l’est moins, autant avoir plus de surface pour cela ! Enfin, dernier enseignement : l’équipage formé. Cette expédition a permis de valider la présence de ses membres. C’est important de savoir s’entourer lorsque l’on prend la mer. Ainsi, en embarquant Linn Sekund, biologiste marine du Team OceanoScientific, nous avons mesuré l’importance d’avoir une scientifique à nos côtés pour optimiser l’efficacité de notre navigation. De même, la présence de Manu Valadès Escobar, On Board Reporter (OBR), a permis de transmettre des images photo et vidéo de qualité sur les réseaux sociaux, puis d’en disposer pour réaliser une conférence très illustrée quelques heures seulement après notre retour à Monaco. C’est primordial pour augmenter l’audience de nos aventures et, par conséquent, en décupler l’impact pour favoriser la sensibilisation à la préservation de l’océan.

Vos projets ?

C’est un grand virage qui s’annonce pour moi : je vais désormais chercher à être utile à la santé humaine. Depuis le confinement du printemps 2020, et plus encore au terme de cette expédition, je suis convaincu que la meilleure manière de sensibiliser la population mondiale à l’importance de l’océan, c’est d’aider la recherche océanographique et scientifique dont la finalité est le bien-être des humains et leur santé. Ainsi, lors de nos prochaines expéditions, nous continuerons à collecter des données physico-chimiques concernant à la fois l’océan et l’atmosphère, notamment grâce à la nouvelle version de l’OSC System [un appareil fruit d’une collaboration franco-allemande, qui collecte des données sur l’atmosphère comme la température de l’air, la pression ou encore la force du vent, et l’eau de mer, comme la salinité, le potentiel hydrogène ou la fluorescence – NDLR]. Mais nous collaborons intensément avec le Centre Scientifique de Monaco (CSM) et nous envisageons une prochaine expédition OceanoScientific sur le thème du corail et en mer Rouge. Les coraux présentent des caractéristiques uniques, et leur étude pour un usage direct de celles-ci par l’être humain par biomimétisme pourrait s’avérer prometteur. Je prévois un départ le jeudi de la prochaine Monaco Ocean Week, en mars 2021.