samedi 20 avril 2024
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Monseigneur Dominique-Marie David :
« Quoi qu’il arrive, nous sommes ensemble… plus que jamais »

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Face à la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19, l’Eglise a dû s’adapter. L’archevêque de Monaco, Monseigneur Dominique-Marie David, explique comment.

Comment s’est adaptée l’Eglise face au coronavirus ?

Au fur et à mesure où le caractère sérieux de l’épidémie s’est manifesté, nous avons souhaité accueillir les mesures sanitaires déployées, tout en cherchant comment poursuivre notre mission spécifique autrement. Quel bouleversement pour nous qui vivons dans la rencontre et la proximité l’essentiel de notre activité ! Heureusement, les réseaux sociaux et des moyens adaptés de communication nous ont permis d’être réactifs au fil des jours.

Avez-vous dû annuler certaines célébrations ou voyages ?

Oui, je peux même dire que tout ce qui était programmé a disparu de mon agenda (célébrations officielles, rencontres diverses, sessions communes aux évêques…) jusqu’à la Semaine sainte qui aura, cette année, une physionomie tout à fait inédite.

Diffuser une messe en direct sur les réseaux sociaux et YouTube change de quelle façon votre rapport avec les fidèles ?

La célébration d’une messe en absence de fidèles est, bien évidemment, une épreuve. La vocation d’un pasteur, qu’il soit évêque ou prêtre, trouve sa raison d’être dans sa relation avec le peuple chrétien, qu’il a mission de rassembler, d’enseigner, de nourrir de la parole de Dieu et des sacrements, de réconforter et d’accompagner. Cependant, même si les modalités sont aujourd’hui entièrement différentes, les rendez-vous de prière que nous proposons chaque jour sont de vrais « rassemblements » spirituels, qui nous unissent dans une même louange et intercession. Ils constituent ainsi un vaste réseau de communion fraternelle au sein même de la principauté.

Désormais, comment se déroulent les obsèques des fidèles morts des suites du coronavirus ?

Tout en faisant de notre mieux pour accueillir et accompagner les familles à l’occasion du décès d’un de leurs proches, nous respectons les contraintes générales. Il n’y a plus de célébrations d’obsèques à l’église. Nous proposons un bref temps de recueillement au cimetière, ou au salon de l’Athénée, en limitant la participation aux quelques proches du défunt.

Comment réagissent les familles lorsque vous expliquez que, pour éviter toute contagion, il ne peut y avoir de rassemblement de plus de dix personnes et que même les gestes de réconfort sont interdits ?

La grande majorité comprend ces consignes, et les applique avec sérieux. Il n’empêche que les familles vivent ces moments encore plus douloureusement, dans ces circonstances. C’est alors que les paroles de réconfort d’un ministre de l’Eglise, ou des messages affectueux de la part de l’entourage, sont d’autant plus précieux.

En cette période d’épidémie et de confinement, que faire face au désarroi des familles et des proches, parfois privés de la possibilité de dire au revoir au défunt ?

Nous pouvons les soutenir de notre sympathie, en déployant tout ce dont nous sommes capables (textos, mails, messages téléphoniques…) pour les rejoindre et les accompagner dans l’épreuve. A tous les croyants, j’aimerais aussi rappeler le grand trésor de l’Eglise qu’est la « communion des saints » : dans la foi au Christ, nous formons tous un seul corps, une seule famille, et les relations interpersonnelles ne s’achèvent pas au moment de la mort. Mystérieusement, malgré la séparation physique, nous continuons de nous porter les uns les autres, et nous nous aimons toujours.

Quel sens prennent des cérémonies réduites au strict minimum ?

C’est précisément une occasion d’apprendre, même dans les larmes, à voir au-delà du visible, et à rendre présents par notre affection et notre prière tous ceux qui n’ont pu se joindre à nous.

Toutes ces consignes de plus en plus strictes ne risquent-elles pas de peser sur le travail de deuil, avec le risque que cela débouche sur des séquelles psychologiques plus ou moins graves ?

J’aimerais m’adresser à ceux qui, peut-être, se culpabilisent de n’avoir pas pu offrir de dignes funérailles à leurs chers disparus. Je comprends votre déception, votre colère, votre souffrance… Je vous invite simplement à continuer de manifester, et même d’exprimer votre affection, vos préoccupations, vos demandes de pardon à vos proches défunts. Et, dès que vous le pourrez, vous vous rassemblerez pour honorer leur mémoire et les confier à la miséricorde de Dieu. Quoi qu’il arrive, nous sommes ensemble… plus que jamais.

© Photo Palais Princier

« J’aimerais m’adresser à ceux qui, peut-être, se culpabilisent de n’avoir pas pu offrir de dignes funérailles à leurs chers disparus. Je comprends votre déception, votre colère, votre souffrance… »

Alors que les restrictions sont renforcées de jour en jour, sont-elles suffisamment claires et pas contradictoires avec le vécu sur le terrain ?

Personnellement, je n’ai pas cette impression, mais je n’ai pas une vue précise du terrain — pour cause, je suis également confiné. Il est inévitable que de l’incompréhension, de la lassitude, et même un peu d’inconscience, rendent difficile l’application de règles plus contraignantes, et qui se prolongent toujours davantage. Mais nous n’avons pas le choix, si nous voulons sortir au plus vite de cette situation, pour notre bien, et celui de tous.

Avez-vous constaté l’émergence de nouvelles solidarités ?

Oui, et c’est l’aspect réconfortant de cette crise inédite. Notre regard sur la vie, sur notre monde, sur notre entourage, sur nos concitoyens est en train d’évoluer, et il se concrétise par une multitude de gestes d’attention et de service. Bien sûr, la majorité des actions de solidarité ne font pas de bruit, mais nous en avons des échos de plus en plus nombreux. A côté du dévouement visible des personnels de santé se donnant jusqu’à leurs dernières limites, il y a tant de personnes qui, alors qu’ils sont en situation de confinement, ouvrent des portes… à la gratuité, à la bienveillance, à la paix et à l’espérance. Certains renouent avec des parents ou amis négligés, d’autres se rendent disponibles pour servir les plus isolés, d’autres enfin mettent leur créativité en œuvre pour recréer du lien et répondre aux besoins spécifiques de cette période.

Cette crise ne conduit-elle pas à éprouver un autre rapport à la maladie et à la mort ?

La première évolution que je constate est le rapport aux limites. Les limites les plus douloureuses sont évidemment celles que vous évoquez, surtout quand elles nous frappent de près. Mais ce drame du Covid-19 ne modifie-t-il pas tout simplement notre rapport à la vie ? Nous nous sentions puissants et assurés de tout, tout ou presque était à portée de main… ou de carte bancaire, seuls maîtres à bord. Et voilà que tout a basculé. Comme un immense coup de frein qui nous laisse, et nous laissera encore longtemps, en état de choc. Puissions-nous redevenir plus humbles, plus conscients de nos limites et davantage reconnaissants de ce qui nous est donné, sans forcément courir en permanence après ce que nous n’avons pas encore ! Et puissions-nous redécouvrir le prix inestimable de nos rencontres !

Comment imaginez-vous le monde après le coronavirus ?

Bien malin celui qui pourrait imaginer aujourd’hui l’après-coronavirus ! Disons que mon souhait le plus profond est que la joie d’être libéré de ce fléau — et l’Eglise de Monaco saura célébrer avec reconnaissance et bonheur cette libération – soit accompagnée d’un réveil des consciences pour qu’à l’avenir, nous puissions mettre nos vies « sur pause » sans y être contraints, pour que nous cultivions la gratuité et la gratitude, pour que nous nous recentrions sur l’essentiel et n’oublions pas trop vite les élans de solidarité et de foi qui nous ont permis de traverser cette épreuve.

Où suivre les célébrations de l’Eglise de Monaco pendant l’épidémie de Covid-19 ?

Pendant l’épidémie de Covid-19, les messes, rencontres et offices sont disponibles sur les réseaux sociaux du diocèse sur Facebook, Instagram, Twitter, YouTube, et Vimeo : @DioceseMonaco. Mais aussi sur le site du diocèse : www.diocese.mc. Les rendez-vous sont fixés du lundi au samedi, pour les laudes, la prière du matin, à 9 heures en direct depuis la cathédrale. Et à 18 heures, la messe du jour est à suivre sur les réseaux sociaux et rediffusion à 21h30 sur Monaco Info. Le dimanche, messe à 11 heures sur les réseaux sociaux et sur Monaco Info.

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