mardi 23 avril 2024
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Hausse des prix et pénuries à Monaco : la guerre en Ukraine a-t-elle bon dos ?

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Les prix à la consommation augmentent, à Monaco et ses alentours, alors que de plus en plus de produits manquent. La guerre en Ukraine revient régulièrement parmi les raisons invoquées pour expliquer ce phénomène mais, dans bien des cas, ce n’est qu’un élément parmi d’autres, plus latents.

C’est la ronde des manques : manque de matières premières et de denrées alimentaires, manque de carburant, de composants électroniques, ou encore de produits électroménagers. Si le mot « pénurie » est sur le bout de la langue des consommateurs, principalement depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, les professionnels de Monaco sont plus mesurés, dans l’ensemble. Des solutions existent en effet pour pallier aux ruptures de stocks, notamment ceux de la grande distribution, et les chaînes d’approvisionnement de la principauté ne devraient pas être radicalement perturbées à court terme.

Tout semble devenir rare, et tout ce qui est rare devient cher. Conséquence : les prix augmentent, jusqu’à 10 % de plus qu’habituellement sur certains produits de consommation

Rareté relative

En revanche, les prix risquent d’augmenter, et le porte-monnaie des résidents et pendulaires a parfois déjà senti le vent tourner. Mais pas partout, car de nouveaux réseaux émergent à Monaco, plus proches qu’on ne l’imagine. Preuve, peut-être, que l’invasion russe n’explique pas tout.

Entre le regain de l’épidémie de Covid-19 et le confinement brutal qui paralysent la Chine, la guerre en Ukraine qui s’enlise, et le grippage du trafic portuaire mondial, conséquence de ces deux crises, la scène internationale est bouillante. C’est un fait : l’impact est tel qu’il vient à manquer désormais de produits qui semblaient, jusqu’ici, à l’abri de la disette. Les consommateurs découvrent ainsi, souvent malgré eux, que le blé provient essentiellement d’Ukraine et de Russie, les « greniers de l’Europe ». Tout comme l’huile de tournesol, les conserves de légumes, avec le manque de ferraille ou, plus étonnant encore, la moutarde, pour une raison logistique [à ce sujet, lire notre article Les pénuries guettent les supermarchés en principauté, publié dans ce dossier spécial — NDLR]. Tout semble devenir rare, et tout ce qui est rare, devient cher. Conséquence : les prix augmentent, jusqu’à 10 % de plus qu’habituellement sur certains produits de consommation. À juste titre ? Pas toujours. Des distributeurs monégasques, comme Felipe Villalobos, directeur des supermarchés U de la principauté, font la part des choses : « Ce que l’on vit aujourd’hui, c’est le cumul Covid et un peu le début du conflit en Ukraine, qui crée des difficultés d’approvisionnement sur tout ce qui est céréales et huiles », estime-t-il, alors que les prix des emballages grimpent davantage que ceux des produits. Au point d’instaurer le doute dans l’esprit d’autres distributeurs, comme Patrick Lampasona, directeur du supermarché Casino, du port de Monaco : « Ils en profitent pour tout augmenter. Quand je vois qu’une boîte à pizza prend aujourd’hui 10 centimes, ça fait peur ». Ces distributeurs, plutôt que de subir plus longtemps cette tendance, ont revu leurs listes de fournisseurs, et ils se sont tournés vers des réseaux de substitution, en provenance d’Europe de l’est, mais aussi d’Italie, notamment pour l’huile de tournesol : « Nous avons finalement trouvé des filières différentes pour pallier ces ruptures avec des produits que nous ne sommes pas habitués de voir dans nos magasins », explique par exemple Rémi Feipeler, directeur de Carrefour Monaco, plus grand supermarché de la principauté [à ce sujet, lire son interview « Nous sommes obligés de trouver de nouvelles filières », publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. Tout ce qui manque en principauté n’est pas le fait de la guerre en Ukraine. C’est d’ailleurs flagrant en matière de carburant : les prix augmentent, certes, en raison de l’embargo européen sur le pétrole russe, et de l’augmentation du cours du brut depuis le début de la guerre, le 24 février dernier, mais l’essence et le gasoil coûtaient déjà plus cher que la moyenne à Monaco et ses alentours. Et la raison est « structurelle », comme le rappelle Grégory Romano, président directeur général de l’entreprise Romano Energy, à Monaco : « Entre les différents péages à passer, une montée de presque 40 minutes à 35 km/h, et le fait que l’entrée de la principauté est souvent bouchée, le trajet coûte plus cher. Et cela va se répercuter ensuite sur les prix à la pompe. » En effet, il ne manque pas de pétrole sur le territoire, mais plutôt de pétrole raffiné, prêt à être utilisé comme carburant, ce qui limite la baisse de prix hors TVA. Pas de quoi s’affoler pour autant.

Au Soudan enfin, l’un des pays les plus pauvres du monde, déjà en proie à des émeutes de la faim en 2008, le prix du pain avait été multiplié par dix depuis le coup d’État militaire d’octobre 2021

Des conséquences minimes

Dans le secteur de la restauration également, la guerre en Ukraine chamboule un peu les plans des établissements, et impose une hausse des prix à hauteur d’un ou deux euros sur la carte, pour la clientèle du soir de certains restaurants de la principauté [à ce sujet lire l’interview du vice-président de l’association des industries hôtelières monégasques (AIHM), Francis Poidevin : « Le plus gros problème ce n’est pas l’alimentaire, mais le personnel », publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. Mais cela parait bien minime, en comparaison de la crise alimentaire directement provoquée par les effets de cette guerre, observée à l’international. En Egypte, premier importateur mondial de blé, venu à 85 % d’Ukraine et de Russie, les autorités ont été forcées d’encadrer le prix du pain non subventionné, alors que la consommation de pain par habitant équivaut à 130 kg par an, soit bien plus que la moyenne mondiale. En Tunisie aussi, le gouvernement a été forcé de subventionner massivement les produits de base, pour éviter de répercuter les hausses drastiques sur les populations. Mais les spéculations sur les produits de première nécessité, comme le blé, plongent toujours un peu plus l’économie du pays au bord de l’asphyxie, comme le déplore le ministère de l’économie en France, dans une note de mars 2022 dédiée à la cessation de paiement de la Banque Franco-Tunisienne (BFT). Au Soudan enfin, l’un des pays les plus pauvres du monde, déjà en proie à des émeutes de la faim en 2008, le prix du pain avait été multiplié par dix depuis le coup d’État militaire d’octobre 2021, qui limite depuis toute aide alimentaire internationale. La situation pourrait rapidement devenir dramatique, alors que plus de 85 % du blé importé au Soudan est d’origine russe et ukrainienne, et qu’un Soudanais sur trois a besoin d’aide alimentaire selon l’ONU. Face à ce sombre tableau, les « pénuries » monégasques semblent bien dérisoires et passagères.

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