mercredi 24 avril 2024
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La F2SM, un syndicat de collaboration

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A l’occasion de la réélection de Cedrick Lanari à la tête de la Fédération des syndicats de salariés de Monaco (F2SM), Monaco Hebdo a reçu plusieurs de ses membres pour faire un point sur la situation du syndicat.

Leurs idées, leurs actions, leurs visions du syndicalisme ont été évoquées. Il en ressort une volonté très forte de démarcation de l’USM. Et pour stratégie unique dans la revendication : la discussion et la collaboration.

«Transition sociale », « pluralisme syndical » et « évolution de la fédération ». Ce sont ces thèmes que la Fédération des syndicats de salariés de Monaco (F2SM) souhaitait aborder en ce début d’année. Cedrick Lanari, le secrétaire général de la Fédération vient d’être réélu pour un troisième mandat, seul prétendant à sa succession. Qu’entend la F2SM par transition sociale, leur nouveau slogan de communication ? « Il n’y avait qu’une seule fédération de syndicats sur la principauté, il n’y avait pas de pluralisme syndical. Soit on adhérait aux idées au sein de cette fédération, soit rien. Aujourd’hui, on offre le choix d’une fédération apolitique et qui permet une autonomie complète de pensée », débute Cedrick Lanari. La transition sociale proposée n’est-elle donc qu’un simple agrandissement de l’offre syndicale ? « On parle de transition, car on a l’exemple ici. On est tous anciens de l’Union des syndicats de Monaco (USM). L’idéologie et la façon de voir les choses nous ont poussé à nous en éloigner. Ayant une seule entité, on n’avait pas le choix, à l’époque ». « Lorsque les politiques et les courants de pensée ne correspondent plus, désormais, il y a une autre fédération », renchérit Silvano Vittorioso, secrétaire général du syndicat des cadres de la SBM et trésorier de la fédération. La transition sociale « c’est d’accompagner une société qui est en train de changer, avec un regard qui n’est pas politique », précise Hubert Dupont, du syndicat de l’encadrement du commerce (SECM) et responsable de communication de la F2SM, répondant finalement à la question de la définition de la transition sociale selon eux. « C’est le salarié d’abord », ajoute Cedrick Lanari. « La transition sociale, c’est aussi comment on peut accompagner le salarié. Ce n’est pas forcément une question d’argent, mais de bien-être au travail. Faciliter le transport, par exemple », détaille Hubert Dupont.

Au-delà du pluralisme, des propositions

La transition sociale mise en avant par la F2SM s’apparente donc surtout à une volonté de démarcation de l’USM. Néanmoins, la F2SM affiche quelques propositions pour « aider les salariés dans leur quotidien ». « Avoir un échange avec les employeurs, avec la Fédération des entreprises monégasques (Fedem), avec le gouvernement aussi pour avoir une prise en charge », avance Cedrick Lanari. « Ce sont des sujets qu’on va apporter au sein de chaque entreprise, soit par le biais d’accords en interne, soit par le biais de la principauté. Car on a des membres de notre fédération au Conseil économique et social [et environnemental], au tribunal du travail, à la commission de contrôle des caisses sociales, de la Caisse autonome des retraites (CAR), de la médecine du travail. » La F2SM souhaite aussi revenir sur le fameux article 6 (1) de la loi 729 datant de 1963, qui encadre le contrat de travail en principauté. « On aimerait que ça se dirige vers un divorce sur consentement mutuel, comme la rupture conventionnelle en France. Je pense qu’on doit être un peu les seuls au niveau européen à pratiquer ce genre de choses. Et je ne suis pas sûr que ça soit bien humain. Monaco a les moyens de trouver une solution différente de cette rupture brute et abrupte. » L’intérim se situe également parmi les préoccupations du syndicat. « Aujourd’hui, il n’y a pas de loi sur l’intérim. Les boîtes d’intérim fonctionnent avec une charte de bonne conduite. Mais, au niveau législatif, il n’y a rien. On pourrait proposer au bout d’un an ou deux ans de travail dans une même boîte, qu’on puisse proposer d’intégrer cette boîte », glisse le président de la F2SM. « On va créer un centre de formation, également, pour donner une éducation ouvrière ou une formation syndicale aux salariés monégasques ».

Discuter, toujours

Concernant la stratégie pour obtenir gain de cause dans ces revendications, la F2SM martèle : la discussion, rien que la discussion. Mais que faire quand celle-ci vient à être rompue, comme chez Foreplast, ou même ne démarre pas, comme pour les salariés de Coty-Lancaster ? Concernant Foreplast, Cedrick Lanari rejette la faute sur l’USM, sans les nommer. « Il y avait une volonté de certaines personnes de rompre la discussion et de dire aux gens : « Vous irez aux prud’hommes, et peut-être que dans quatre ou cinq ans vous aurez quelque chose. » » Quant à Coty-Lancaster, dont la direction s’est montrée très peu encline à la discussion après l’annonce de 24 suppressions de postes, le président de la F2SM admet des difficultés, sans remettre en cause le plan de licenciement originel qui ne semblait pas justifié. « Au début, oui. Puis, même jusqu’au bout, cela a été difficile, effectivement. Mais à la fin, ça s’est terminé avec peu de vrais licenciements, sept ou huit, et plusieurs départs en retraite. » Pour rappel, vingt-et-un postes ont été supprimés, majoritairement dans la chaîne de production, sans concertation préalable et sans communication de données motivant le plan de licenciement. Outre les récents conflits sociaux, comment la F2SM se positionne-t-elle sur les grands sujets liés au travail qui ont émaillé l’année 2019 en principauté, comme le travail de nuit et le travail le dimanche ? « Sur le travail de nuit, on a participé à toutes les concertations avec le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Didier Gamerdinger. Et on a pu exprimer à chaque point nos idées. On va voir Didier Gamerdinger la semaine prochaine, et on va lui poser la question de savoir où est-ce qu’on en est dans la loi, puisque le premier jet n’a pas été retenu. Sur le travail du dimanche, notre fédération a dit oui au travail du dimanche, mais à condition que le volontariat soit bien respecté. Et que le dimanche ne soit jamais un jour comme les autres, et qu’il y ait un avantage à travailler les dimanches pour les salariés. On a obtenu ce qu’on a souhaité. Aujourd’hui, avec six-huit mois de recul, on voit qu’il y a plus de gens qui veulent travailler les dimanches que les besoins que l’on a ».

La « petite fédération qui monte », selon les mots de son président, dit compter aujourd’hui « 800 adhérents » et 11 syndicats, après huit années d’existence. L’objectif, à terme, est-il, de devenir majoritaire ? « L’objectif c’est de nous développer à notre rythme. On n’a pas d’objectifs », esquive Cedrick Lanari. « Si un salarié se retrouve dans nos convictions pour être défendu, notre objectif est atteint », dit Hubert Dupont. Les textes actuels concernant la modification de convention, collectives ne permettent pas à la F2SM d’y apposer ses amendements. Car seuls les signataires desdites conventions sont habilités à les modifier. Or, la F2SM n’a été créée qu’en 2012, et la plupart des conventions collectives datent d’avant sa création. Ils poussent donc à une modification des textes de loi auprès du conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, qui selon eux, semble « moyennement » favorable pour le moment.

Apolitique ?

Dans ses déclarations liminaires, les membres de la F2SM ont tous souligné le caractère apolitique du syndicat. Mais peut-on être vraiment apolitique lorsqu’on est un syndicat de salariés et que l’on traite de sujets éminemment politiques ? « Nous, ce qui nous intéresse, c’est la vie des salariés. Qu’ils aient un équilibre vie privée-vie professionnelle », répond Cedrick Lanari. « Notre politique, c’est notre philosophie. C’est un état d’esprit, mais ce n’est absolument pas une tendance politique pure et dure comme il peut y avoir en face », résume Silvano Vittorioso. « On est pour un syndicalisme participatif ». « Et constructif ! », ajoute Nouredine Medhioui, du syndicat hospitalier autonome de Monaco (SHAM). « On est tous actifs, on est tous dans le monde du travail. On n’a pas de salariés du syndicalisme », explique Silvano Vittorioso. « On ne va pas prendre de délégation pour aller manifester », ajoute Hubert Dupont. Si l’on s’en réfère aux courants historiques du syndicalisme, la F2SM paraît se situer dans la branche des syndicats de collaboration. C’est-à-dire, de ceux qui œuvrent non pas à la transformation d’un modèle économique, mais qui cherchent à maximiser les avantages divers pour les salariés, en collaboration avec le patronat. « On essaie d’établir des relations avec la Fedem, pour pouvoir échanger un peu, savoir ce qu’ils pensent, et où on peut aller. On sème pour l’avenir. Ça permet d’avancer », répète Cedrick Lanari. Une conception syndicale éloignée des habituels rapports de force entre patronat et salariés, aux intérêts divergents. Par ailleurs, l’appellation même de syndicat les dérange. « Il faudrait qu’on arrive à trouver un autre terme. Ce terme-là fait peur. Il est galvaudé », conclut Silvano Vittorioso.

(1) Pour rappel, l’article 6 stipule ceci : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l’une des parties ; il prend fin au terme du préavis ».

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