samedi 20 avril 2024
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Accidents mortels
L’affaire de tous

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accident de deux-roues
En 2010, les deux-roues ont été mis en cause dans 68,8 % des accidents de la circulation. Soit 143 chocs corporels, nécessitant une hospitalisation, sur les 208 recensés à Monaco. © Photo Sûreté publique

Les accidents de la route, Monaco n’y échappe pas. Les premiers concernés?? Les deux-roues.

Par Céline Galbrun.

En 2010, les deux-roues ont été mis en cause dans 68,8 % des accidents de la circulation. Soit 143 chocs corporels, nécessitant une hospitalisation, sur les 208 recensés à Monaco. C’est le constat effrayant que révèle l’étude menée par le capitaine de police Michel Ragazzoni. Comment expliquer ce phénomène?? Fernand Hilaire, vice-président de la Prévention routière monégasque, déplore la conduite des conducteurs. « Ils prennent beaucoup de risques. Ils doublent notamment dans des positions non autorisées et dans des espaces très réduits. Du coup, le moindre écart d’une automobile peut être fatal. D’autant qu’en deux-roues, on n’a pas de carrosserie?! » Et d’ajouter?: « Le réel problème, c’est que bien souvent, les pilotes conduisent comme s’ils étaient en voiture. Alors qu’il faut être beaucoup plus vigilant. D’ailleurs, on remarque souvent que les motards se débrouillent très bien dans une automobile. On ne peut pas en dire autant dans la situation inverse… »
Et pour ceux qui pensent que ce sont les jeunes qui sont les principaux responsables, ils se trompent. Les mineurs ne sont impliqués que dans 4 % des cas. D’où l’importance de sensibiliser l’ensemble de la population afin de réduire le nombre d’accidents. Et de morts. Depuis le début 2011, deux conducteurs de deux-roues sont décédés. C’est pourquoi le gouvernement tire la sonnette d’alarme. En collaboration avec la Prévention routière monégasque et la Fédération patronale monégasque, des actions sont mises en branle. Première cible?: les employeurs de livreurs et de coursiers. « Des rencontres vont être organisées fin juillet avec différentes entreprises pour traiter cette grande cause nationale », annonce Paul Masseron, conseiller pour l’intérieur. Tandis que l’Education nationale se chargera de sensibiliser le public scolaire à la rentrée. De son côté, Marie-Pierre Gramaglia, conseillère pour l’Équipement, assure qu’un « état des lieux va être effectué au niveau des passages piétons, pour savoir si certains sont plus glissants que d’autres. Si tel est le cas, des améliorations seront réalisées ». Il ne reste plus qu’à attendre pour savoir si, oui ou non, ces campagnes auront un réel impact sur la sécurité routière. Car c’est le bon comportement de chacun au volant qui demeure évidemment essentiel.

Les petits gestes qui sauvent

Pour éviter les accidents en deux-roues, il n’y a pas 3?000 solutions. D’abord être équipé un minimum. « Des gants, des bottes, un casque complet, une veste munie de protections », énumère l’agent Jean Vasse. Pour ce qui est du reste, piétons, voitures, bicyclettes… Fernand Hilaire, assure qu’il faut « informer les personnes, qu’ils prennent des heures de conduite supplémentaires si nécessaire. Mais aussi apprendre aux petits, dès le CP, à traverser, à bien regarder et surtout à attendre que le véhicule soit arrêté avant de continuer. Il suffit que le conducteur ne soit pas attentif et continue sa route… » Un choc est vite arrivé. En raison d’un temps de réaction incompressible. En moyenne, un conducteur va « parcourir 10 mètres lorsqu’il roule à 50 km/h avant de prendre en compte l’obstacle devant lui et tenter de l’éviter ». A 70 km/h, il lui faudra 20 mètres pour s’arrêter. Largement le temps de percuter un piéton. L’an dernier, « 48 d’entre eux ont été blessés », rappelle l’agent Jean Vasse, en s’appuyant sur l’étude du capitaine Ragazzoni. Car « lorsqu’une personne se prend de face un véhicule qui roule à 40 km/h, c’est comme s’il faisait une chute de 4 étages », précise le policier. Le docteur Tristan Lascarre du service traumatologie de l’hôpital Princesse Grace assure que 80 % des piétons n’y survivent pas. Des chiffres qui laissent de quoi réfléchir…
Des blessés de la route, le docteur Lascarre en voit « beaucoup trop souvent ». Et même s’ils survivent, « leur vie est radicalement changée », assure-t-il. Entre ceux qui sont « défigurés, les grands brûlés, ceux qui ne pourront pas retrouver à 100 % l’usage de leurs membres ou encore ceux qui gardent des séquelles mentales… On oublie tout ce qui se passe après l’accident. Sans parler du coût que cela engendre?! ll faut compter 800 euros la journée pour une chambre. Et en cas de rééducation, qui peut durer des mois, le montant s’élève à 400 euros par jour. Fort heureusement pour les familles, la sécurité sociale prend en compte la majorité des frais. »

Les drogues sur le banc des accusés

Sur la totalité des accidents à Monaco, 14 % sont dus à l’alcool. Plus de 50 % sont causés par un défaut de maîtrise du véhicule. « Le cocktail alcool et fatigue est récurrent », rappelle Paul Masseron, conseiller pour l’Intérieur. Un autre facteur n’est, pour l’heure, pas « suffisamment pris au sérieux », selon Tristan Lascarre?: la prise de stupéfiants. Aujourd’hui, dans la principauté, « la loi stipulant un contrôle de stupéfiants sur les personnes accidentées n’est pas encore passée », regrette Tristan Lascarre. Un texte en cours de finalisation indispensable car l’usage de drogues peut être lourd de conséquences. Ainsi, le médecin se souvient d’une anecdote qui s’est déroulée il y a des années, à Tours. À l’époque où, en France aussi, la loi sur le contrôle des toxiques n’était pas encore en vigueur. « C’était en 1998. Un père, une mère et leurs trois enfants sont décédés des suites d’un accident de voiture. Une jeune femme, accompagnée d’une amie, a pris un sens interdit et percuté leur véhicule de plein fouet. La passagère de l’automobile fautive a été grièvement blessée tandis que la conductrice est sortie indemne », se remémore le médecin. Et de poursuivre?: « J’avais assisté, dans la salle de déchocage, à une conversation entre les deux femmes?: « Qu’est-ce qui va se passer?? Les flics t’ont serré?? » Ce à quoi la conductrice a répondu, et je m’en souviendrais toujours?: « Non non, j’étais clean puisque je n’avais pas pris d’alcool et la dope, ils ne la dosent pas ». Dans un premier temps, j’ai demandé à mon patron de faire valoir le droit au remords et ne pas opérer cette personne pour pouvoir me porter partie civile car, en intervenant sur la passagère, je devenais son médecin et étais sous le sceau du secret médical. » Mais le chef de Tristan Lascarre ne lui a pas laissé le choix et a assisté à l’opération avec lui…
Aujourd’hui, pour le médecin, il n’y a donc pas d’alternative?: « Il me semble primordial que cette loi passe à Monaco. Il n’est actuellement pas possible de faire ce type d’examen sans commission rogatoire. Et elles sont beaucoup trop coûteuses pour que l’hôpital s’en occupe tout seul. Pourtant, des accidents pourraient encore être évités… »

Les accidents de la route en chiffres
• 45 % des accidents de la route se produisent entre les automobiles et les deux-roues.
• Certains jours et horaires sont plus risqués que d’autres. En 2010, 21 % des accidents ont eu lieu un jeudi. Surtout entre 12h et 19h (48,8 %).
• Les tunnels dangereux?? Pas tellement, c’est en surface que la casse se produit, dans 95 % des cas.
• Les Monégasques seraient plus prudents, lorsqu’on sait que seulement 40 % des deux-roues impliqués sont immatriculés Monaco. Les autres proviennent de l’étranger.
• La phrase « Femme au volant mort au tournant » peut être oubliée puisque ce sont les hommes qui sont fautifs dans 70 % des accidents.