jeudi 18 avril 2024
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L’accessibilité à l’unanimité !

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Dans cinq ans, tous les bâtiments de service public devront pouvoir accueillir facilement les personnes à mobilité réduite ou handicapées. C’est le texte que vient d’adopter le Conseil national, qui vient compléter la loi sur les droits et libertés des personnes handicapées.

« La liberté de se mouvoir. Une liberté qui peut paraître si banale, mais qui n’est pas acquise facilement pour les personnes handicapées », a reconnu le conseiller-ministre de gouvernement aux Affaires sociales et à la Santé, Stéphane Valeri. Une liberté qu’entend asseoir le projet de loi n° 932 relatif à l’accessibilité du cadre bâti, voté à l’unanimité des conseillers nationaux présents en séance législative jeudi 1er décembre. Face aux élus de la haute assemblée, le ministre a loué les futures vertus du texte, un pas supplémentaire de « l’ambitieuse politique sociale menée par le gouvernement princier ». Il se décompose en deux parties : « Le cadre bâti neuf accessible ab initio, et le cadre déjà bâti existant devenant accessible dans le cadre de travaux soumis à autorisation d’urbanisme », détaille le rapporteur du projet de loi, Christophe Robino. Cet élu souligne qu’il n’y a pas, à proprement parler, « d’obligation de mise en accessibilité du bâti existant pour les propriétaires. L’élément déterminant est la réalisation de travaux soumis à autorisation d’urbanisme, qui entraîne cette obligation. » Dans l’hémicycle, on se félicite de ce que le rapporteur qualifie de « politique incitative mesurée et proportionnée, plutôt que contraignante ». Une absence d’obligation pour les propriétaires à tempérer avec celle à laquelle doit se soumettre l’État, qui « s’impose des contraintes plus importantes », note Christophe Robino. Tout bâtiment accueillant un usager de service public doit effectuer des travaux de mise en accessibilité avec bilan dans un délai de cinq ans. « Comment imaginer cette loi sans sacraliser l’accès à tous aux services publics sans discrimination ? », interroge Thierry Poyet, président de la Commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (Cisad).

Adaptés

Une rigueur que l’État s’impose également dans la construction d’appartements domaniaux. « Le logement des handicapés est un sujet préoccupant », confirme le rapporteur du projet de loi. La Principauté a ainsi « mis en place un quota de logements adaptés et adaptables ». Adaptés pour signifier qu’ils conviennent immédiatement aux personnes à mobilité réduite, adaptables si on estime qu’ils peuvent être mis en conformité par des « travaux simples, ne touchant ni aux structures, ni aux réseaux principaux ». Depuis 2011, le gouvernement mise sur « 5 % d’appartements adaptables sur la totalité du parc locatif, et d’un appartement adapté par tranche de 30 logements ». Il compte à ce jour trente appartements adaptés et six adaptables. Trois fois plus qu’il y a cinq ans, et un nombre estimé « suffisant pour l’instant ». De plus, « tout nouvel immeuble domanial neuf serait aménagé pour être accessible », confirme Stéphane Valeri. Cette orthodoxie de l’État concernant l’accessibilité n’a en revanche pas été transcrite au secteur privé déjà existant. « Il a été jugé que le coût des travaux d’adaptabilité n’est pas exorbitant au regard du prix d’achat d’un appartement en Principauté », estime Christophe Robino. Surtout que d’après le rapporteur, « les nouvelles normes se rapprochent de celles des appartements adaptables ». Les espaces communs des bâtiments à usage industriel ou de bureau ainsi que des bâtiments collectifs à usage d’habitation doivent également se conformer à cette mise en accessibilité. En revanche, a été pris le parti de ne pas inclure l’accessibilité du poste de travail, le rapporteur mentionnant « une approche incitative et au cas par cas » pour laquelle l’entreprise peut avoir des aides.

Manifestations

Il est à noter que pour des raisons pratiques, cette loi ne s’applique pas aux bâtiments construits ou achevés avant le 1er septembre 1947. « La topologie de la Principauté et de nombreux quartiers anciens a obligé à considérer le texte différemment en fonction de la date de construction des immeubles. Les contraintes imposées par la loi ne peuvent s’imposer à tous les édifices », a constaté Christian Barilaro. Le texte inclut en revanche des mesures qui touchent les nombreuses manifestations et évènements se déroulant en Principauté. Et Christophe Robino de citer le Grand Prix, le Monaco Yacht Show (MYS), le Jumping dans sa liste non exhaustive des « constructions provisoires ou installations temporaires ouvertes au public » qui doivent également se soumettre à l’obligation d’accessibilité. « Elles auront la possibilité de demander une dérogation », nuance néanmoins le conseiller national. Avec toutes ces mesures « très attendues », les élus se targuent d’avoir trouvé un « équilibre indispensable entre réalités du terrain pour l’État comme pour les propriétaires et adaptation pour faire de l’accessibilité une condition préalable naturelle ». Et ce malgré « sa complexité, en fonction que l’appartement date d’avant 1947, d’après, ou soit neuf », estime Alain Ficini. Raison pour laquelle ce projet de loi n° 932 relatif à l’accessibilité du cadre bâti a été séparé d’une loi globale sur le handicap. « Nous avons fait le pari de scinder la loi », confirme Thierry Poyet, satisfait de cette « formule, efficace pour tous et respectueuse ». Ce dernier volet législatif sur le handicap vient ainsi compléter le projet de loi n° 893 sur la protection, l’autonomie et la promotion des droits et des libertés des personnes handicapées, transformé en loi n° 1410. Et permet à la Principauté d’avoir intégralement traité la question des droits, des libertés et de l’accessibilité des personnes handicapées à la veille de la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre, que le gouvernement a décliné, lundi 5 décembre pour la cinquième année consécutive, en Rencontre monégasque du handicap. Et le ministre de la Santé et des Affaires sociales d’espérer, dans quelques années, que la Principauté s’exclamera d’une même voix : « Mais comment faisions-nous avant cette loi ? »

 

Aller plus loin ?

Le conseiller national Horizon Monaco (HM) Christian Barilaro a émis deux propositions pour aller plus loin dans « l’aspect humain » de la gestion du handicap, afin de « gommer ces différences ». « Il faudrait nommer, dans le département de Marie-Pierre Gramaglia, [conseiller-ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme, N.D.L.R.], une personne elle-même touchée par le handicap, chargée de vérifier les normes d’accessibilité sur les constructions. Cette personne existait, mais elle est décédée et n’a jamais été remplacée », déplore cet élu, qui prône aussi « l’incrustation en langue des signes des débats publics ».