vendredi 26 avril 2024
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“Aucune pénalité reçue par le gouvernement”

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Gare de Monaco
La Gare de Monaco. © Photo Monaco Hebdo.

La grève nationale lancée par la CGT et Sud-Rail  le 6 avril a lourdement perturbé le trafic ferroviaire sur la ligne Grasse-Vintimille pendant plus d’une dizaine de jours. Alors que la région PACA a réclamé 10 millions d’euros d’indemnités à la SNCF en 2009, quelle est la position du gouvernement monégasque ? Gilles Tonelli, conseiller de gouvernement à l’équipement répond à Monaco Hebdo.

Otage”. Le mot revient, lancinant, dans la bouche des 14 000 usagers de la ligne Grasse-Vintimille. Et les premières victimes de ce bourbier social entre la SNCF et les syndicats n’hésitent plus à mener des actions coups de poing. Le 25 mars dernier, après 2 jours de grève, plusieurs usagers ont spontanément paralysé le trafic. « Pendant une grosse heure, la gare de Nice-Riquier a été complètement bloquée avec plusieurs TER immobilisés. Certains passagers ont bloqué les systèmes de fermeture de porte pour manifester leur mécontentement parce que les rames étaient déjà pleines à la gare de Nice-Ville », explique une salariée de Monaco, témoin de la scène. Une action que ne cautionne pas le président de l’association Les naufragés du TER, Eric Sauri. Car, selon lui, ce type de rébellion isolée ne fait que « rajouter de l’anarchie à l’anarchie. » « Les gens commencent à vouloir également se faire justice eux-mêmes. Par exemple, beaucoup ne paient plus leurs billets. Mais notre association n’appelle pas à la désobéissance publique », ajoute Sauri. Presque un an et demi après la mise en place des 5 nouvelles rames monégasques et du nouveau cadencement en décembre 2008, la situation reste donc très chaotique pour les usagers de la ligne Grasse-Vintimille.

41 % de TER supplémentaires

A l’époque, cet investissement monégasque de 50 millions d’euros avait alimenté de gros espoirs chez les passagers. Sur le papier, le projet était ambitieux : un train tous les quarts d’heure aux heures de pointe et toutes les demi-heures en heures creuses. Avec des rames offrant un confort optimal. « En 2007, 73 trains s’arrêtaient en gare de Monaco. Cette année 103 trains s’y arrêtent. Soit 41 % de circulations supplémentaires », explique Gilles Tonelli, conseiller du gouvernement pour l’équipement. Mais certains usagers sont moins optimistes. « La ligne Grasse-Vintimille est un trou noir ferroviaire. Lorsque le cadencement a été lancé avec les nouvelles rames, il y a eu un vrai mieux. Car on avait les rames de Monaco et celles d’Aix – Marseille dont le tronçon était en travaux. Mais une fois les travaux finis, nous n’en avons plus bénéficié. S’il n’y avait pas eu les 5 rames monégasques, ça aurait été catastrophique. Lorsqu’il y a moins de trains, il devrait y avoir des gros porteurs à 12 caisses aux heures de pointe pour affronter l’afflux de voyageurs. Et ce n’est pas le cas », explique Eric Sauri. Pendant la dizaine de jours de grève, le conseil général des Alpes-Maritimes a d’ailleurs ajouté des bus et des rotations sur la ligne 100 qui relie Nice à Menton, via Monaco. 4 000 personnes supplémentaires par jour ont été transportées selon le conseil général. Mais les conflits sociaux ne sont pas les seuls éléments perturbateurs du trafic. Pannes matérielles, accidents de personnes, intempéries, absence de personnel ou éboulements… En 2009, les dysfonctionnements ont engendré la suppression de plus de 16 500 trains dans la région PACA (les grèves pour 9 500 d’entre elles, plus de 4 000 pour les défaillances internes à la SNCF). Des dysfonctionnements qui agacent sérieusement les élus locaux. Et quand la SNCF ne parvient pas à honorer son contrat, la sanction financière tombe.

La colère de la région

En PACA, pas moins de 3 milliards d’euros ont été dépensés pour les TER en 10 ans. A ce tarif, la colère est donc réelle. Notamment chez Jean-Yves Petit, vice-président du conseil régional délégué aux transports publics régionaux, qui a récemment succédé à Gérard Piel (voir encadré). Mais le mécontentement est également palpable au sein du gouvernement monégasque. « L’Etat monégasque ne peut que déplorer cet impact. Ceci étant, depuis la signature de la convention de fourniture de matériels entre la SNCF et la Principauté, le nombre de trains supprimés a diminué. Même si ce nombre reste trop important et inacceptable pour les usagers », explique Gilles Tonelli. En janvier 2009, le gouvernement est d’ailleurs passé à l’offensive, sous l’impulsion de l’ancien ministre d’Etat Jean-Paul Proust, par le biais d’une missive envoyée au directeur général de la SNCF, Guillaume Pépy. En effet, le contrat entre Monaco et la SNCF prévoirait un système de pénalités en cas de non application des modalités. Avec le versement de 10 000 euros par train manquant, et par quinzaine. Des chiffres que Gilles Tonelli ne souhaite pas confirmer : « Les montants relèvent des dispositions du contrat passé entre l’Etat et la SNCF. Ils n’ont pas un caractère public. » Avant d’ajouter : « Pour l’instant, aucune pénalité n’a été reçue par le gouvernement monégasque. » Quant à une menace de se séparer de la SNCF dans le cadre de l’ouverture des lignes internationales à la concurrence, Monaco ne peut être seul décisionnaire sur la question. « Le gouvernement monégasque n’est pas en charge des attributions des sillons, c’est-à-dire des créneaux horaires de disponibilité des voies ferrées. Car le gestionnaire, c’est Réseau Ferré de France (RFF). Il ne peut donc pas, de sa seule initiative, faire appel à un autre prestataire sur une ligne transfrontalière France – Italie – Monaco », conclut Gilles Tonelli.

3 questions à Jean-Yves Petit

vice-président du conseil régional délégué aux transports publics régionaux

“10 millions d’euros réclamés à la SNCF en 2009”

Monaco Hebdo : Dans cet enlisement entre la SNCF et les syndicats, quel rôle peut avoir la région ?
Jean-Yves Petit : La région n’a qu’un pouvoir très limité. On est pas en capacité de s’immiscer dans ce conflit social entre les syndicats et la SNCF. Mais on fait pression pour qu’il y ait un dialogue social qui s’instaure. Car in fine ce sont les usagers qui en font les frais. Mais les chiffres le prouvent. Les grèves paralysent énormément le trafic. Plus de 10 % des trains ont été supprimés en 2009, dont 60 % à cause de conflits sociaux. Il faut savoir aussi que 4 200 trains ont été supprimés l’an dernier pour cause de défaut d’agent ou de matériel. Un chiffre qui est en constante progression depuis 2006. En revanche, la région entend demander des comptes sur ce type de désagréments. Car, dans ces cas précis, c’est un problème de gestion interne à la SNCF. C’est inacceptable. La direction nationale de la SNCF a d’ailleurs mis en place un audit interne qui a été récemment finalisé. On a demandé des explications sur ces désagréments techniques.

M.H. : Quelles sont les indemnités réclamées par la région ?
J.-Y.P. : En 2009, les pénalités prévues dans la convention signée entre le conseil régional et la SNCF s’élèvent à 10 millions d’euros. Une somme qui comprend l’ensemble des trains supprimés. Que ce soit pour défaut d’agent, défaut matériel ou en raison des grèves. En 2008, une délibération du conseil régional a d’ailleurs doublé le montant des pénalités. Il faut préciser que la SNCF s’appuie sur deux ressources : d’abord une subvention versée par le conseil régional qui varie selon les années de 200 à 215 millions d’euros, et le reste qui provient des ressources voyageurs, billetterie notamment, soit une somme de 100 millions d’euros.

M.H. : Avez-vous discuté avec le gouvernement monégasque de ces questions ?
J.-Y.P. : Je viens d’être élu. Donc, pour l’instant, je n’ai pas eu de contact avec Monaco. Mais il est prévu une révision de la convention entre la région et la SNCF. Au plus tard en 2011. Ce sera sans doute l’occasion d’avoir une concertation avec le gouvernement monégasque. Car la situation sur la ligne Grasse-Vintimille est chaotique. Mais la construction de la troisième voie entre Cannes et Nice, courant 2012, devrait fluidifier le trafic.